Le terme physiocrate vient du grecque, il a été composé à partir du terme « Physis » qui signifie « nature », et de « kratos » qui veut dire puissance. Ca repose sur l’idée de la puissance de la nature : la richesse vient de la nature, et donc de l’agriculture.
Le terme a été inventé par un physiocrate français qui s’appelle Dupont De Neumours. Et la physiocratie c’est une école de pensée qui est typiquement et uniquement française. Elle n’a eu lieu qu’en France, ne s’est développée qu’en France, et il n’y a que des physiocrates français. Par ailleurs, elle est limitée dans le temps puisque sa durée de vie a été relativement courte, entre 1756 et 1780 environ.
Toutefois, elle a eu une importance relativement grande, par son impact sur d’autres économistes, en particulier sur Adam Smith (il a été influencé par les physiocrates), sur Marx. C’est chez les physiocrates que l’on trouve les origines de la comptabilité nationale.
En fait la physiocratie marque la naissance de l’économie politique, c-à-d d’une conception de l’économie comme discipline qui permet d’expliquer le fonctionnement des sociétés, la vie politique. On ne s’intéresse plus uniquement à l’économie au sens stricte du terme, mais à l’économie dans la société, dans la politique, dans les institutions.
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Il y a 2 personnages particulièrement intéressants chez les physiocrates :
- François Quesnay (le plus important)
- Mirabeau
Table de matières
La critique du mercantilisme
La physiocratie a émergé en réaction contre le mercantilisme : ensemble de doctrines qui prônent l’enrichissement provenant de l’accumulation de richesses, et en particulier des métaux précieux. Il y a eu plusieurs formes de mercantilisme. Il y a des différences entre ces théories mais toutes convergent vers une même vision du fonctionnement de l’économie avec un objectif l’accumulation de richesse grâce à un moyen : le commerce.
Les commerçants sont donc la classe productive.
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Les physiocrates considèrent que les mercantilistes sont à l’origine des crises qui touchent le pays. Il y a d’abord une crise des finances publique : l’Etat est en faillite. On a aussi une crise d’ordre politique, guerre de 7ans, qui se solde par la perte des colonies américaines, et a contribué à alourdir davantage les finances. Et pour finir il y a une crise agricole, l’agriculture française ne produit pas suffisamment pour nourrir le pays (famines).
Les physiocrates reprochent aux mercantilistes d’avoir négligé l’agriculture et la nature au profit du commerce et de l’artificiel. Le reproche est d’autant plus justifié que les physiocrates sont persuadés que la France a suffisamment de capacité agricole pour nourrir le pays, qui calcule que l’agriculture pourrait nourrir 31 millions de personnes alors qu’il n’y a que 18 millions de personnes, ce qui démontre donc bien que la France est affamé parce que la richesse est mal gérée.
Et par conséquent pour sortir de cette crise il faut aller chercher les richesses là où elles se trouvent et les orienter correctement vers les gens qui en ont besoin. Une fois que la richesse est créée pour l’orientée de manière efficace il faut autoriser la liberté du commerce et notamment du commerce agricole (« commerce des grains »).
La physiocratie repose sur 2 idées :
- d’une part l’agriculture est la source de la richesse et le commerce est secondaire.
- pour commercialiser et répartir la richesse créée par l’agriculture il faut supprimer toutes les barrières à l’échange à l’intérieur du pays mais aussi avec les autres pays.
L’un des premiers à avoir critiqué le mercantilisme parce qu’il favorise le superflus au détriment du nécessaire c’est Boisguillebert, qui est un précurseur des physiocrates dont les idées seront reprises par les physiocrates.
Dans un ouvrage écrit en 1697 il fait la distinction entre les richesses nécessaires et les richesses superflues. Il considère que les richesses nécessaires doivent précéder les superflues, et il considère que l’agriculture est à l’origine de ces richesses.
Les principes économiques de la physiocratie
La théorie du produit net
C’est une théorie qui est inventé par Quesnay. Il part de l’observation du fonctionnement d’exploitations agricoles en établissant une comptabilité de ces exploitations. Il élabore une comptabilité de ces exploitations, et dans cette comptabilité il invente un certain nombre de notions comptables. Les deux notions les plus importantes sont les notions de produit brut et de produit net.
- produit brut mesure la richesse du pays.
- Et le produit net mesure la différence entre la richesse qui est obtenue par la production (richesse produite), et la richesse qui est dépensée pour produire.
Quand Quesnay parle de richesses, il parle de richesses matérielles (comme Guillebert). Il écrit : « les richesses d’une nation ne se règlent pas par la masse des richesses pécuniaires ». Ce n’est pas la quantité de monnaie qui existe dans une économie qui permet de dire si cette économie est riche ou pas, c’est la quantité de bien disponible.
