Le plan industriel et commercial (PIC) qui s’appelle en anglais Sales & Opérations Plan (S & OP) est conçu pour planifier à long terme l’activité future de l’entreprise, de façon assez globale, afin de ne pas noyer les directeurs sous les chiffres.
Table de matières
Définition et objectif du plan industriel et commercial
Le plan industriel et commercial (PIC) est situé au plus haut niveau du management des ressources de la production, juste en dessous du plan stratégique de l’entreprise (figure 1).
C’est l’élément de base de la planification élaboré par un dialogue constructif entre les responsables commerciaux, de la production, des achats… et la direction de l’entreprise
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Son objectif est de permettre un cadrage global de l’activité, établi par famille de produits. Ce cadrage facilite l’orientation de l’allocation des ressources clés de l’entreprise qui peuvent être : la main-d’œuvre, la capacité machine, les approvisionnements longs, les heures de bureau d’études…
Le plan industriel et commercial permet d’anticiper globalement les problèmes potentiels, notamment une inadéquation entre la capacité de l’entreprise et la charge induite par les besoins commerciaux. La prise de décision anticipée permet d’assurer, à un niveau global, le service client souhaité.
La maîtrise du plan industriel et commercial impose un nombre limité de familles (moins de 15). Le caractère global se retrouve dans la taille des périodes utilisées : le mois et même le trimestre (au-delà de un an). L’horizon dépend du délai total des produits, du délai d’acquisition des équipements… et sera de douze mois à trois ans, ou plus s’il le faut.
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L’unité employée doit pouvoir représenter de façon homogène les produits finis de la famille et être bien comprise des acteurs du PIC. Là encore, elle doit être suffisamment globale : tonne, heures standards, coût de revient…
Une unité souvent utilisée et qui se justifie à ce niveau de management de l’entreprise, est l’euro ou le millier d’euros (K€).
Le plan industriel et commercial est généralement revu au cours d’une réunion mensuelle entre direction générale et directeurs opérationnels. Les acteurs principaux sont les directions commerciale, industrielle et logistique. C’est une rencontre essentielle, car elle permet à la fois de faire le point sur le fonctionnement passé de l’entreprise et de prendre des décisions importantes sur le fonctionnement futur de celle-ci. Elle nécessite donc la présence de tous les acteurs cités.
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Établissement du PIC
Le PIC est un contrat global entre le service production et le service commercial. La démarche repose sur l’établissement de prévisions de vente et de production pour chaque famille de produits finis :
- la responsabilité des prévisions de vente incombe naturellement au service commercial. Remarquons que les prévisions portant sur des familles plutôt que des produits finis individuels et des périodes relativement longues, ont une meilleure précision ;
- les prévisions de production sont du ressort du service production. Elles constituent l’expression de la capacité future de production pour cette famille de produits compte tenu des investissements en cours, des ressources humaines actuelles et futures. Il est important que les prévisions de production tiennent compte des possibilités réelles de production de l’entreprise.
La logique de calcul du plan industriel et commercial conduit à définir le stock disponible à chaque fin de période en fonction du stock du début de la période et des ventes, et de la production de cette période. Tout l’enjeu de la planification globale sera d’éviter un stock trop bas, qui ne permettrait pas de garantir le service client pour chaque référence de produits finis, et un stock trop haut, qui serait trop coûteux pour l’entreprise.
L’entreprise est donc amenée à définir un objectif de stock ; celui-ci est un compromis entre plusieurs intérêts contradictoires :
- le souhait du service commercial de disposer d’un stock suffisamment important afin d’assurer un bon service client ;
- l’objectif économique de l’entreprise, cherchant à minimiser l’immobilisation financière ;
- les possibilités de la production ne permettant pas de suivre les variations brutales de la demande, et l’obligeant à lisser la charge. Notons que cet objectif peut être figé pour tout l’horizon de planification, mais qu’il peut aussi être différent selon les périodes de l’année.
Le document du plan industriel et commercial (figure 2) comporte trois tableaux : ventes, production et stocks. Par ailleurs, il existe sur chacun de ces tableaux, à gauche, une partie « passé » où nous trouverons des valeurs réelles issues des historiques sur plusieurs mois et, à droite, une partie « futur » où ne figureront que des prévisions pour un horizon généralement supérieur à douze mois.
En ce qui concerne le passé, des indicateurs de performance permettent de comparer les prévisions et le réel. Ici, par exemple, sont mentionnés les écarts « Réel-Prévisionnel » et un écart en pourcentage (attention, pour le stock, il s’agit d’un écart « Réel-Objectif » et du pourcentage par rapport à l’objectif). En outre, en bas et à droite, figure l’objectif de stock pour cette famille avec une tolérance (mini et maxi).
Exemple de plan industriel et commercial
Nous allons reprendre le cas d’une usine Suisse qui fabrique 3 modèles de baladeur multimédia. Pour faciliter la planification à long terme, l’usine raisonne sur la famille des baladeurs. La figure 3 illustre l’établissement du PIC de cette famille.
