Les modèles d’analyse stratégique permettent d’évaluer l’équilibre du portefeuille d’activités d’une entreprise. En règle générale, les domaines d’activité stratégique (DAS) sont positionnés sur une matrice en fonction de deux indicateurs, dont l’un est externe et l’autre interne a l’organisation. Les matrices développées par les cabinets de conseil Boston Consulting Group (BCG I et BCG 2), McKinsey et Arthur D. Little (ADL) visent à améliorer l’allocation des ressources aux différents domaines d’activité stratégique (DAS) et à orienter les choix stratégiques de l’entreprise.
Table de matières
La matrice BCG 1
Le premier modèle élaboré par le Boston Consulting Group (matrice BCG 1 ) permet de repérer les différents domaines d’activité stratégique (DAS) d’une entreprise sur une matrice à partir du taux de croissance du marché et de la part de marché relative.
- Le taux de croissance de chaque domaine d’activité, qui opérationnalise le critère d’attractivité des segments stratégiques ;
- la part de marché relative de l’entreprise dans chaque domaine d’activité, qui opérationnalise le critère de position concurrentielle. La part de marché relative est le ratio suivant :
Part de marché de l’entreprise / Part de marché du concurrent principal
Dans les domaines d’activité où l’entreprise est leader en volume, on divise donc sa part de marché par celle du concurrent qui est en deuxième position. On obtient ainsi un ratio supérieur à 1. Pour tous les autres domaines d’activité, on divise la part de marché de l’entreprise par celle du concurrent leader en volume et on obtient un ratio inférieur à 1.
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Le choix de cette variable fait référence à l’effet d’expérience (voir ci-dessous). En effet, selon cette théorie, l’entreprise qui a l’expérience la plus forte (approchée ici par la part de marché relative) a les coûts les plus bas. La part de marché relative est donc un indicateur de la position de l’entreprise par rapport à ses concurrents sur l’échelle des coûts. C’est un indicateur de sa position concurrentielle qui mesure l’écart en termes de part de marché entre le leader et ses suiveurs.
Quant au taux de croissance, il est, dans ce modèle, le facteur essentiel de l’attractivité du segment stratégique. L’idée (souvent fausse !) est que les activités en croissance connaissent des baisses de coûts importantes et permettent la création d’avantages de
coût-volume durables, à condition d’investir suffisamment pour développer la production. À l’inverse, dans les activités stables, les coûts, ainsi que les parts de marché, sont figés et il n’est pas pertinent d’investir.
D’un point de vue financier, on a donc, pour chaque domaine d’activité :
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- au travers de la croissance, une mesure de ses besoins en investissements (capacité de production, besoin en fonds de roulement) ;
- au travers de la part de marché relative (liée au niveau de coût via la position sur la courbe d’expérience), une mesure du cash-flow qui s’en dégage. Le modèle prescrit d’extraire le cash-flow des activités qui en génèrent au-delà de leurs besoins pour l’investir dans les activités qui en consomment au-delà de leur capacité d’autofinancement.
La part de marché relative est mesurée sur une échelle logarithmique allant, de droite à gauche, de 0 à 10, la valeur médiane se situant à 1 (voir la figure 13.1). La césure sépare, à gauche, les activités où l’entreprise est leader en volume (part de marché relative supérieure à 1) de celles, à droite, où elle est dominée par au moins un concurrent plus gros (part de marché relative inférieure à 1).
Le taux de croissance s’établit sur une échelle croissante, de bas en haut, allant de 0 % à 20 % (ou plus). À la naissance du modèle, la valeur médiane était de 10 % ; elle est devenue par la suite le taux de croissance du PIB.
La position des activités sur la matrice BCG
À partir des deux indicateurs retenus, chaque domaine d’activité stratégique (DAS) peut être positionné sur une matrice. Les activités sont généralement représentées par un cercle dont la surface est proportionnelle au chiffre d’affaires réalisé. Chaque case de la matrice correspond à une situation particulière, donnant naissance à quatre types d’activités: « les dilemmes », « les stars ». « les vaches à lait » et « les poids morts ».
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Les activités « vedettes » sont en croissance rapide
Elles dégagent un flux financier important mais celui-ci est consommé pour suivre le rythme de croissance du secteur. L’entreprise étant dominante et ayant les coûts les plus faibles et la rentabilité la plus forte, les « vedettes » doivent être les cibles d’investissement prioritaires.
En investissant massivement pour augmenter autant que possible sa part de marché dans les « vedettes », l’entreprise prépare le futur, car ces « vedettes », en vieillissant, deviendront des « vaches à lait ».
Les « vaches à lait » sont des domaines d’activité à faible croissance
elles exigent peu d’investissements nouveaux, tant en capacité de production qu’en financement du besoin en fonds de roulement.
Des investissements de productivité pour maintenir l’avantage de coût sont cependant nécessaires. Ce sont des activités rentables, dans la mesure où l’entreprise occupe la position dominante, celle du leader par les coûts.
Ces activités dégagent un flux financier important, qui devra être réinvesti dans des activités vedettes ou dilemmes.
