L’efficience des marchés

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Un marché efficient est un marché sur lequel le cours d’un titre financier reflète toute l’information pertinente disponible sur ce dernier à un instant donné.

Fondements théoriques

Le concept des marchés efficients est connu depuis les travaux de M. Kendall en 1953. Ce dernier avait mis en avant que les cours boursiers semblaient suivre « une marche au hasard », c’est-à-dire qu’il n’y avait pas de modèle et encore moins de tendance pouvant expliquer les variations de prix des actions.

En d’autres termes, la variation du cours de la veille ne donne aucune indication aux investisseurs sur le cours du jour. L’une des raisons expliquant ce phénomène est que, lorsqu’une action est sous-évaluée, les investisseurs vont se précipiter pour l’acheter et la forte demande va contribuer à ramener son cours à un niveau normal.

En conséquence, le cours actuel d’une action reflète toute l’information passée disponible sur ce titre et les variations de prix sur les périodes actuelles sont indépendantes des variations des périodes précédentes.

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En théorie, il existe trois formes d’efficience des marchés.

Détermination du niveau d’efficience des marchés financiers

Les trois niveaux d’efficience

La théorie de l’efficience des marchés financiers distingue trois niveaux d’information. Suivant le niveau d’efficience du marché, la série des prix peut apporter de l’information mais de qualité différente.

  • Niveau d’efficience faible

Le prix des actions reflète totalement toute l’information contenue dans les mouvements de prix passés. Si ce niveau prédomine, il n’y a pas d’intérêt à « prédire » les mouvements de prix futurs en analysant les tendances des mouvements de prix passés.

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Les prix des marchés efficients des valeurs fluctueront plus ou moins au hasard, tout élément émanant du hasard étant trop coûteux à déterminer.

  • Niveau d’efficience semi-fort

Le prix des actions reflète non seulement toute l’information contenue dans les mouvements de prix passés mais aussi toute l’information publique disponible.

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En d’autres termes, il n’y a pas de bénéfices dans l’analyse de l’information existante telle qu’elle est contenue dans la publication des comptes, l’annonce des dividendes et des profits, le salaire des nouveaux dirigeants…, après que l’information ait été révélée.

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Le marché des actions a déjà répercuté cette information dans le prix actuel des actions.

  • Niveau d’efficience fort

Le prix des actions reflète toute l’information pertinente, même celle détenue confidentiellement.

Le prix de marché reflète la valeur « vraie », ou intrinsèque basée sur les futurs flux de trésorerie attendus.

Les implications d’un tel niveau d’efficience sont claires : personne ne peut battre durablement le marché et obtenir des profits anormaux

Remarque

Plus le niveau d’efficience augmente, plus les opportunités d’une spéculation profitable à certains se réduisent. La compétition entre des investisseurs bien informés fait que les prix des actions reflètent leur valeur intrinsèque.

Le niveau d’efficience selon les résultats des tests empiriques

Un nombre considérable de tests empiriques sur l’efficience des marchés a été mené depuis une cinquantaine années. Sur les marchés anglo-saxons, avant le krach de 1987, les résultats montraient une forme semi-forte d’efficience des marchés. Plus précisément, ils ont
montré les points suivants :

  • Il y a peu de bénéfice à attendre des prédictions de l’évolution des cours faites par les analystes.
  • Pour les sociétés cotées dont les valeurs sont régulièrement négociées sur le marché, les analystes ne sont pas capables de trouver des informations de sous ou sur-cotation dans l’étude des informations publiques.

Les études montrent que la plupart des informations contenues dans les rapports annuels et dans l’annonce des bénéfices est répercutée dans le prix des actions. Ce dernier délaisse les éléments passés supérieurs à un an mais tient compte des jugements des investisseurs établis à partir des éléments contenus dans la presse et autres informations de l’année.

Cependant, les analystes disposant de connaissances spécialisées et faisant attention aux plus faibles valeurs (donc moins bien négociées) peuvent réussir. De la même façon, les analystes capables de réagir plus rapidement que le marché aux nouvelles informations peuvent également réaliser des gains.

La forme semi-forte d’efficience semble pertinente pour la plupart des actions cotées.

  • La forme forte d’efficience ne peut être retenue.

Des revenus supérieurs peuvent être obtenus par ceux qui disposent d’informations provenant de « l’intérieur ». Cependant, il est du devoir des dirigeants d’agir pour le bien des actionnaires et il serait frauduleux de leur part de s’engager dans des négociations internes afin de se garantir des gains personnels.

Le fait même de l’existence de cas ayant conduit à la condamnation de dirigeants montre que les prix du marché n’anticipent pas complètement l’information non encore publiée.