Les baladeurs n’ont pas le même coût de revient en raison du prix d’achat des disques durs qui varie en fonction de leur capacité de stockage, mais le travail d’assemblage réalisé dans l’entreprise est identique pour chaque modèle. C’est pourquoi l’entreprise a décidé de comptabiliser dans le PIC les baladeurs en quantité (et pas en euros).
On notera qu’il a été décidé que le stock minimal serait de 800 baladeurs (cela correspond au stock de sécurité) et qu’il serait bon de ne pas dépasser 5000 baladeurs pour éviter une immobilisation financière importante. Le stock idéal a été fixé à 2500 baladeurs (objectif de stock).
Avant la réunion du 3 janvier les colonnes d’octobre à décembre ont été complétées avec les données historiques des ventes et de la production.
L’évolution du stock a été calculée à partir du stock de fin septembre qui était à 2500 baladeurs en utilisant les formules suivantes :
- Stock prévisionnel période n = Stock réel de la période n – 1 + Production prévisionnelle de la période n – Ventes prévisionnelles de la période n ;
- Stock réel période n = Stock réel de la période n – 1 + Production réelle de la période n – Ventes réelles de la période n ;
Donc par exemple :
- Stock prévisionnel d’octobre = 2500 + 10000 – 10000 = 2500
- Stock réel d’octobre = 2500 + 10000 – 9800 = 2700
Pour le mois d’octobre, les indicateurs de performance sont les suivants :
- Pour les ventes : écart = 9800 – 10000 = – 200 soit – 200/10000 = – 2%
- Pour la production : écart = 10000 – 10000 = 0 soit 0/10 000 = 0%
- Pour les stocks : écart/objectif = 2700 – 2500 = 200 soit 200/2 500 = 8%
On remarquera qu’au mois de novembre, il y a eu un souci de production car seulement 10000 baladeurs ont été fabriqués au lieu des 12200 qui avaient été prévus. Le stock de baladeurs s’est donc effondré en fin de mois (200) passant nettement en dessous du stock de sécurité.
Lors de la réunion du PIC de début décembre, le directeur de production a dû expliquer que cette baisse de la production avait été la conséquence d’une panne de deux postes de contrôle automatique et d’un problème d’absentéisme d’une personne difficilement remplaçable sur les presses à injecter. Lors de la réunion du PIC, des actions correctives ont été décidées pour pallier ce problème :
- action curative : tout d’abord il a été décidé d’augmenter la production du mois de décembre à 16500 baladeurs pour faire remonter le stock (finalement, fin décembre, ce sont 16000 baladeurs qui ont été fabriqués et le stock est remonté à 2200 baladeurs) ;
- action préventive : pour éviter que ces problèmes n’arrivent à nouveau, il a été décidé de former une personne supplémentaire au maniement des presses à injecter et il est prévu de faire faire une révision des postes de contrôle par le fournisseur pendant le week-end.
Cet incident, et son traitement lors de la réunion du plan industriel et commercial, montre tout l’intérêt de l’analyse des productions et ventes du passé, dans le cadre de l’amélioration continue.
L’examen des trois mois passés montre que la production n’a pas atteint ses prévisions et que le service commercial les a dépassées. Le stock fin décembre (c’est-à-dire le stock actuel) est en dessous de l’objectif que l’entreprise s’est fixé. La réunion du PIC va permettre de décider de la politique de planification à venir, car plusieurs scénarii sont possibles :
Premier scénario
Un plan de production possible consiste à prévoir de produire chaque mois les quantités qui sont prévues pour les ventes. Seul le mois de janvier ne suit pas cette logique car le stock de fin décembre est de 2200 et l’objectif de stock est de 2500, ce qui explique une production planifiée de 15000 pour une prévision de vente de 14700 ce mois-là.
Second scénario
Le second scénario prend en compte la particularité du mois de mai et ses nombreux jours fériés. Par expérience, on sait que la production au mois de mai est fortement perturbée et, dans notre cas, la production envisageable ne pourra pas dépasser 20000 baladeurs. Ceci devient donc une contrainte dans l’élaboration du plan de production.
La production qui ne pourra pas être faite en mai, il faudra la faire avant ou après. Dans le plan proposé ci-dessous, une partie de cette production sera avancée en février, mars et avril, et une autre partie sera repoussée en juin. Le calcul du stock prévisionnel nous montre que nous ne dépasserons pas les limites maxi et mini fixées.
Lors de la réunion du PIC, les différents directeurs doivent peser le pour et le contre de chaque solution et choisir le plan de production qui semble le meilleur pour l’entreprise. Le calcul des charges globales que l’on va voir ci-dessous permet aussi d’aider dans ce processus de choix. Dans le cas de la famille des baladeurs, c’est le second scénario qui est choisi.
