Cet article définit les différents concepts liés à l’évaluation de performance de la chaine logistique et propose un tour d’horizon sur l’ensemble des méthodes et des modèles proposés dans la littérature scientifique afin de mener des bonnes pratiques d’évaluation de performance.
Ceci permet de constater l’importance des travaux menés par Lauras dans [Lauras, 2004] concernant l’établissement d’un lien entre la vue décisionnelle, la vue fonctionnelle et la performance.
Table de matières
Définitions et concepts : mesure, indicateur et évaluation de performance
Selon Mentzer et al. « Le concept de gestion des chaines logistiques, se traduit par la coordination systémique et stratégique entre les fonctions internes ou externes d’une ou plusieurs entreprises. Le but de cette démarche est l’amélioration de la performance à long terme de chaque membre de la chaine logistique, et de ce fait, de l’ensemble de celle-ci. »
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[Mentzer et al., 2001]. Nous trouvons dans la littérature que « l’amélioration de la performance » est un terme qui fait intervenir deux notions distinctes qui seraient « la mesure de la performance et l’évaluation de la performance ». Avant d’aller plus loin, nous proposons tout d’abord une définition de la « performance logistique ».
Selon Biteau, la performance logistique est généralement représentée par le taux de service au client : nombre de fois où on livre le bon produit ; dans la quantité souhaitée ; dans le délai demandé ; au moment prévu ; à l’endroit prévu ; dans le conditionnement demandé ; en bon état et avec les bons documents ; précédé, accompagné et suivi des bonnes informations ; tout cela, dans les meilleures conditions économiques [Biteau, 1998].
Fenies et Gourgand complètent cette vision en distinguant la performance collective (optimisation globale du fonctionnement de la supply chain) et la performance individuelle (maximisation du profit d’une entité) [Fenies et Gourgand, 2004].
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La problématique du SCM rejoint le concept émergent de l’interopérabilité des entreprises [Chen, 2005]. Ainsi, l’interopérabilité peut être considérée comme une performance d’une organisation. Mais la difficulté est liée à la mise en place de la caractérisation et la mesure de l’interopérabilité en tant que performance [Blanc, 2006].
Selon Jacot, « La mesure conserve un rôle important mais s’en tient aux effets. L’évaluation est de portée plus générale : on tente de remonter aux causes et on se prononce également sur les objectifs et leur mise en œuvre » [Jacot, 1990]. En d’autres termes, la mesure de performance est un moyen indispensable à l’évaluation de performance.
Les mesures de performance doivent refléter la complexité de la chaine logistique et englober les opérations de tous les acteurs, depuis les premiers fournisseurs jusqu’aux clients finaux [Francella et Doherty, 1998].
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Beamon classe les mesures de performance en deux catégories : les mesures de performance qualitatives (satisfaction du client, flexibilité, intégration du flux physique et d’information, gestion du risque financier, etc.) et quantitatives (retards de livraison, temps de réponse client, etc.) [Beamon, 1998].
L’évaluation de performance est utilisée pour atteindre deux finalité qui seraient « démarches à priori et démarches à posteriori » [Frein, 1998], [Tahon et Frein, 1999] :
- L’évaluation de la performance à priori
L’objectif est la conception d’un nouveau système (ou modifier un système existant). Cette démarche s’appuie sur les indicateurs de performance ex ante [Giard, 2003].
Selon Lorino un indicateur ex ante est une « information devant aider un acteur, individuel ou collectif, à conduire le cours d’une action vers l’atteinte d’un objectif ou devant lui permettre d’évaluer un résultat »
[Lorino, 1995]. Cet indicateur n’est pas nécessairement un chiffre, c’est un élément de connaissance contribuant à l’aide à la prise de décision (Figure 1);
- L’évaluation de la performance à posteriori
L’objectif est le pilotage d’un système existant. Cette démarche s’appuie sur les indicateurs de performance ex post [Giard, 2003]. Cet indicateur peut être défini comme étant une « donnée quantifiée qui mesure l’efficacité de tout ou partie d’un processus ou d’un système par rapport à une norme, un plan ou un objectif déterminé dans le cadre d’une stratégie d’entreprise » [AFNOR, 2000].
Donc l’indicateur y est vu comme un chiffre qui informe sur un état relatif à un contexte connu. Il s’agit de l’évaluation de la quantité des décisions passées (Figure 2).
Les indicateurs de performance sont impactés par les pratiques collaboratives. En effet, La bonne mise en place de démarches coopératives peut contribuer à la performance d’une entreprise ou d’une organisation [Lauras, 2004].
Méthodes d’évaluation de performance de la chaine logistique
L’évaluation de la performance d’une chaine logistique est une des priorités majeures des entreprises, vue la complexité de cette tâche, cette évaluation passe par une sélection des indicateurs de mesure de la performance appropriés à la gestion de cette chaine.