Dans cette logique-là, l’industrie et le commerce ne créent pas de richesses, parce qu’elle ne crée pas de bien. La classe des producteurs, la classe des artisans, des industriels et de commerçants, est appelée par Quesnay la classe stérile. Stérile au sens où elle ne crée pas de richesse matérielle.
Exemple : Un menuisier qui fabrique une table ne crée pas de richesse, parce qu’il ne crée pas de matière, la quantité de matière qu’il y a dans la table est exactement la même que la quantité de matière dans le bois utilisé pour créer la table. Les artisans se contentent de transformer les biens.
Le produit net de cette classe stérile est égal à 0, parce que la richesse qui est créée a la même valeur que ce qui a été dépensé pour créer cette richesse.
La seule classe productive, la seule classe qui crée des richesses, c’est l’agriculture. C’est la seule classe qui crée un produit net positif. Parce que le travail de l’agriculteur est, d’après les physiocrates, complété par le travail de la nature. Plus précisément (Nemours) : « Dieu est le seul producteur ».
Il reste une troisième classe qui est importante : La classe des propriétaires fonciers (les agriculteurs ne sont pas propriétaires). Cette classe n’est pas non plus une classe productive (produit net = 0).
La classe des propriétaires et la classe stérile jouent un rôle dans le fonctionnement de l’économie, même si leur produit net est nul, parce qu’elles contribuent à faire circuler les richesses.
Comment ces trois classes fonctionnent ensemble ? voir tableau économique.
Le tableau économique (Quesnay)
Le tableau économique décrit le circuit que suivent les richesses à la fois matérielles et monétaires dans l’économie. Cette idée de circulation des richesses est inspirée de la circulation du sang dans le corps humain. Boisguillebert avait déjà proposé une représentation de l’économie sous la forme d’un circuit, et un autre économiste (Cantillon) a aussi proposé une représentation de l’économie sous la forme d’un circuit.
L’un de ceux qui a été inspiré par Quesnay et son tableau économique est Marx. Par ailleurs, on peut dire que toute la comptabilité nationale trouve ses origines dans le tableau économique. C’est un tableau qui est donc assez intéressant parce qu’il a inspiré des économistes importants, des idées importantes.
La première formulation du tableau économique date de 1758. La deuxième version (la plus courante) date de 1766, et c’est devenu la version de référence parce qu’elle introduit une notion importante qui est la notion d’avance.
Les avances, ce sont les ressources qui sont nécessaires à la production. Il distingue 2 types d’avances :
• Les avances primitives : C’est ce que les économistes appellent maintenant le capitale fixe (les machines, les immeubles, tout ce dont on besoin de fixe pour produire).
• Les avances annuelles : Ce qu’on appelle le capitale circulant (matières premières)
Il introduit un troisième concept, qui est le concept de reprise. Les reprises ce sont les ressources qui sont prélevées pour reconstituer des avances (forme d’amortissement).
Remarque : Ce tableau économique ne représente que les flux c.-à-d. la circulation de l’argent et la circulation de matière. Tout le capital fixe, qui sert à produire, n’est pas représenté dans le tableau économique.
Explication du schéma sous forme de tableau :
Classe productive Classe propriétaire Classe stérile 5 milliards dans l’économie, distribué comme ça : 2 milliards 2 milliards 1 milliard Représente les avances annuelles Ce sont des revenus (qu’ils tirent de la location de leurs terres) Avances annuelles. Dépenses : Ces 2 milliards de revenu des propriétaires proviennent d’un paiement qui a été fait l’année précédente par les agriculteurs. Pour Quesnay, les propriétaires répartissent leur revenu en 2 type de dépenses : 50% d’achats faits aux agriculteurs, et 50% a la classe stérile. Il s’agit d’un flux sortant, c’est de l’argent que les propriétaires dépense, et il s’agit d’un flux monétaire (c’est de l’argent). Donc ici les agriculteurs reçoivent 1 milliard des propriétaires La classe stérile reçoit 1 milliard des propriétaires. La classe stérile utilise cet argent pour acheter 1 milliard aux agriculteurs (des matières premières nécessaires à la production) et 1 milliard pour acheter de la nourriture. Donc les agriculteurs gagnent encore 2 milliard en flux monétaire. La classe productive a gagné 3 milliards. La classe productive va utiliser le milliard qu’elle a reçu des propriétaires pour acheter des biens auprès de la classe stérile. Il lui reste 2 milliards, qui vont être utilisés pour louer les terres aux propriétaires (rente). Le 1 milliard restant (sous forme de matière première) va être utilisé par la classe stérile pour reconstituer les avances annuelles pour la période d’après. Enfin, les 2 milliards d’avance des agriculteurs restant vont servir d’avance annuelle pour l’année suivante.
Les 2 milliards d’avance annuelle c’est du capital circulant, quelque chose utilisé pour produire.
