Tous les cabinets des conseils en stratégie ont cherché à élaborer des outils permettant d’aider les stratèges dans leur choix d’allocation de ressources. Le principe de base, quel que soit le modèle, consiste à construire une représentation du portefeuille d’activité de l’entreprise selon deux dimensions : d’une part, la positon concurrentielle de l’entreprise et d’autre parts le potentiel dans des marchés correspondants.
Parmi le très grand nombre de outils ou modèles existants, les plus fameux sont ceux proposé par BCG, McKinsey, et Arthur D.Litele (la matrice ADL l’objet de notre article).
voici ce que vous allez apprendre dans cet article :
Table de matières
Présentation de la matrice ADL (Arthur D.Litele)
La matrice ADL, matrice de Arthur D. Little, schématise les activités de l’entreprise par des cercles dont la taille varie en proportion du chiffre d’affaires réalisé. Et elle structure son tableau d’analyse stratégique à partir des deux variables suivantes :
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- le degré de maturité de l’activité ;
- la positon concurrentielle de l’entreprise sur le domaine d’activité.
Le premier critère est fondé sur les quatre phases du cycle de vie à savoir: démarrage, croissance, maturité et déclin.
Intégrant le taux de croissance de l’activité. Il mesure comme dans le modèle BCG, les besoins financiers des activités, qui sont importants dans les deux premières phases du cycle et déclinent fortement par la suite.
Mais il permet également de donner une indiction sur le niveau de risque sectoriel, celui-ci exprime la probabilité de la variation importante ou de ruptures imprévues de l’activité (réglementation nouvelles, innovations technologiques…) une activité en démarrage est évidement davantage sujette à ce type de mutations qu’une activité mure et stable.
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Le deuxième critère est la positon concurrentielle qui est un indicateur composite qui agrège les forces et les faiblesses des différentes fonctions de l’entreprise :
- Production: capacité de production, flexibilité, compétences technologique, protection de l’environnement, etc.
- Commerciale: part de marché, prix de vente, réseau de distribution, etc.
- Financière: structure, indépendance, rentabilité, etc.
- Organisation: souplesse.
En fonction des ressources et compétences détenues pour chacune des fonctions, la positon concurrentielle de l’entreprise sera estimée dominante, forte, favorable, défavorable ou marginale. Il s’agit là d’une estimation purement qualitative: aucun critère chiffré ne définit précisément le passage d’une catégorie à l’autre.
Structure de la matrice ADL
La matrice se présente sous la forme d’un tableau à double entrée
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En abscisse se trouve la maturité de l’activité, découpée selon les quartes stades du cycle de vie : du démarrage à gauche, au déclin à droite ;
En ordonnée est indiquée la positon concurrentielle qui va de dominante à marginale, de haut en bas.
Les activités y sont positionnées et représentées de la même façon que dans la matrice du BCG, comme le montre la figure suivante :
D’après ce schéma on peut isoler la matrice en quatre quadrants différents, constituants chacun des entités homogène en termes de couple maturité-positon concurrentiel, et pouvant être caractérisés par leur situation financière et leur niveau de risque, comme le schématisé la figure suivante :
Dans une activité de démarrage ou en croissance, des investissements lourds sont nécessaire, seule une positon forte ou dominante permet de les autofinancer. Plus la positon est marginale, plus le déficit de liquidité et le risque sont importants.
Les activités mures ou vieillissantes créent, en revanche, peu de besoin. Une positon forte se traduit par des faibles risques. A l’inverse, la rentabilité déclinant dans les positons faibles, l’autofinancement diminue et le degré de risque augmente.
Les prescriptions stratégiques
Par rapport au modèle précédent, les prescriptions stratégiques sont moins tranchées et s’inscrivent dans des zones dont les contours sont moins précis. Elles correspondent à l’intensité de la remise en cause de l’activité considérée au sein de l’entreprise.
- Le développement naturel, qui suppose l’engagement de toutes les ressources nécessaires pour suivre le développement. correspond aux activités pour lesquelles l’entreprise a une bonne positon concurrentielle. Mais intègre également la totalité des segments d’avenir (en phase de démarrage)
- On lui oppose le développement sélectif pour les activités à positon concurrentielle moyenne. Voire faible ; l’objectif est d’atteindre une meilleure positon et donc une meilleure rentabilité.
- L’abandon est préférable pour les activités de peu de rendement et où la positon concurrentielle de l’entreprise est faible (voir le schéma)
Les axes stratégiques
L’approche plus organique de la matrice ADL permet de préciser la nature et l’intensité de la stratégie à suivre selon le positionnement des activités :
- La positon concurrentielle dicte l’intensité et l’étendue de l’effort à réaliser. une positon forte nécessite une stratégie intense sur tous les segments de marché. En revanche. La stratégie d’une activité à positon faible ne portera que sur un nombre limité de segments marketing, de niches :
- Le stade de maturité indique. quant à lui. La nature et l’objet principal de la stratégie à mettre en œuvre. ainsi que le précise la figure :
Phases de vie | Nature de stratégie | Objet principal de la stratégie | Exemples de stratégie |
Démarrage | Innover | Produits | – Innovation technologique – Achat de licence |
Croissance | Développer | – Distribution – image | – Pénétration commerciale – Développement de capacité – Recherche des nouveaux marchés |
Maturité | Optimiser | Coûts | – Intégration amont/aval – Internationalisation de la gamme et de la production |
Déclin | Rationaliser | Coûts | – Elagage de marchés/gamme/unités |
Limites du modèle ADL
Le modèle ADL affine le modèle BCG. Sans aller jusqu’à l’extrême volatilité de la matrice McKinsey. Cependant sa principale faille réside dans la notion de maturité de l’activité et ses quatre phases précisément délimitées.
En effet, ce concept n’a pas valeur d’universalité, et il est à manier avec précautions.
- Une activité mature ou déclinante peut être relancée sur un même marché ou transposée à d’autres marchés à l’international.
- Réciproquement, une activité nouvelle peut voir sa dynamique de croissance foudroyée par une innovation inattendue.
En outre, il est toujours impossible de prévoir combien de temps une activité va sa maintenir dans une phase du cycle de maturité avant de passer à la phase suivante.
D’ailleurs, cette évolution est généralement le résultat des stratégies déployés par les entreprises présentes sur le marché, d’où un problème d’autoréférence, également présent dans les autres modèles : la positon des activités sur la matrice est sensée indiquer quelles stratégies il convient de suivre, mais ces positons sont elles-mêmes la conséquence des stratégies précédemment suivies.
Ainsi, en appuyant des décisions sur les matrices d’allocation de ressources, on risque de se contenter de renforcer ses choix stratégiques passés, sans se donner la liberté d’en
introduire de nouveaux.
Ce défaut logique, parmi d’autres, a largement contribue à la perte de crédibilité des modèles matriciels, qui après avoir joué un rôle prééminent dans les années 70, ont désormais un caractère essentiellement historique. Leur démarche par trop simplificatrice, séduisante à première vue, a finit par avouer ses limites. L’analyste stratégique ne saurait se limiter à la construction de quelques schémas synthétiques.