Facteurs d’influence sur le niveau d’efficience

L’environnement économique

L’action des autorités publiques contribue à rendre les marchés financiers plus ou moins efficients. Ces dernières années, un degré plus grand d’efficience a été obtenu grâce à plusieurs éléments :

  • la dérégulation des marchés des actions et leur informatisation ont accéléré la capacité des prix des actions à répercuter l’information globale ;
  • le mouvement des fusions et acquisitions a été un moyen d’améliorer l’efficience du management : la faiblesse du cours des actions des firmes peu performantes les rend sujettes aux rachats ;
  • les privatisations de firmes publiques ont été un moyen de soumettre ces organisations à la pression des marchés.

L’action du système d’information

a) L’accès à l’information

Une des exigences essentielles de l’efficience est que tous les participants aient rigoureusement accès à l’information ayant une action sensible sur le cours des actions. Or, jusqu’ici, les agents importants, bénéficiant des données en ligne, pouvaient profiter d’avantages compétitifs sur les petits investisseurs qui ne pouvaient, quant à eux, « que » se fier aux journaux quotidiens.

L’informatisation et internet ont permis de combler l’écart entre petits et grands participants sur les marchés.

b) Les conséquences de l’accès à l’information

Cet accès s’est traduit principalement à deux niveaux.

  • L’information relative aux firmes

L’informatisation du reporting permet de mieux rendre compte aux actionnaires (notion d’accountability) et, par voie de conséquence, une meilleure gouvernance d’entreprise. En sortant des canaux traditionnels et en se focalisant sur les déterminants clés de la valeur, elle est devenue plus abordable pour les actionnaires.

La satisfaction des clients et la pénétration du marché, etc. sont des informations faisant partie du système de mesure de performance du tableau de bord prospectif (ou Balanced Scorecard) réguliè­

  • L’information sur le marché

Il existe de nombreux sites sur le web dévolus aux investissements et à l’information financière qui, jusqu’ici, n’était disponible en grande partie qu’aux professionnels.

Conditions d’efficience du marché

Il existe trois conditions fondamentales pour que le marché financier soit efficient :

  • Le coût des transactions doit être faible puisque l’efficience du marché repose sur une réactivité forte du marché. Si les coûts de transaction sont élevés, ils constituent un frein naturel à la réactivité.

B. Jacquillat, professeur à Sciences Po, estimait dans une interview au Monde du 23 mai 2006 qu’une fusion entre Deutsche Börse et Euronext ou entre Euronext et le New York Stock Exchange (NYSE) entraînerait une amélioration de la liquidité des valeurs, c’est-à-dire que
les volumes de transactions seraient plus élevés.

En conséquence, les coûts de transactions (courtages pour l’essentiel) seraient plus faibles. Davantage de liquidité réduit donc ces coûts grâce aux économies engendrées par la mise en place d’une plate-forme unique.

  • Les investisseurs doivent avoir un comportement rationnel en réagissant de manière cohérente aux informations qu’ils reçoivent. EXEMPLE Les êtres humains ne réagissent pas toujours de manière cohérente. Avant et après le krach boursier de 2001, nous avons ainsi assisté à des comportements de masse peu rationnels avec en particulier un mimétisme fort. Dans ces conditions, le marché cesse d’être efficient.

Une bulle spéculative naît si, dans un premier temps, les acheteurs, par mimétisme, participent à la hausse des titres puis, de la même façon, lorsque certains commencent à vendre, en font autant sans rationalité apparente. La bulle financière passée, l’efficience et la rationalité sont de nouveau au rendez-vous.

  • Le marché doit être liquide, c’est-à-dire que tous les titres doivent être négociés en grande quantité et régulièrement. Un titre fréquemment négocié s’ajustera rapidement alors qu’un titre pour lequel il y a peu de transactions réagira tardivement à toute nouvelle information.

En termes de communication, toutes les entreprises ne sont pas logées à la même enseigne.

Sur les 1 000 entreprises cotées sur le marché financier, les 15 premières représentent la moitié des transactions financières et l’information diffusée sur le marché les concernera le plus souvent. Pour les entreprises non cotées, l’information financière est quasi inexistante malgré le développement d’Internet.

L’importance de l’hypothèse d’efficience des marchés financiers

La construction des modèles théoriques dominants en finance de marché

Comme indiqué précédemment, l’hypothèse des agents rationnels maximisant leur fonction d’utilité a formé de solides fondations à des développements théoriques dominants, donnant à leur tour de nombreux outils utilisés en gestion :

  • théorie de la diversification et de la gestion de portefeuille ;
  • le modèle du MEDAF (ou CAPM), et plus tard les modèles MEA (ou APT) ;
  • les modèles d’évaluation d’options et d’autres actifs, etc.

L’impact de l’hypothèse d’efficience sur les acteurs

Outre les investisseurs, le niveau d’efficience aura des effets notables sur les actions des analystes financiers qui leur fournissent des conseils et sur les dirigeants qui divulguent l’information.

a) Sur les investisseurs

Sur un marché considéré comme efficient, les qualités individuelles de l’investisseur n’ont pas grande importance. Il lui est impossible de disposer systématiquement de capacités permettant d’obtenir et de traiter l’information avant que celle-ci ne soit intégrée dans les cours.

