Le cross-docking en logistique

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Le cross-docking est un aspect logistique fondamental de l’ECR. Traditionnellement, le distributeur rassemblait les commandes de ses différents magasins et les livrait à partir de stocks conservés dans son entrepôt.

Comme il avait malgré tout tendance à réduire ces stocks à quelques jours, on parlait plus volontiers de plates-formes que d’entrepôts.

Désormais, le distributeur essaie de réduire complètement ses stocks en rassemblant tous les jours ou quelques fois par semaine, toutes les commandes de ses magasins et en passant très fréquemment une commande globalisée par plate-forme à chacun de ses fournisseurs.

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Ensuite il reçoit sur ses plates-formes les livraisons de ses fournisseurs et doit alors procéder à ce qu’on appelle souvent « l’allotement »,
c’est-à-dire la répartition des marchandises entre les différentes surfaces commerciales qu’il doit livrer depuis la plate-forme.

Dans une situation idéale, il redistribue chaque jour ce qu’il a commandé et son stock devient presque nul.

Le cross-docking va consister à faire effectuer par le fournisseur, la préparation des commandes pour chaque surface commerciale de telle sorte que le distributeur n’a plus qu’à rassembler sur la plate-forme les différentes palettes ou cartons destinés à chaque surface pour effectuer le chargement de ses camions. Le transfert se fait de quai à quai sans stockage intermédiaire. Il n’y a plus du tout de stock.

Définition du cross-docking

La définition la plus claire et la plus englobante est donnée par le Glossaire ECR publié par ECR-France : «Le cross-docking (Transbordement quai à quai ou flow through distribution) est un système de distribution dans lequel les marchandises réceptionnées par le centre de distribution ou la plate-forme ne sont pas stockées (notamment verticalement) mais préparées pour une réexpédition immédiate à destination des magasins. »

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Ainsi le GENCOD (Cognasse, 1997) propose la définition suivante du cross-docking : « Le fournisseur expédie les produits vers le distributeur en tenant compte des besoins des points de vente autant en terme de destination que de conditionnement. En arrivant au centre de distribution, les palettes constituées par magasin sont lues par lecture optique, triées et rechargées pour réexpédition sans manipulation de produits eux-mêmes. Ce “ré-éclatement” ne nécessite que quelques minutes »

Le cross-docking se différencie donc des systèmes plus classiques où la mise en stock, puis le picking constituent les principales opérations effectuées dans un entrepôt. Le J.0. du 26 octobre 2006 traduit le cross-docking par un terme finalement peu évocateur de «passage à quai », avec la définition suivante: «Utilisation de plate-formes de répartition communes à plusieurs entreprises pour l’acheminement des marchandises. »

Le cross-docking a un triple objectif, qui est (1) l’accélération des flux de marchandises, par la (2) suppression des stocks entre l’usine de l’industriel et les points de vente du distributeur, et par la (3) rationalisation des transports entre les différents sites. En simplifiant, il s’agit d’adapter les méthodes industrielles de juste-à-temps aux stratégies d’approvisionnement de la grande distribution.

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Les différentes formes de cross-docking

Les typologies viennent compléter la définition. Il existe deux grandes catégories de stratégies cross-docking.

Le pré-allotissement par l’industriel ou prepacked cross-docking

Le pré-allotissement (figure 1) signifie que l’industriel livre à l’entrepôt des marchandises déjà conditionnées et déjà identifiées par point de vente. Le rôle de la plate-forme se résume donc à décharger puis à rediriger les marchandises en fonction des commandes des magasins.

Le cross-docking en logistique
Figure 1 – Le pré-allotissement par l’industriel ou prepacked cross-docking

En amont, le fournisseur a forcément plus de travail, puisqu’il prépare les commandes spécifiques de chaque point de vente. Deux cas peuvent se produire :

  • les commandes passées par les points de vente sont centralisées par la plate-forme, qui les transfère aux différents fournisseurs ;
  • les commandes sont directement passées par les points de vente aux différents fournisseurs.

Le prepacked cross-docking nécessite un système d’information performant, notamment parce que tous les points de vente du distributeur doivent être déclarés et identifiés chez l’industriel.

Ce dernier doit aussi prévoir les équipements nécessaires à la constitution des livraisons, composées souvent de palettes hétérogènes différentes selon les magasins, dans des délais généralement assez brefs.

L’installation de casier, de goulotte ou de zone prédéfinie, par point de vente est fréquente. Lorsque l’industriel stocke ses marchandises dans un entrepôt, les équipements peuvent alors être beaucoup plus sophistiqués et coüteux.

C’est par exemple le cas des grands« trieurs» utilisés après le picking manuel pour répartir automatiquement les marchandises par magasins. Ces éléments expliquent que le pré-allotissement ne soit retenu que dans le cas où le distributeur représente une part importante de l’activité de l’industriel.

La fluidité et la rapidité ne sonl pas les seuls avantages du cross-docking préalloti. Cette méthode permet aussi de réduire considérablement les risques de détérioralion des produits et des emballages.

