La Nouvelle économie et théorie de la firme

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À partir des années 1980, le capitalisme a connu des changements majeurs qui ont profondément transformé les structures industrielles et les caractères des grandes entreprises, en matière de gouvernance comme d’organisation.

Deux éléments majeurs sont au centre de ces bouleversements : d’un côté le développement de la finance de marché et des systèmes financiers, de l’autre la montée de ce qu’il est convenu d’appeler une économie « fondée sur la connaissance ».

La principale tentative de reconsidération de la théorie de la firme à la lumière de ces changements a été formulée par Rajan et Zingales. Ces auteurs ont mis l’accent simultanément sur la « révolution financière » et sur la position centrale occupée par le capital humain dans la « nouvelle entreprise ».

Ils ont tout d’abord élaboré une théorisation qui reconsidère la question de la nature de la firme et des rapports entre propriété et pouvoir, en faisant de la relation d’autorité la caractéristique première de la firme.

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L’idée de départ est que l’entrepreneur – ou le manager – pourra acquérir un pouvoir sur les travailleurs, c’est-à-dire sur le capital humain, en contrôlant, par la propriété ou par un autre moyen, une « ressource critique », qui peut être un actif matériel ou immatériel.

Le problème majeur se pose quand cette ressource critique n’est pas un actif aliénable, susceptible d’être contrôlé par des dispositifs légaux (par la propriété notamment), et susceptible d’être acquis sur un marché.

De plus, ce qui est important n’est pas tant la possession que l’accès aux ressources critiques, c’est-à-dire la capacité à les utiliser effectivement. Quand la connaissance et le capital intellectuel deviennent, à la place des moyens de production, la ressource critique, les caractères de la firme sont amenés à se transformer.

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Le contrôle des connaissances et des compétences clés est placé au cœur de l’organisation de l’entreprise. C’est ce qui impliquerait de reconsidérer profondément ce que doit être la gouvernance de l’entreprise.

Ce qui signifie pour eux une rupture majeure, en amenant à traiter la firme comme un tout, construit autour d’un « capital organisationnel », et qui ne peut pas être créé instantanément par de simples procédures légales.

On est ici dans une caractérisation de la firme proche de celle que l’on trouve dans les théories fondées sur la compétence, auxquelles les auteurs font des références répétées.

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Avec, de plus, la prise en compte des questions de pouvoir et de contrôle des connaissances et des compétences, des rapports entre conflit et coopération à l’intérieur de l’entreprise ainsi que la question du partage du surplus créé par l’entreprise.

Tout cela implique de considérer le rôle de l’organisation interne dans la création de la valeur par la firme. (Michael Porter considèrela chaîne de valeur comme l’étude qui permet à l’entreprise de mettre en évidence ses activités clés, c’est-à-dire celles qui ont un impact réel en termes de coût ou de qualité et qui lui donneront un avantage concurrentiel.

Pour Michael Porter, on peut distinguer parmi les activités impliquées dans la chaîne de valeur :

  • Les activités principales : celles qui concourent directement à la création matérielle et à la vente du produit ;
  • Les activités de soutien ou support : elles viennent en appui de l’activité principale et forment l’infrastructure de la firme.

La valeur est la somme que les clients sont prêts à payer pour obtenir le produit ou service. Elle résulte de différentes activités réalisées à la suite par les fournisseurs, la firme et les circuits de distribution.

La chaîne de valeur doit permettre à une entreprise de construire son avantage concurrentiel (un ensemble de caractéristiques ou d’attributs (pour un produit ou une marque) offrant une supériorité sur ses concurrents immédiats. Cette supériorité est une supériorité relative établie par référence aux concurrents les mieux placés sur le segment.).

Chaque entreprise cherchera à obtenir dans la filière la position qui correspond aux activités lui permettant de maximiser sa valeur contributive, et en parallèle à s’organiser pour maximiser la chaîne de valeur interne de ses activités.

Les types principaux de stratégie de valeur :

  • Une offre à des coûts inférieurs aux concurrents
  • Ou une offre possédant des caractéristiques uniques que les clients sont prêts à payer plus cher.
  • Une offre s’adressant à un segment de marché spécifique très réduit dans le but de ne pas attirer la concurrence)

Rajan et Zingales mettent en question le rôle de la propriété : la propriété des actifs par un agent peut réduire son incitation à réaliser des investissements spécifiques.

Le contrôle du capital intellectuel soulève des problèmes totalement différents de celui du capital matériel, qui pouvait être assuré par le système légal de la propriété.

Outre le fait qu’il n’est pas possible de s’approprier des individus comme on le fait de moyens de production, deux aspects de l’évolution des structures économiques de ces trente dernières années contribuent à rendre ce contrôle difficile.

Il s’agit, d’une part, de l’existence d’un large marché des compétences de haut niveau, qui sont moins spécifiques à l’entreprise qu’elles ne l’étaient dans la grande firme managériale jusqu’aux années 1970 ; et, d’autre part, de la plus grande facilité d’accès à des financements importants du fait de l’évolution de la finance (l’expansion du capital-risque notamment).

Il en résulte qu’il serait possible d’exploiter les « opportunités de croissance », dans les termes du Rajan et Zingales, ouvertes par la stratégie de l’innovation et l’évolution des marchés, en dehors des entreprises existantes.

Ces deux facteurs font qu’il est devenu beaucoup plus facile pour les salariés à haute qualification de quitter leur entreprise, soit pour aller dans une autre, soit pour créer leur propre entreprise.

Le contrôle du capital intellectuel doit donc devenir une fonction centrale, si ce n’est la fonction la plus importante du système de gouvernance de l’entreprise.

La conclusion qu’en tirent Rajan et Zingales est que, puisque la détention des actifs matériels ne peut plus être la source essentielle du pouvoir de l’entreprise et de sa direction, cette dernière doit se focaliser sur le contrôle et la cohésion des différentes composantes de l’entreprise, reposant sur leur capital humain, et viser à assurer son « intégrité », du point de vue de sa capacité de production et de croissance.

Cela impliquerait de davantage se préoccuper des rapports avec les salariés à haute qualification que des rapports avec les actionnaires.

Ce qui conduit à promouvoir une conception stakeholders(parties prenantes : l’ensemble des acteurs ayant un intérêt dans l’entreprise. Il y a les acteurs internes à l’entreprise, les dirigeants et les salariés et ceux externes, les clients, les créanciers et les actionnaires.

Leurs intérêts peuvent diverger du gouvernement d’entreprise, celle vers laquelle se tournent le plus souvent les critiques de la conception actionnariale aujourd’hui dominante, ou vers l’idée d’une entreprise de type coopératif ou partenarial.

Il est ainsi possible de mettre en question le modèle légal dominant sur lequel a reposé l’entreprise capitaliste depuis plus d’un siècle : la société par actions ouverte (la corporation). Il resterait alors à identifier précisément ce que pourrait être l’entreprise radicalement nouvelleque semblent appeler ces réflexions.

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