Devant cette impossibilité à « battre le marché », l’investissement dans un fonds indiciel ou un benchmark (gestion passive) est la seule stratégie raisonnable (les classements des gérants de fonds en fonction de leurs performances n’étant pas jugés sérieux).

b) Sur les analystes financiers

On distingue généralement l’analyse fondamentale de l’analyse technique.

  • L’analyse fondamentale

C’est une analyse des déterminants fondamentaux de la santé financière et des perspectives de sa performance future telles que la dotation de ses ressources, la qualité de son management, etc. Elle est menée par les investisseurs qui souhaitent déterminer la valeur intrinsèque d’une action à partir d’informations comme l’analyse financière.

L’HME implique que l’analyse fondamentale ne puisse pas déterminer d’actions sous-cotées tant que les analystes peuvent réagir plus rapidement aux nouvelles informations que les autres investisseurs, ou ont des informations provenant de l’intérieur de l’organisation.

  • L’analyse technique

C’est une analyse minutieuse des évolutions de prix d’action passés afin de déterminer des modèles répétitifs. C’est une autre approche possible.

Elle est menée par les chartistes à partir de l’étude des graphiques et tableaux d’évolution de prix. Ces acteurs ne s’intéressent pas à la détermination des valeurs fondamentales des actions mais préfèrent plutôt développer des modèles prédictifs de l’évolution du cours des
actions dans le temps et des points de sortie (i.e. breakout point of change).

Les chartistes essaient de prévoir des seuils (i.e. floors and ceilings) qui marquent la fin d’une tendance pour les prix d’une action. Pour cela, ils utilisent des modèles qui analysent les « lignes de résistance » (resistance line i.e. niveau le plus haut des cours) et les « lignes de soutien » (support line i.e. cours les plus bas).

Remarque

Ces approches se révèlent souvent « autoprédictrices ». Sur le court terme, en effet, lorsque les analystes prédisent que les prix vont augmenter, les investisseurs se mettent à acheter et contribuent à créer ainsi une bulle spéculative et à entraîner une pression à la hausse des prix ; alors, que même dans la forme faible d’HEM et par rapport à la valeur de l’analyse technique, les changements futurs ne peuvent être prédits par les changements de prix passés.

Cependant, le niveau « confortable » des revenus des analystes prouve bien que des investisseurs cherchent ce type de conseils.

c) Sur l’action des dirigeants financiers

Dans les sociétés cotées, les dirigeants et les investisseurs sont logiquement étroitement liés par le prix de marché des titres, les actions menées par l’entreprise étant rapidement intégrées dans ce prix. Cela se traduit par les points suivants :

  • les investisseurs ne sont pas trompés par des rapports financiers « trop élogieux » ou par des techniques de comptabilité créative qui permettent d’améliorer les résultats des comptes mais qui n’induisent pas de flux de trésorerie ;
  • le moment choisi pour publier des informations n’est pas essentiel. Les prix de marché sont un reflet « juste » de l’information disponible et reprennent réellement le degré de risque des actions ;

Remarque : pour les « puristes », il faut préciser que l’analyse technique est une variante mathématique de l’analyse chartiste :

  • l’analyse graphique est basée sur l’analyse des graphiques de cours de la valeur ;
  • l’analyse technique est basée exclusivement sur les cours de la valeur et de leur interprétation mathématique. Elle est normalement moins visuelle que l’analyse graphique.
  • quand les dirigeants de l’entreprise possèdent de l’information non encore reprise par le marché, il y a effectivement une opportunité d’influencer les prix.

L’impact de l’hypothèse d’efficience pour la gestion financière à partir de l’évolution des cours

R. Brealey, M. Myers et F. Allen proposent six implications importantes.

L’efficience des marchés

Intérêt du concept d’efficience des marchés en finance

Compte tenu de ce qui vient d’être exposé, une entreprise qui émet des actions pour trouver des capitaux par l’intermédiaire du marché financier le fera à un prix qui doit correspondre à leur exacte valeur. Il peut arriver cependant qu’il y ait un différentiel car l’hypothèse d’efficience forte ne se réalisera pas obligatoirement immédiatement, le marché ne disposant pas de toutes les informations.

Dans ce cas, on peut penser que le titre sera temporairement sous-évalué ou surévalué. Mais le cours devrait normalement s’ajuster lorsque les informations seront accessibles à l’ensemble des acteurs du marché.

À partir du moment où l’efficience des marchés est retenue comme hypothèse implicite, la pertinence de toute nouvelle information émise sur le marché sera testée comme telle. En effet, si une nouvelle information est transmise et que celle-ci n’a aucun impact sur le cours, on en déduira que l’information n’est pas pertinente. De nombreux travaux ont été réalisés en ce sens.

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