De nos jours, le packaging compte beaucoup dans l’acte d’achat, notamment dans la grande distribution où le client est seul devant le produit, c’est pourquoi la plupart des distributeurs (hors hard-dismunt) dépensent beaucoup d’énergie pour que les produits soient parfaitement présentés en linéaire.

Parce qu’il est en droit de supposer que le produit est défectueux, un emballage détérioré peut conduire le client à choisir un article concurrent ; et même si le choix se porte sur la marque initiale, le produit dont l’emballage est abîmé constitue un coüt à la fois pour l’enseigne et pour le producteur.

En effet, ce dernier doit parfois payer des pénalités lorsque le taux de produits défectueux ou d’emballages abîmés est trop élevé.

Finalement, livrer un produit et un emballage en parfait état est un objectif de premier plan dans le domaine de la grande distribution. Grâce au pré-allotissemenl, les produits ne sont manipulés qu’une seule fois, protégés dès le départ (les palettes sont par exemple « filmées» à l’intérieur de l’usine) pour n’être déballés qu’une fois dans le magasin.

Par ailleurs, ce système permet une réduction mathématique du risque d’erreurs dans la composition des livraisons. Il est logique de voir baisser la probabilité de survenance d’erreurs avec la réduction du nombre de manipulations subies par les produits et du nombre de saisies des informations associées.

L’éclatement sur plate-forme ou allotissement en centre de distribution, ou encore intermediate handling cross-docking

Les différentes formes de cross-docking
Figure 2 – L’éclatement sur plate-forme ou allotissement en centre de distribution

Dans ce cas (figure 2), l’industriel prépare sa livraison à la plate-forme, soit en répondant à la commande globale du centre de distribution, soit en agrégeant l’ensemble des demandes des points de vente du distributeur.

Il constituera par exemple dix palettes de produits X, deux palettes de produits Z et trois de produits W. Une fois déchargées du camion, les palettes sont positionnées sur une zone spécifique et les produits sont prélevés et répartis sur les quais d’expédition, en fonction des quantités demandées par chaque magasin.

Cette procédure s’appelle « l’éclatement sur plate-fonne ».Elle est suivie par ce que l’on nomme la« consolidation», c’est-à-dire le regroupement des produits des différents industriels, selon les demandes finales.

Qu’il s’ agisse de la première ou de la deuxième forme de cross-docking, elle contribue à simplifier les procédures d’approvisionnement basées sur les livraisons directes, du fournisseur au point de vente.

Facteurs clés de succès du cross-docking

Avant toute chose, les partenaires qui souhaitent modifier et moderniser leur supply chain doivent préalablement réfléchir au périmètre concerné par l’activité gérée en cross-docking, en se posant notamment les cinq questions suivantes:

  • quels sont les entrepôts concernés?
  • seront-ils totalement ou partiellement transformés en plate-forme ?
  • quels sont les produits concernés?
  • quel type de cross-docking faut-il choisir ?
  • faut-il faire appel à un prestataire, et si oui, quel sera son rôle?

Pour commencer en cross-docking, choisir un périmètre trop large peut conduire à perdre de vue l’intérêt de la stratégie, les coûts et les problèmes l’emportant sur les avantages. C’est pourquoi, ECR-France, dans ses recommandations propose une approche en trois étapes :

  • travail préparatoire, où les partenaires devront notamment répondre aux questions précédentes;
  • mise en œuvre et suivi des tests;
  • analyse des résultats et généralisation (ou pas) de la technique à d’autres produits et/ou d’autres entrepôts.

Une fois ce travail préparatoire commencé, les partenaires doivent toujours se rappeler que la condition de base du fonctionnement est que les flux entrants et sortants doivent être parfaitement synchronisés. Sans quoi très vite, des stocks non prévus se forment ou des ruptures sont à gérer.

Or, au sein d’une plate-forme, la formation de stocks liée à des plannings déficients va sans doute perturber et gêner toutes les autres opérations, créant les conditions d’une hausse globale des erreurs. En effet, la place réservée au stockage est réduite au strict minimum.

Cette synchronisation parfaite des réceptions et des expéditions n’est possible que si plusieurs conditions sont remplies. Ainsi, le distributeur, le prestataire logistique éventuel et l’industriel doivent:

  • disposer d’un système d’information performant, capable d’échanger rapidement les informations associées aux flux physiques; or il n’est pas facile de faire communiquer des systèmes d’information basés sur des architectures différentes ;
  • respecter un cahier des charges défini avec une grande précision, ne laissant au hasard aucune des tâches et des procédures que chaque partenaire doit exécuter;
  • travailler avec un grand niveau d’exigence et de qualité pour que la confiance s’installe et que le cross-docking puisse réellement être avantageux : par exemple, dans le prepacked cross-docking, la palette préparée par l’industriel (et« filmée» en usine) ne va pas être ouverte et contrôlée sur la plate-forme, ce qui fait qu’une erreur du producteur ne peut pas être «rattrapée» lors du transit, contrairement à une situation de stockage classique;
  • réussir à compenser les différentiels de coûts liés à la mise en œuvre du cross-docking: par exemple, il est fort probable que l’industriel soit désavantagé, surtout dans le cas du pré-allotissement (coüts de préparation des commandes en hausse), par rappon au distributeur (coüt de possession en forte baisse sur la plate-forme).

