On distingue à travers l’histoire, deux types monnaie : la monnaie marchandise et la monnaie de crédit
Table de matières
La monnaie marchandise
La monnaie-marchandise est la première sorte de monnaie qui a existé, elle est apparue juste après le troc.
La monnaie marchandise se caractérise par le fait que le support monétaire présente une valeur intrinsèque égale à sa valeur monétaire. Elle est généralement considérée comme la forme la plus « primitive » ; on parle également de paléo-monnaie.
Les paléo-monnaies sont utilisées pour remplir la fonction d’unité de compte et/ou celle d’intermédiaire des échanges. Compte tenu du caractère parfois périssable de la marchandise qui prend le statut de monnaie, la fonction de réserve de valeur était, le plus souvent, peu prise en compte.
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De ce point de vue, la monnaie métallique peut être considérée comme une sorte particulière de monnaie marchandise. En effet, la monnaie métallique prend la forme de pièces de monnaie fondues à partir de métaux précieux (cuivre, bronze, argent, or, etc.) et, le cas échéant, frappées de symboles divers.
Elle peut également prendre la forme de lingots ou de plaques de métal pour exprimer des valeurs plus importantes.
Par conséquent, il ne faut pas confondre la monnaie métallique avec l’actuelle monnaie divisionnaire (les pièces de monnaie modernes, qui sont produites à partir d’alliages métalliques sans grande valeur intrinsèque) : la monnaie métallique est bien caractérisée par le fait qu’elle repose sur une marchandise singulière (le métal précieux) qui dispose d’une importante valeur intrinsèque dans la société considérée.
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La monnaie de crédit
La monnaie est une créance et une dette
Selon la définition proposée par Pierre-Bruno Ruffini, la monnaie est dite de crédit « dès lors que le support du moyen de paiement est constitué par une créance sur une institution émettrice » [RUFFINI, 1996, p. 21].
En économie, une créance est un élément de l’actif du bilan d’un agent, c’est-à-dire une richesse qui a une valeur positive pour lui ; elle est nécessairement la contrepartie d’une dette et elle donne le droit au créancier d’exiger auprès du débiteur, au terme prévu par le contrat passé entre les deux agents, le remboursement de cette dette.
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S’agissant de la monnaie, cette créance peut prendre diverses formes : soit être écrite sur du papier et devenir un billet de banque par exemple ; soit être écrite dans les livres de comptes de l’institution émettrice (on parle dans ce cas de monnaie scripturale) ; mais également être représentée par un symbole politique ou religieux apposé sur une pièce métallique.
Ainsi, pour un agent économique, avoir un droit de propriété sur de la monnaie, comme c’est le cas avec la détention d’un billet de banque ou d’une somme inscrite sur un compte au nom de l’agent dans une banque de second rang, c’est être propriétaire d’une créance sur la Banque centrale dans le premier cas (l’institution monétaire qui a le monopole de création des billets de banque aujourd’hui), sur une banque de second rang dans le second.
Symétriquement, cela signifie que la Banque centrale a une dette envers l’agent qui est propriétaire du billet qu’elle a émis : cette dette consiste à garantir au porteur la valeur inscrite sur le billet dès lors que celui-ci fera valoir son droit d’utiliser le billet comme moyen de paiement (la créance consiste pour le porteur à faire valoir ce droit pour la valeur inscrite sur le billet).
De manière analogue, la banque de second rang a une dette envers l’agent qui est propriétaire de la somme inscrite sur le compte bancaire.
La monnaie est toutefois une créance particulière, puisqu’elle est dotée d’un pouvoir libératoire général. Cela permet d’aboutir à une autre composante essentielle de sa définition : la monnaie est une dette qui permet de s’acquitter de toutes les dettes.
Monnaie métallique et monnaie de crédit : deux socles de confiance différents
Typiquement, la monnaie de crédit s’oppose donc à la monnaie marchandise-métallique : dès lors que la monnaie dispose d’une valeur intrinsèque qui est égale à sa valeur monétaire, il n’existe en principe aucune relation de créance et de dette qui conditionne et rend possible sa circulation ; à l’inverse, dès lors qu’il s’agit de la monnaie de crédit, le support monétaire ne dispose d’aucune valeur intrinsèque et la valeur de la monnaie dépend fondamentalement de la relation de créance et de dette.
Le dispositif institutionnel qui produit la confiance dans la monnaie repose sur des bases radicalement différentes dans chacun de ces deux cas :
S’agissant de la monnaie marchandise, le socle de la confiance dépend d’une convention collective construite par la communauté de paiement, selon laquelle la marchandise ou le métal précieux sélectionné est socialement reconnu comme digne de confiance.
Dans ce cas, les trois types de confiance identifiés par M. Aglietta et A. Orléan – la confiance méthodique, la confiance hiérarchique et la confiance éthique – reposent sur la contrainte métallique : les agents acceptent l’actif choisi comme monnaie parce qu’ils savent que les autres agents, mais aussi les autorités politiques et monétaires ne peuvent s’affranchir de cette contrainte fondée sur la valeur intrinsèque de l’actif, ni influencer le volume de monnaie disponible du simple fait de leur volonté.
On retrouve ici la position défendue par de nombreux économistes, comme V. Pareto (1848-1923) ou J. Rueff (1896-1978).
S’agissant de la monnaie de crédit, le socle de la confiance repose sur un dispositif au sein duquel les institutions politiques et monétaires (État, banque centrale, banques de second rang notamment) occupent une place fondamentale.
Dans ce cas, les trois types de confiance reposent exclusivement sur une contrainte institutionnelle : les agents acceptent la monnaie parce qu’ils sont convaincus du fait que les autorités politiques et monétaires ne peuvent s’affranchir des règles essentielles, c’est-à-dire des conventions, qui ont été élaborées au sein de la communauté de paiement (missions de la banque centrale, règles qui encadrent les opérations de monétisation de créances conduites par les banques de second rang, règles prudentielles pour encadrer le comportement des banques en matière d’activité financière, etc.).
La monnaie de crédit : un idéal-type
Cette distinction entre monnaie marchandise-métallique et monnaie de crédit – comme celle proposée par Knut Wicksell entre cash economy et économie de crédit pur – est idéal-typique : l’histoire enseigne que les systèmes monétaires se sont toujours construits en « composant » entre ces deux types de formes monétaires.
Dans la plupart des formes de monnaie-marchandise, il existe une relation de créance et de dette, tandis que, jusqu’à une date récente de l’histoire monétaire, la monnaie de crédit a conservé un lien plus ou moins étroit avec un support monétaire ayant une valeur intrinsèque.
S’il existe bien un processus historique de marche vers la monnaie de crédit, et donc de dématérialisation de la monnaie, celui-ci n’est en aucun cas linéaire et repose sur une évolution complexe du contexte institutionnel.
Cette évolution a été marquée par des crises monétaires nombreuses qui ont parfois profondément affecté la confiance dans la monnaie.
C’est notamment du fait de ces crises ainsi que des besoins croissants en liquidités pour financer l’activité économique au début du XXe siècle que les systèmes monétaires reposant sur le socle de la monnaie marchandise-métallique et en particulier sur la monétisation de l’or ont été progressivement abandonnés.
Conclusion
Il est intéressant de noter que la dualité monnaie-marchandise, et monnaie de crédit recouvre en droit, la distinction entre le droit des biens et le droit des obligations.
En effet, le droit des biens étudie les relations juridiques dont l’origine est une chose ; soit un bien qui est par définition tangible et dont la possession est exclusive (ex. l’or). Le droit des obligations traite de son côté, de ce qui lie les individus (ex. un billet de banque).