Les « dilemmes » sont aussi en croissance mais l’entreprise y occupe une position concurrentielle médiocre
Ce sont donc des activités peu rentables malgré leur croissance élevée. D’où le dilemme : faut-il investir massivement pour améliorer la position sur la courbe des coûts en profitant de la progression du marché et ainsi réduire l’écart avec les leaders, ou faut-il vendre l’activité parce que l’écart avec les concurrents est trop grand et qu’il sera trop difficile de transformer le dilemme en vedette ?
Les « poids morts » ont un faible potentiel de développement
Leur rentabilité est faible, voire négative, l’entreprise étant mal située sur la courbe d’expérience par rapport à son concurrent principal. Si l’activité est encore rentable, c’est que l’entreprise bénéficie d’une ombrelle de prix créée par le concurrent dominant.
Dans ce cas, l’entreprise peut conserver un « poids mort » à condition de se contenter de dégager des liquidités. Dans le cas où l’activité n’est pas rentable, mieux vaut l’abandonner, en la vendant ou en la laissant mourir. Dans cette dernière hypothèse, il faut se désengager en pratiquant de façon sélective des prix assurant la meilleure rentabilité possible
L’analyse du portefeuille d’activités
La répartition des activités d’une entreprise entre les quatre cases de la matrice révèle la santé financière de son portefeuille d’affaires et suggère des voies de réorientation. À l’issue de l’analyse, l’entreprise peut décider de développer, de maintenir, d’exploiter ou d’abandonner les différentes activités examinées.
Le développement d’activités
L’entreprise peut choisir de développer certaines activités. Cette stratégie nécessite des investissements; elle est souvent appliquée pour les activités « dilemmes » qui peuvent être transformées en « stars ».
Le maintien d’activités
L’entreprise peut aussi s’efforcer de maintenir des activités dans le but de générer des ressources financières. Cette voie est notamment conseillée pour les activités « vaches à lait » dont l’avenir est assuré.
L’exploitation d’activités
Il est aussi possible d’exploiter certaines activités afin d’améliorer la rentabilité à court terme. Cette stratégie est recommandée pour les activités « vaches à lait » qui n’ont pas d’avenir et pour les activités « poids morts ».
L’abandon d’activités
Enfin, l’entreprise peut décider d’abandonner certaines activités. Ce choix concerne souvent les activités « poids morts » et les activités « dilemmes » qui durent longtemps et qui ne peuvent être transformées en « stars ».
Les pièges de la matrice BCG
La matrice du BCG utilisant peu de variables, sa mise en œuvre est aisée. La difficulté réside cependant dans la segmentation stratégique. En effet, selon la manière dont on définit les contours d’un segment, il peut devenir une « vache à lait » ou un « poids
mort », un « dilemme » ou une « vedette ». De même, définir les quadrants, et donc ce qui déterminera si une activité est par exemple, dilemme ou vedette, est un exercice difficile.
Au-delà des problèmes de segmentation, l’utilisation de la matrice du BCG présente des pièges très particuliers qu’il faut éviter. La contrepartie de sa simplicité est que sa logique repose sur des postulats extrêmement forts, qui sont loin d’être toujours vérifiés.
Le premier postulat réside dans le choix d’une seule variable, la part de marché relative, pour mesurer la position concurrentielle.
Ce choix n’est pertinent que si le coût est la seule source d’avantage concurrentiel. La matrice du BCG est issue du concept de courbe d’expérience, également promu par le BCG à la même époque.
Or, la courbe d’expérience s’applique très bien au niveau de l’industrie dans son ensemble, mais explique mal les écarts de performance entre concurrents : tous les concurrents présents finissent par avoir peu ou prou le même niveau de coût parce que les savoir-faire productifs se diffusent rapidement au sein de l’industrie, par le biais des consultants ou des fournisseurs d’équipements.
Un défaut de la matrice du BCG est de réduire l’analyse de l’avantage concurrentiel à une seule variable, le volume, et d’ignorer la différenciation, ce qui est très limitatif.
Le deuxième postulat réside dans le choix du taux de croissance, pour mesurer l’attractivité du secteur.
Il existe des secteurs à forte croissance qui ne sont pas du tout attractifs, ne serait-ce que parce qu’ils sont dépourvus de barrières à l’entrée, comme la fabrication de micro-ordinateurs. Les seules entreprises « anormalement » rentables dans ce domaine ont
toujours été Intel et Microsoft qui sont des fournisseurs spécialisés, l’un sur les micro-processeurs, l’autre sur les systèmes d’exploitation, c’est-à-dire dans des domaines où les barrières à l’entrée sont fortes.
Un autre défaut de la matrice du BCG est donc de négliger l’analyse détaillée de l’environnement concurrentiel de chaque domaine d’activité en la réduisant à une seule variable, le taux de croissance de l’industrie.
Le troisième postulat est celui de l’indépendance totale entre domaines d’activité. Or la plupart des entreprises diversifiées sont présentes dans des domaines qui entretiennent entre eux des liens technologiques et/ou commerciaux. Le défaut est ici de nier
l’existence des synergies, qui sont pourtant la raison d’être de la plupart des diversifications réussies.
