Avant de présenter la courbe de Philips, en passe brièvement sur les définitions de l’inflation (plus de détails ici) et du chômage (plus de détails ici) .
Table de matières
les définitions de l’inflation et du chômage
le chômage
Le chômage est aujourd’hui, l’une des manifestations de l’activité économique la moins acceptée et la plus mal vécue. Il frappe toute l’économie sans exception et il enregistre un accroissement remarquable depuis la décennie 70.
il existe différents types de chômage :
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Le chômage frictionnel: Les emplois sont en mutation constante, certains travailleurs quittent leurs emplois pour en chercher un autre. Quand les travailleurs changent d’emploi volontairement ils se trouvent en chômage temporaire, les économistes appellent cette rotation normale de la main d’œuvre : chômage frictionnel
Le chômage structurel: La structure de l’économie et de marché de travail peut entraîner un chômage pour certains travailleurs.
Les raisons sont:
- Les industries saisonnières: La pêche, l’agriculture,…
- L’expansion et le déclin de certaines industries conduit à la création et à la destruction incessante d’emploi.
- Les changements institutionnels : les syndicats peuvent engendrer un chômage structurel en ralentissant la vitesse à laquelle l’économie s’adapte au choc de l’offre et de la demande.
- La persistance du chômage : elle peut être une cause du chômage structurel (un chômage qui persiste pendant une longue période va entraîner une détérioration du capital humain)
Le chômage naturel: La somme du chômage frictionnel et du chômage structurel forme le chômage naturel.
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Le chômage cyclique ou conjoncturel: Le chômage cyclique résulte d’une contraction cyclique de l’économie ou d’une récession c’est à dire quand le PIB réel est inférieur au PIB potentiel à cause d’une insuffisance des dépenses dans l’économie, il s’agit donc d’un chômage causé par une déficience de la demande globale.
l’inflation
L’inflation est la hausse généralisée et continue du niveau général des prix des biens et services »
Cette définition est peu précise en raison de la multiplicité des biens et services. En effet, si on raisonne en situation d’autarcie, il y a autant de taux que de produits. Dans une économie ouverte, Il est intéressant de mesurer l’inflation car elle permet de nous renseigner sur la compétitivité nationale (si par exemple la hausse de prix internes est supérieure à la hausse de prix des économies étrangères, on est moins compétitif et inversement ) et par conséquent il y a beaucoup plus de taux.
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La courbe de Philips
L’inflation n’était pas un problème macroéconomique majeur au cours des années 30, période pendant laquelle fut rédigée tant la théorie générale de Keynes (1936) que le modèle IS/LM de HIKS en 1937.
En revanche, l’inflation redevint progressivement une préoccupation dans la période de l’après seconde guerre mondiale, période de reconstruction économique et de plein- emploi, et un enjeu majeur des débats théoriques entre ceux qui se faisaient les avocats de la mise en œuvre des politiques keynésiennes de gestion de la demande globale, et ceux qui souhaitaient continuer de s’y opposer en arguant, précisément, de leur caractère inflationniste.
Plus généralement, les économistes keynésiens, dont la pensée devient presque unanimement dominante en macroéconomie dans les années 40 et 50, ressentent alors le besoin de faire évoluer leur système théorique pour lui permettre de fonder un « keynésianisme de la prospérité» qui puisse se substituer au «keynésianisme de la dépression» élaboré au moment de la grande crise.
L’occasion de le faire va leur être fournie par la publication, en 1958, par l’économiste néo-zélandais Alban Philips, d’une étude statistique et économétrique mettant en évidence une liaison entre chômage et variation des salaires.
Cette relation, une fois déclinée par Paul Samuelson et Robert Solow en une relation entre chômage et inflation servira de base aux politiques économiques jusqu’au milieu des années 70.
La relation statistique de Philips (1958)
Dans son étude, publiée dans la revue Economica, Philips cherchait à valider « l’hypothèse selon laquelle le taux de variation du taux de salaire monétaire peut être expliqué par le niveau du chômage» (Philips).
Philips, à partir de statistiques couvrant la période 1861-1957 des taux de chômage et des taux de variation du taux de salaire monétaire, répondait positivement à la question qu’il s’était posée, en mettant en évidence l’existence d’une relation (non linéaire) , décroissante entre les deux variables sur la période étudiée: à des situations de chômage élevé correspondaient de faibles hausses du taux de salaire monétaire, et inversement.
La courbe inflation/chômage
Le schéma de Philips ne va devenir une référence qu’à l’occasion d’un travail de Paul Samuelson et Robert Solow.