Il est alors nécessaire d’avoir une démarche structurée et des outils méthodologiques adéquats. Dans ce contexte, Lauras met en évidence l’absolue nécessité de piloter la performance en fonction de deux éléments qui seraient « processus et centre de décision » [Lauras, 2004]:
1) Les indicateurs sont scindés par activités principales ou processus (la méthode ABC-ABM, la méthode BSC et le modèle SCOR) ;
2) Les indicateurssont associés à chacun des centres de décisions et sont positionnés par niveau de décision, à savoir stratégique, tactique ou opérationnel (la méthode ECOGRAI).
Méthodes d’évaluation de performance orientées processus
Dans cette partie, nous présentons les méthodes de définition de systèmes d’indicateurs de performance suivant l’axe processus qui seraient « la méthode ABC-ABM, la méthode BSC et le modèle SCOR ».
a. La méthode ABC – ABM
Apparues dans les années 1980, l’Activity Based Costing (ABC) et l’Activity Based Management (ABM) sont des démarches destinées à comprendre la formation des coûts et les causes de leurs variations (ABC), et simultanément (ABM), à construire un modèle de mesure et de gestion de la performance (les coûts et les marges), en se basant sur le principe de la gestion par activités.
Ce principe s’articule autour trois tableaux de bord [Lauras, 2004]: le tableau de bord d’activité (mensuel – suivi des objectifs de réalisation), le tableau de bord financier (mensuel / trimestriel – suivi des objectifs financiers) et le tableau de bord structurel (trimestriel / semestriel – suivi des structures de coûts). Donc, ABC et ABM soulignent la nécessité de mettre en œuvre un pilotage en fonction des activités qui composent les processus qui définissent le système étudié.
b. La méthode BSC
Dans un article publié dans le Harvard Business Review en 1992 [Kaplan et Norton, 1996], Norton et Kaplan développent le principe du Balanced ScoreCard (BSC) traduisible littéralement par « tableau de bord équilibré ».
Cette méthode propose le regroupement des objectifs stratégiques autour quatre perspectives : finance, satisfaction client, processus internes et apprentissage [Benmoussa et laachir, 2007].
Avec cette méthodologie, toutes les mesures sont définies en fonction des objectifs stratégiques (Figure 3 ). En effet, BSC vise à compléter les indicateurs de performance purement financiers par des indicateurs fonctionnels.
La finalité de cette approche est de considérer l’évaluation de la performance comme une résultante de la mise en œuvre des processus [Kaplan et Norton, 2001].
c. Le modèle SCOR
Le modèle SCOR (Supply Chain Operation Reference) permet d’avoir une vision sur l’ensemble de la chaîne logistique en facilitant la représentation des flux physiques, informationnels et financiers allant du fournisseur du fournisseur au client du client d’une entreprise [Lauras, 2004].
Il associe à chaque sous-processus des niveaux 2 et 3 un ensemble d’indicateurs selon cinq critères de performance: fiabilité, réactivité, flexibilité, coût et niveau des stocks (Figure 4) [Supply Chain Council, 2005].
Le SCOR-model introduit environ 200 indicateurs pour les processus Supply Chain [Benmoussa et laachir, 2007]. Cependant, cette outil manque de souplesse et ne garantit pas la pertinence des indicateurs choisis.
Méthodes d’évaluation de performance orientées centres de décisions
a. La méthode ECOGRAI
En France, Bitton [Bitton, 1990] propose une méthode permettant de développer des systèmes d’indicateurs de performance à partir de l’analyse des objectifs et des variables de décision (ECOGRAI).
La méthode ECOGRAI s’appuie sur l’établissement d’un modèle de la structure de pilotage du système étudié en se basant sur la grille GRAI et l’identification des centres de décision dans lesquels on souhaite implanter des indicateurs.
Ensuite, la démarche identifie pour chacun de ces centres de décision les objectifs qui lui sont rattachés (exemple : coûts, qualité, délai). A partir de là, il faut extraire les leviers sur lesquels les décideurs peuvent agir pour atteindre leurs objectifs (variables de décision).
Des indicateurs de performance peuvent dès lors être proposés. Une analyse de cohérence sur ces indicateurs est conduite. Il s’agit, au moyen d’une table de correspondance, d’indiquer l’adéquation de chaque indicateur avec les variables de décision et les objectifs assignés.
La dernière étape consiste à développer, implanter et maintenir le système d’information des indicateurs de performance [Lauras, 2004]
(Figure 5).