Lors de l’établissement du plan industriel et commercial, on peut donc choisir entre deux politiques extrêmes :
- la première, où la production suit les variations des prévisions commerciales avec une nécessité de flexibilité ;
- la seconde où, au contraire, la production est lissée, c’est-à-dire à niveau constant, ce qui entraîne des variations de stock (avec risque de stock élevé à certains moments et risque de rupture à d’autres)
Naturellement, entre ces deux solutions, il est possible de faire un choix intermédiaire permettant de suivre dans une certaine mesure les variations de la demande et en modulant la capacité des ressources de production. C’est ce qui est utilisé dans les entreprises à caractère saisonnier prononcé comme, par exemple, celles fabriquant des matériels de sports d’hiver. On stocke avant la saison malgré une capacité réduite (horaire réduit avec congé), et on accroît la capacité (horaire lourd et embauche d’intérimaires) au moment de la forte demande.
Pour les entreprises qui ne travaillent pas sur stock (qui ne disposent donc pas d’un stock de produits finis), il est possible d’établir un plan industriel et commercial avec la partie « ventes » et la partie « production » et, au lieu de la partie stock, une partie « carnet de commandes ». Alors qu’un stock augmente suite à des productions et baisse suite aux ventes, le carnet de commandes augmente avec les ventes (nouvelles commandes au carnet de commandes) et diminue lorsqu’il y a production (et donc livraison).
L’entreprise se fixe alors un objectif de carnet de commandes (pour assurer une charge de travail mensuelle suffisante). Les calculs sont donc différents mais l’exploitation du PIC est la même (analyse du passé et planification pour le futur
Calcul global de charge au niveau du PIC
Pour que le management des ressources de la production donne des résultats qui puissent être appliqués au niveau de l’exécution, il est
fondamental que, dès le départ, le niveau du plan industriel et commercial soit réaliste en termes d’équilibre entre charge et capacité. Si la charge dépasse la capacité de la ressource considérée, deux solutions extrêmes sont possibles : augmenter la capacité ou diminuer la charge.
Et là encore toute solution intermédiaire est envisageable. On peut remarquer qu’en règle générale, une entreprise préférera augmenter la capacité car la charge correspond, en principe, à une demande des clients. Dans le cas du plan industriel et commercial, le calcul global de charge sera effectué sur les ressources critiques de l’entreprise.
En cas de surcharge, les actions consisteront, par exemple, en :
- heures supplémentaires ;
- emprunt de personnel à d’autres ateliers ;
- transfert d’activité sur d’autres ateliers ;
- embauche de personnel ;
- sous-traitance ;
- différé d’actions commerciales (promotions) ;
- mise en place d’équipes de week-end ;
- achat d’équipements ;
- achat de machines.
En cas de sous-charge, les actions consisteront en :
- réduction des heures supplémentaires ;
- prêts de personnel à d’autres ateliers ;
- arrêt de contrat de travail temporaire ;
- limitation de la sous-traitance ;
- relance d’actions commerciales ;
- suppression de machines (transfert, revente, arrêt simple) ;
- chômage technique.
L’horizon suffisamment « grand » doit permettre de déclencher ces mesures à temps, notamment quand elles demandent une préparation ou une mise en place importante (délai de livraison d’une grosse machine, formation de personnes embauchées).
En établissant le plan industriel et commercial d’une famille, nous avons déjà évoqué ce besoin en capacité. Mais une certaine ressource sera a priori utilisée par plusieurs familles de produits. Il faudra donc établir l’équilibre charge / capacité à partir de tous les PIC impliqués.
Nous allons maintenant montrer le principe du calcul qui, évidemment, présente un caractère global.
Prenons comme exemple de ressource le personnel d’un atelier d’emboutissage où passent 4 familles de produits A, B, C et D. Des ratios donnent le nombre de personnes nécessaires pour produire 100 k€ par jour (tableau 6).
Le plan industriel (le PI est la partie Production du PIC) pour les 4 familles est donné dans le tableau 7.
Pour calculer le nombre de personnes nécessaires dans l’atelier considéré, il suffit d’appliquer les ratios précédents. Le tableau 8 donne la charge correspondante. Ainsi, pour février, il faut : 5 × 2 + 2 × 4 + 3 × 4 + 2 × 2,5 = 35 personnes.
Les ratios utilisés seront réactualisés une à deux fois par an selon la variation observée dans l’entreprise. Ajoutons que le calcul global de charge au niveau du plan industriel et commercial pourrait tout aussi bien porter sur la charge machine d’un atelier, mais le principe d’évaluation globale sur des produits « moyens » représentant les familles serait analogue.
On comprend aisément l’utilité du plan industriel et commercial, outil simple d’utilisation mais puissant, pour établir la planification globale de l’activité. Et son grand intérêt est de permettre d’y procéder sous la forme d’un contrat entre les responsables des diverses fonctions de l’entreprise.