Dans cette étude, après avoir eux-mêmes testé, de manière peu concluante, une relation de Philips pour les Etats-Unis sur les périodes 1900-1945 et 1945-1958, les deux auteurs choisissent de reformuler la relation de Philips, en particulier en remplaçant la variation du taux de salaire par l’augmentation annuelle des prix: la courbe de Philips devient ainsi une relation décroissante entre le taux de chômage et le taux d’inflation.
La courbe devient la frontière des possibilités d’arbitrage entre inflation et chômage que le décideur politique peut utiliser: il y a un coût (en inflation) à payer pour garantir un taux de chômage faible, de même qu’il existe un coût (en activité et en emploi) pour maintenir les prix à un niveau faiblement inflationniste.
Alors que Keynes avait fondé la macroéconomie sur le débat central concernant l’emploi, et affirmé le choix de combattre par tous les moyens le chômage, les économistes keynésiens substituaient l’idée d’un arbitrage possible entre inflation et chômage, considérés finalement comme deux « déséquilibres» alternatifs, dont l’évaluation du caractère nocif ne relevait plus du discours positif, mais de la préférence collective ou publique.
L’arbitrage inflation/chômage
Dans ce nouveau cadre, une politique de relance budgétaire (par exemple) induit des effets-quantité (le niveau de produit global et donc le niveau d’emploi augmente), mais aussi des effets-prix (hausse du niveau général des prix). Une partie de la relance se dissipe dans une hausse des prix, réduisant l’effet quantitatif de la politique menée.
Dans les termes de la courbe de Philips, il y a donc un arbitrage entre inflation et chômage: la poursuite de l’objectif de plein-emploi se paie d’un surcroît d’inflation.
Finalement, le rôle de la politique économique revient à choisir la position souhaitée le long de la courbe de Philips.
Les limites de la courbe de Philips
Stagflation et instabilité de la courbe de Philips
Encore perceptible à la fin des années 60, la liaison qu’établit la courbe de Philips entre inflation et chômage disparaît totalement au cours des dix années suivantes. On entre alors, plus précisément, dans une nouvelle configuration économique qualifiée de
«Stagflation », a priori inédite, en tous les cas, inexplicable dans le cadre du modèle de la synthèse, dans laquelle on observe un ralentissement du rythme de croissance de la production et une augmentation du chômage, alors même que la hausse des prix se poursuit ou s’accélère.
La stagflation, combinaison de stagnation (et de chômage) et d’inflation, révélait donc une disparition des courbes de Philips. Une telle disparition constituait évidemment une énigme pour le modèle macroéconomique de la synthèse, dont le bouclage avait été précisément opéré autour de la croyance en l’existence d’une relation stable entre niveau d’emploi et niveau de prix, entre chômage et inflation.
Sur plus d’un siècle, la relation inverse entre inflation et chômage semblait établie de manière robuste. Le défi était alors posé aux macro-économistes de résoudre cette énigme: il s’agissait d’expliquer à la fois l’existence passée de la courbe de Philips, sa disparition, et aussi le fait que cette disparition se soit produite simultanément dans tous les pays industrialisés.
C’est Milton Friedman qui, le premier, allait fournir une explication, jugée convaincante, de ce phénomène. Son explication allait identifier l’émergence des situations stagflationnistes aux effets induits des politiques économiques keynésiennes, et fournir les fondements d’une remise en cause de l’idée selon laquelle il est possible de réduire le chômage en jouant sur le niveau des prix, et plus généralement d’une condamnation des politiques économiques actives.
Finalement, l’impact de la disparition de la courbe de Philips sur les pratiques de politique économique s’avérera aussi puissant que celui qu’avait eu sa découverte, et inaugurera le retour en force de la macroéconomie d’inspiration classique et du libéralisme économique.
L’explication monétariste
Tout le sens de l’explication fournie par Friedman et le courant monétariste du phénomène de la stagflation va consister, dans un premier temps, à rechercher des fondements microéconomiques à la relation de Philips s’efforcera alors de démontrer qu’un arbitrage entre inflation et chômage ne peut exister à son sens qu’à la condition qu’existe une imperfection sur le marché du travail, en l’occurrence une illusion monétaire de la part des salariés.
C’est en jouant de cette illusion monétaire (prenant la forme d’erreurs dans les anticipations de prix) que les autorités peuvent créer (artificiellement) de l’activité en créant des« surprises »d’inflation.
Mais l’illusion des salariés finit par s’effacer (les anticipations finissent par être corrigées), et l’activité, et donc le chômage, retrouvent leur niveau « naturel » : les politiques économiques sont donc finalement inutiles (aucune efficacité sur les grandeurs réelles), tout en ayant durablement augmenté l’inflation.
La situation économique devient celle de la stagflation, qui trouve son fondement dans une restauration, à moyen et long terme de la dichotomie classique entre secteur réel et nominal, qui condamne les politiques économiques à l’inefficacité.