Au total, cette application permet de définir « un système cohérent d’indicateurs de performance, intégré à la gestion de production, couvrant l’ensemble de ses fonctions et des niveaux décisionnels, et défini en fonction de la stratégie industrielle » [Ducq et al., 2003].
b. Le triplet efficacité / efficience / pertinence
Dans cette partie, nous allons analyser les points de vue proposés par Lauras dans [Lauras, 2004] concernant les déterminants de l’évaluation de performance.
En effet, Lauras dégage trois éléments essentiels en fonction desquels la performance peut être pilotée en se basant sur les connaissances précitées (ABC-ABM, BSC, ECOGRAI et SCOR) qui seraient : « les processus, les centres de décision et les déterminants de la performance ».
Le tableau 1 résume les définitions et les interprétations de chacun de ces éléments proposées. L’idée générale est d’apparaître ce lien entre la vue décisionnelle (les centres de décision), la vue fonctionnelle (les processus opérationnels) et la performance.
Elément Définition Interprétation Centres de décision (processus de pilotage) Il s’agit d’un ensemble d’activités, d’une même fonction, ayant même horizon de planification et période de remise en cause de celle-ci, devant être exécutées suivant des objectifs donnés par un seul cadre de décision (contraintes « Ct »). Donc un centre de décision est un élément constitutif du processus de pilotage qui fixe les finalités (consignes « C ») et les moyens (ressources « M ») de tous les autres processus. Le centre de décision utilise des leviers de commande lui permettant de transformer des informations externes « I » en consignes « C » et moyens « M », en fonction d’objectifs « O » et contraintes « Ct » potentiellement issus d’autres centres de décision, hiérarchiquement supérieurs. Ces leviers sont appelés des déterminants de la performance « D » [Kaplan et Norton, 2001], des variables d’action [Supply Chain Council, 2005] ou encore des variables de décision [Bitton, 1990]. Processus opérationnels Ils sont vus comme des enchaînements d’activités qui utilisent des ressources « M », transforment des entrées « E » en sorties « S » en fonction de consignes « C » préétablies (par les processus de pilotage). Ces enchaînements (fonctions réalisées « F ») doivent être structurés de façon à produire un résultat constituant de la valeur pour le client. les consignes « C » et moyens « M » vont cadrer la ou les activités qui composent le processus opérationnel correspondant. Une activité va alors, sous ces conditions « Ct », transformer les entrées « E » en sorties « S », et produire ainsi la valeur ajoutée. Plus les sorties « S » seront conformes aux consignes « C », plus la performance « P » sera bonne. Mais, la performance se juge aussi en fonction des moyens « M » alloués pour réaliser l’activité et de l’utilisation qui en est faite.
La figure suivante (Figure 6) illustre cette interprétation. Finalement, les relations de causalités mises en évidence par Lauras montre que la performance « P » dépend directement (pour « M » et « C ») ou indirectement (pour « S ») des déterminants de la performance « D ».
Dans cette optique, Lauras propose une redéfinition du triptyque « pertinence, efficacité et efficience », à partir, non plus des résultats obtenus, mais de l’origine de la performance que constituent les déterminants (Figure 7) [Lauras, 2004]:
- Point de vue pertinence : « évalue l’adéquation des moyens avec les déterminants de la performance. Il s’agit ici d’indiquer dans quelle mesure les moyens et ressources disponibles supportent l’exécution des déterminants de l’activité. Cette donnée doit permettre de détecter des moyens insuffisants ou des ressources surdimensionnées » ;
- Point de vue efficacité : « évalue l’adéquation des consignes avec les déterminants de la performance. Il s’agit de juger de la faisabilité des consignes assignées à l’activité. Les objectifs peuvent être en décalage par rapport aux types d’actions conduites au sein de cette activité. Cette information doit permettre de détecter des consignes farfelues ou des déterminants de la performance inadaptés à la mission confiée » ;
- Point de vue efficience : « évalue l’adéquation des résultats de l’activité avec les déterminants. Il s’agit de préciser dans quelle mesure la mise en œuvre des déterminants de la performance de l’activité produit les résultats attendus. Il doit permettre de valider ou mettre en question les choix établis en termes de leviers d’action ou de décision ».
Conclusion
Tout au long de cet article, nous avons d’une part défini les différents concepts liés à l’évaluation de performance de la chaine logistique, ce concept est utilisée pour atteindre deux finalité qui seraient « démarches à priori et démarches à posteriori ».
D’autre part, nous avons fait un tour d’horizon sur l’ensemble des méthodes et des modèles proposés dans la littérature scientifique afin de mener des bonnes pratiques d’évaluation de performance, deux grandes familles de ces outils ont été dégagées à savoir, les méthodes basées sur la notion des processus et celles basées sur les centres de décision. Ceci qui nous apermis de constater l’importance des travaux menés par Lauras dans [Lauras, 2004].