Le quatrième postulat est celui de l’homogénéité ou de l’absence du coût du capital.
Dans la matrice du BCG, un euro gagné dans la distribution des eaux d’une collectivité a la même valeur qu’un euro investi dans la production cinématographique. C’est oublier que le niveau de risque est complètement différent.
À rentabilité égale dans deux secteurs, il est probable que tout le monde choisirait d’investir dans l’activité la plus sûre et que
personne n’irait le risquer dans l’autre. Le défaut de la matrice du BCG est de prescrire des allocations de ressources alors qu’elle ne prend pas en compte leur coût !
La matrice BCG 2
Le cabinet de conseil Boston Consulting Group a développé un modèle d’analyse qui tient compte des perspectives d’évolution de l’environnement concurrentiel de l’entreprise. Il est fondé sur l’idée que les entreprises qui réussissent le mieux sont celles qui anticipent l’évolution du marché et qui créent des avantages concurrentiels importants. L’approche proposée prend en considération le fait que la rentabilité dépend à la fois des prix et des coûts.
Les indicateurs utilisés
Les critères de classification des différentes activités gérées par l’entreprise sont la prime de prix et l’avantage de coût.
La prime de prix
Pour certaines activités, l’entreprise peut bénéficier d’une prime de prix que le client est prêt à payer pour obtenir les produits recherchés. Cette prime de prix varie en fonction des avantages que le client estime pouvoir retirer du produit: la qualité, l’image, le design, les services, etc.
Ces attributs permettent de différencier l’offre proposée par rapport à la concurrence.
L’avantage de coût
Pour d’autres activités, l’entreprise peut posséder un avantage en termes de coûts. Cet avantage peut être obtenu grâce à la réalisation d’économies d’échelle et d’effets d’expérience.
Les économies d’échelle
Les économies d’échelle correspondent à la diminution des coûts unitaires d’une activité donnée, imputée à l’augmentation des capacités de production et du volume d’affaires. Les économies d’échelle s’expliquent par l’étalement des frais fixes sur des séries plus longues et par la réduction du coût des investissements par unité de capacité, lorsque la capacité totale augmente (Strategor, 2005).
L’effet d’expérience
L’effet d’expérience désigne la diminution des coûts unitaires ajoutés réalisée grâce à la production cumulée. Développée par le Boston Consulting Group, la courbe d’expérience montre que le coût unitaire total d’un produit décroît d’un pourcentage constant chaque fois que la production cumulée de ce produit par l’entreprise est multipliée par deux.
La baisse des coûts peut être calculée à l’aide de la formule suivante :
L’effet d’expérience lient à trois causes principales; les économies d’échelle et l’effet de taille permettant à l’entreprise de renforcer son pouvoir de négociation, l’effet d’apprentissage lié à l’amélioration de la productivité au travail, l’innovation et la substitution capital/travail résultant de l’amélioration du processus de production (par exemple, grâce au remplacement progressif de la main-d’œuvre par des moyens de production) (Strategor. 2005).
La position des activités sur la matrice
Les domaines d’activité stratégique (DAS) de l’entreprise peuvent cire positionnes sur une matrice qui permet de distinguer quatre environnements concurrentiels: les activités « de volume », les activités « d’impasse ». les activités « fragmentées » et les activités « spécialisées ».
Les activités « de volume »
Les activités « de volume » correspondent à des activités où les stratégies de domination par les coûts procurent un avantage concurrentiel déterminant aux entreprises. Les produits ont tendance à être standardisés et la concurrence s’exerce essentiellement sur les prix. Dans ce cas. la rentabilité est étroitement liée à la part de marché détenue par chaque entreprise.
Les activités « d’impasse »
Les activités « d’impasse » constituent des activités où ni les avantages en tenues de coûts ni la différenciation des produits ne permettent de développer un avantage concurrentiel durable. Il s’agit d’un environnement concurrentiel où les barrières à l’entrée sont faibles.
Les activités « fragmentées »
Les activités « fragmentées » désignent des activités où l’offre proposée par les entreprises est fortement différenciée, leur conférant une prime de prix. Pour conserver leur avantage concurrentiel, les entreprises doivent s’adapter en permanence à l’évolution du marché. Les conditions concurrentielles qui prédominent dans ces secteurs mènent à une grande fragmentation où de nombreux acteurs se partagent le marché.
L’industrie du parfum est très fragmentée, car l’offre proposée est fortement différenciée et chaque marque détient une part de marché relativement faible.
Les activités « spécialisées »
Les activités « spécialisées » se trouvent dans un environnement concurrentiel où les entreprises peuvent développer un avantage concurrentiel grâce à une stratégie de domination par les coûts ou grâce à une stratégie de différenciation.
Conclusion
La matrice BCG 2 enrichit la méthode initialement préconisée par le Boston Consulting Group (BCG). Si la matrice BCG 1 s’applique principalement aux industries de volume, la matrice BCG 2 permet de mettre au point des stratégies en fonction de la structure de l’environnement concurrentiel.