Et il faut bien voir qu’il y a parfois 1 milliard en flux monétaire, et parfois c’est en flux réel (marchandise).
On peut aussi représenter le même tableau sous la forme de flux monétaires et de flux réels. (bleu flux réel, rouge flux monétaires).
Le bouclage du circuit est assuré par la classe des propriétaires (ce qui permet d’équilibrer le tableau). En effet, c’est assuré par les 2 milliards qu’ils dépensent àpart égale auprès des 2 autres classes. Si la proportion des dépenses des propriétaires entre les agriculteurs et la classe stérile, cela va affecter l’équilibre d l’économie.
Si les propriétaires dépensent + auprès de la classe stérile, cela va entrainer un déclin de l’économie puisque les agriculteurs vont avoir moins de ressources pour produire.
- Si les propriétaires dépensent + auprès des agriculteurs, cela va entrainer une croissance de l’économie parce que les agriculteurs vont produire plus, et comme ce sont les seuls à produire de la richesse → croissance.
- Mais l’équilibre dépend de la répartition parfait entre les 2 classes.
La liberté du commerce
La liberté du commerce correspond au laisser-passer.
Pour garantir le bon fonctionnement de l’économie, il faut que les richesses et les biens puissent librement circuler. Aussi bien dans le pays, qu’avec les autres pays. Cette liberté du commerce est le seul moyen, pour les physiocrates, permettant la vente des produits agricoles à un « bon » prix.
Un bon prix c’est un prix qui est suffisant pour permettre aux agriculteurs à la fois de payer la rente et les impôts, mais aussi de dégager un profit permettant d’investir pour les années suivantes. Donc les physiocrates sont favorables au libre-échange.
A l’inverse, le protectionnisme va entrainer une surabondance de grains à l’intérieur du pays (puisque les grains ne peuvent pas circuler librement avec les autres pays, il y en aura trop qui resterons en France), et donc si l’offre augmente, les prix baissent. Donc il faut du libre-échange.
Cette idée du libre-échange va connaitre un certain succès dans le sens où elle va être mise en œuvre par une loi du 18 juillet 1764. Elle va donc être mise en pratique par une politique publique. Cela s’explique par le fait que les physiocrates étaient très proches du pouvoir politique et donc auront influencé la décision du roi. Cette loi autorise l’exportation libre des grains.
Malheureusement, le résultat a été contraire à ce que les physiocrates espéraient. La conséquence n’a pas été la baisse du prix, elle a été une hausse des prix, ce qui a entrainé le mécontentement des français (hausse du prix du pain), et donc le roi a annulé cette loi, et on est revenu au protectionnisme.
A partir de 1770, l’importance des physiocrates commence à décliner, et avec la mort de Louis XV, leur influence va disparaitre complètement.
La croyance dans l’ordre naturel
La croyance dans l’ordre naturel correspond au laisser-faire.
Pour les physiocrates la société est réglée par un ordre providentiel qui est voulu par Dieu. Il existe un ordre naturel qui s’impose aux hommes et en particulier aux gouvernants.
Cet ordre naturel prend la forme d’un certain nombre de lois qui forment ce qu’on appelle le droit naturel. C’est le droit naturel qui gouverne la société au sens où c’est le droit naturel qui dit aux gouvernements ce qu’ils doivent faire.
Exemple de règle qui correspond au droit naturel : Le respect de la propriété privé.
En même temps, puisqu’il existe un ordre naturel, les gouvernements n’ont pas grand-chose à faire, simplement laisser cet ordre naturel s’exprimer.
Anecdote : le Roi demande à Quesnay :
- « que feriez vous si vous étiez roi » il répond
- « sire, je ne ferais rien ».
- « mais alors qui gouvernerait ? »
- « Les lois » (sous entendu, les lois naturelles), donc il faut laisser faire selon les physiocrates.
(Important) Dupont de Nemmour (1768) définit l’économie : « La science économique n’est rien d’autre que l’application de l’ordre naturel aux gouvernements des sociétés ».
Conclusion
Il y a plusieurs niveaux de réflexion chez les physiocrates.
- Le premier est plus fondamental. C’est le niveau de la réflexion philosophique. Cela concerne la réflexion sur l’ordre naturel (comment fonctionne la société, le rôle de Dieu…). Ce niveau est fondamental parce qu’il détermine les autres. Le niveau philosophique détermine la conception technique.
- Le second c’est le niveau technique, scientifique. Ce niveau correspond aux concepts économiques (tableau économique, produit net, avances).
- Le niveau des politiques publiques. Ce qu’on doit faire pour gérer la société quand on est au pouvoir. Ça se traduit par le laisser-faire / laisser-aller.
Aujourd’hui, les économistes ne s’intéressent qu’au second niveau.