Étant donné que la fréquence des approvisionnements augmente, il est essentiel de surveiller l’évolution du coût du transport amont. Ce dernier a de fortes chances d’augmenter, ce qui en soit n’est pas grave; cependant, il ne faudrait pas que cette hausse, couplée aux frais supplémentaires de pré-allotissement chez l’industriel, dépasse les réductions de coüts constatées dans le centre de distribution.

L’intérêt économique du cross-docking serait alors remis en cause, et il ne resterait que les avantages« techniques» et d’image (amélioration des niveaux de service) particulièrement difficiles à estimer.

Tous les produits, quels qu’ils soient, peuvent être gérés en cross-docking. Cependant, les avantages de ce système sont variables selon la nature des produits.

Dans l’environnement actuel hyperconcurrentiel où le temps a une place essentielle, le cross-docking représente aujourd’hui, pour certains produits, quasiment la seule méthode d’approvisionnement possible. Sans chercher à être exhaustif, nous pouvons évoquer les produits suivants:

  • les produits sous contrainte de date comme les produits frais, les fruits et légumes, pour lesquels il est fondamental d’optimiser les délais d’approvisionnement à cause du caractère périssable de ces articles (plus les temps de transport sont longs, moins les produits seront proposés longtemps à la vente) ;
  • les produits à faible rotation, dont la possession en stock serait coûteuse, et qui sont parfois encombrants. Par exemple, Décathlon gère en cross-docking la plupart de ses appareils de musculation ; l’enseigne de sport les demande au fournisseur qu’une fois la commande passée par le client ;
  • les produits à forte valeur unitaire, pour lesquels l’immobilisation financière et le stockage seraient prohibitifs, ne sont généralement pas stockés dans les entrepôts régionaux. Il est possible de les retrouver dans les très grands entrepôts nationaux ou internationaux, à moins qu’ils fassent l’objet d’une gestion en flux tirés;
  • les produits qui appartiennent à des familles comprenant de très nombreuses références, dont l’éclatement et la consolidation seraient particulièrement complexes à gérer, utilisent la méthode du pré-allotissernent. C’est souvent le cas des CD, des DVD et des livres.

Synthèse des coûts et des bénéfices

Selon tous les spécialistes, il est difficile de conclure globalement à l’intérêt systématque du cross-docking. Ses coûts et ses avantages dépendent de nombreux paramètres, propres aux acteurs impliqués (industriel, distributeur, prestataire logistique), propres à la qualité des relations que ces acteurs nouent entre eux, propres à certaines conditions environnementales (évolution du prix des carburants).

Une chose est certaine, il est nécessaire de raisonner en termes de supply chain et non en termes d’entreprise. Car en cross-docking, nous savons que les coûts des uns sont approximativement les bénéfices des autres, d’où le besoin de mettre en place des procédures de partage des coûts lors des négociations introductives.

D’après les études, les coûts logistiques représentent environ 17 % du prix de vente au client. Ils se répartissent entre le distributeur et l’industriel selon le tableau 1.

Côté producteur Côté distributeur
Coût de gestion de l’entrepôt (si l’industriel dispose de son propre entrepôt ou si un prestataire lui assure ce service).Coût de gestion de la plate-forme de distribution
Coûts de transport : de l’usine à l’entrepôt, puis de ce dernier à l’entrepôt ou à la plate-forme distributeurCoût de transport : de la plate-forme vers les points de vente.
Coûts adminitratifs de prise de commandes. Coût de gestion des points de vente.
Tableau 1 – Répartition des coûts logistiques

La mise en place du cross-docking impacte la presque totalité de ces postes de coûts. Sans pessimisme excessif, un accroissement continu du coût du transport routier semble logique car le prix du pétrole est structurellement en hausse (épuisement des ressources), et aussi parce que la tendance est à l’intégration des externalités négatives dans le prix des carburants et des péages.

C’est pourquoi les réorganisations des chaînes logistiques vers des pratiques d’approvisionnement en flux tirés, comme le cross-docking, doivent être examinées avec précaution, car elles peuvent être rentables à l’instant t puis peu rentables en t + 1 !

Cependant, le seul aspect économique (matérialisé par les« coûts logistiques») n’est pas suffisant pour juger de l’intérêt global d’une stratégie de cross-docking.

D’autres facteurs, plus qualitatifs, doivent être pris en compte, comme l’indique le tableau de synthèse suivant (tableau 2)

Synthèse des coûts et des bénéfices du cross-docking
Tableau 2 – Les différents /acteurs à prendre en compte lors de l’adoption une démarche cross docking

Conclusion

Comprendre les avantages et les inconvénients du cross-docking et la manière dont ils s’adaptent à votre organisation est une étape importante pour évaluer le processus de la chaîne d’approvisionnement et décider si le cross-docking convient à votre organisation. Assurez-vous de comprendre les exigences des facteurs clés de votre organisation.

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