La courbe de PHILIPS suppose que les agents économiques ne font que rattraper l’élévation du niveau général des prix, les travailleurs vont demander d’accroître leur salaire dans la même proportion de l’inflation enregistrée; c’est à dire ils vont anticiper une inflation nulle dans le futur et ne vont revendiquer qu’une hausse des salaires qui compense la hausse antérieure mais, les travailleurs à Long Terme vont se rendre compte de l’inflation qui se produit d’une manière continue et réclameront une augmentation de leur salaire par la hausse future.
Selon FRIEDMAN:
» Un gouvernement qui a recourt à l’inflation de la demande pour réduire le taux de chômage est condamné à utiliser des doses d’inflation de plus en plus forte pour obtenir le même résultat. »
En effet, une tentative de la part du gouvernement de pousser l’économie vers le plein emploi: Accroissement des dépenses ⇨ Inflation ⇨ le Chômage baisse et pour baisser encore plus le chômage il faut accroître encore plus les dépenses Inflation plus forte; mais les travailleurs vont ajuster leurs anticipations et exigeront une hausse des salaires.
Le coût de l’entreprise augmente et la production diminue entraînant plus chômage. ( Il n’existe pas alors un arbitrage négatif permanent entre le taux d’inflation et le taux de chômage).
Conclusion
Les politiques économiques expansionnistes peuvent stimuler l’emploi à court terme mais risquent d’être contre-productives à long terme en créant à la fois du chômage et de l’inflation.
Toute la démonstration de Friedman repose donc sur l’idée que la possibilité de mener des politiques macroéconomiques de réduction de ce niveau de chômage naturel repose entièrement sur la manière dont les anticipations des agents économiques sont formulées.
En l’occurrence, la possibilité, dans le système keynésien, de parvenir à réduire le sous-emploi provient de ce qu’il figure des offreurs de travail victimes d’une illusion monétaire. Or, cette illusion monétaire ne peut exister qu’à court terme, et c’est ce qui explique que le taux de chômage retrouve dans le moyen terme son niveau naturel.
Cette argumentation remarquable accordait ainsi une pertinence de court terme au keynésianisme pour imposer le retour au raisonnement microéconomique et la validité générale de la théorie classique dans le long terme, ainsi que l’idée d’une nocivité à terme des pratiques keynésiennes (jugées comme inflationnistes et donc globalement déstabilisantes).
Notons cependant que Friedman ajoute une charge supplémentaire: non seulement, à long terme, les politiques économiques sont inefficaces et nuisibles, mais à court terme, leur apparente efficacité repose sur une duperie: c’est en trichant (en créant des surprises d’inflation sans cesse renouvelées), et donc en trompant les agents économiques que les autorités parviennent à leurs fins. Cela a pour conséquence, dès le court terme, de réduire les vertus allocatives de l’économie de marché: l’intervention étatique est donc déstabilisante, quel que soit le terme du point de vue duquel on se situe.
Finalement, la seule attitude convenable pour les autorités est de renoncer aux politiques conjoncturelles. Puisque le taux de chômage naturel finit toujours par être restauré, mais qu’il est compatible avec n’importe quel niveau d’inflation, le seul objectif à se fixer est de réduire l’inflation déclenchée par des décennies de politique macroéconomique keynésienne.
Concernant le chômage, puisque celui-ci est fondamentalement structurel et volontaire, il convient, si l’on souhaite le réduire, d’engager des réformes structurelles (sur le marché du travail et sur les conditions de production) et d’incitation au travail.
Ces politiques, fondamentalement microéconomiques, et qui peuvent être multiformes (réforme de la fiscalité, allégement du coût du travail, flexibilisation du marché du travail, accroissement de la productivité…) ont reçu l’appellation de politiques de l’offre, puisque, jouant sur les contraintes d’offre, qui priment dans une perspective classique, elles s’opposent aux politiques keynésiennes de gestion de la demande.
Désinflation et politiques de l’offre allaient devenir très rapidement le credo de la plupart des gouvernements des pays industrialisés, témoignant de l’impact que la critique monétariste avait su avoir.
On comprend enfin, sur le plan analytique, qu’il n’y a évidemment pas de raison de supposer que les travailleurs seront continuellement trompés dans leurs anticipations d’inflation. Or, nous l’avons dit, la possibilité d’une politique conjoncturelle active de l’emploi repose de façon cruciale sur cette seule hypothèse.
On pressent par conséquent que l’adoption d’une hypothèse différente sur la manière dont les agents formulent leurs anticipations pourra être susceptible de changer considérablement la portée de la conclusion: ce sera le rôle de l’hypothèse d’anticipations rationnelles empruntée par les nouveaux classiques à John Muth.