Structurer l’organisation de façon à réduire l’incertitude tout en tirant profit de cette incertitude pour innover : tel est le dilemme auquel l’entreprise doit aujourd’hui faire face.
Cette description nous permet de constater qu’il existe une relation entre les modes d’organisation et l’innovation.
Dans un premier temps, on va expliquer la nature de cette relation en basant sur la logique de l’organisation et celle de l’innovation. En suit, dans un second temps, on va faire apparaître les phénomènes qui rendent la programmation de l’innovation dans l’organisation difficile.
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Table de matières
la nature de relation entre L’innovation et l’organisation
La stabilité telle était la principale caractéristique des organisations de type taylorien et bureaucratique. Aujourd’hui, c’est davantage la mobilité et l’incertitude qui caractérise l’organisation de la majorité des entreprises. En tenant l’exemple de l’évolution du secteur automobile, les systèmes techniques, de même que les structures de travail évoluent constamment.
Ainsi, l’analyse de fonctionnement des entreprises ne peut-elle se réduire à leur capacité organisationnelle, celle qui consiste à programmer, standardiser et coordonner les tâches. Elle doit également prendre en compte leur capacité d’innovation, qui consiste à élaborer de nouvelles combinaisons entre les différentes ressources dont dispose l’entreprise pour réagir à de nouvelles contraintes ou opportunités.
Ces deux logiques sont largement complémentaires : une entreprise doit à la fois savoir s’organiser et innover.
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La logique de l’organisation
L’histoire de l’évolution des modèles organisationnels semble être essentiellement celle de la recherche de moyens pour réduire les zones d’incertitude des choix que feront les acteurs.
L’organisation consiste à définir des procédures, des étapes et de modalités de coordination. Donc, son objectif est de programmer, planifier, standardiser les activités et les processus au sein de l’organisation. Cette organisation des activités et des procédures permet de réduire la liberté selon le positionnement hiérarchique de chaque acteur, et selon sa contribution et son pouvoir. Et par conséquence la créativité de ces acteurs.
Toutes les formes d’organisation ont pour but de réduire l’incertitude par la programmation. Elles cherchent à trouver les modalités de production et de coordination qui, à l’avance, permettent de définir les activités des individus au sein de l’entreprise.
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La logique de l’innovation
L’innovation permet aux entreprises de renforcer leur position concurrentielle sur les marchés.
En effet, l’innovation permet aux entreprises d’augmenter leur productivité, d’améliorer la qualité de leurs produits ou de leurs services et de développer des compétences clés. Porter souligne que l’innovation est la clé de la compétitivité des entreprises parce qu’elle conditionne leur capacité à maintenir des avantages concurrentiels durables sur des marchés évolutifs.
La logique de l’innovation donc repose sur le contrôle des incertitudes concernant la technique, les produits, l’organisation et le marché.
L’innovation se développe dans des espaces non encore programmés de l’entreprise ou de marché.
Donc le faite d’innover réduit l’incertitude dans l’organisation. En effet, l’existence de cette incertitude est la source principale de toute innovation. Ainsi que l’entreprise cherche à tirer parti des incertitudes du marché pour promouvoir les innovations de produits ou de procédés.
la relation entre l’innovation et l’organisation
L’analyse de la logique de l’innovation et celle de l’organisation sur la base de l’incertitude a conduit à une relation contradictoire. En effet l’organisation vise à réduire les incertitudes dans les activités et les processus pour assurer la planification du travail et la standardisation des tâches et souvent à réduire l’autonomie et la liberté des acteurs et donc leur capacité à porter l’innovation.
Alors que l’innovation cherche à tirer parti, d’une part, des incertitudes pour élaborer de nouvelles combinaisons entre les différentes ressources de l’entreprise, et d’autre part, l’existence d’une liberté.
Ainsi que, si toute organisation a pour finalité de prévoir et d’optimiser ses ressources en élaborant un « programme rationnel », l’innovation entre mal dans ce cadre, elle se développe dans les espaces non encore programmés de l’entreprise ou de son marché. On peut schématiser ces deux logiques de la manière suivante :
Organisation Innovation Définition de l’incertitude Risque Ressource Règles de fonctionnement Formalisation Ajustement Rapport au temps Planification Réactivité* Définition des tâches Modes opératoires** Missions But économique Efficacité Efficacité
* Aptitude d’une structure vivante à répondre à tout changement par une réaction, généralement favorable à sa survie et à son développement.
** Il s’agit d’une série, généralement standardisée, d’opérations, décrite sous forme textuelle et/ou visuelle.
L’analyse d’un processus d’innovation s’appuie donc ainsi toujours sur l’analyse d’un processus d’organisation. Ces deux logiques sont bien évidemment contradictoires, par ce que l’une et l’autre ont des finalités différentes. Mais elles représentent une tension structurelle de l’entreprise qui doit articuler ces deux logiques en permanence.
C’est à dire la recherche de réduire les rigidités de son organisation et de concevoir des organisations qui fournissent un certain degré d’ordre adaptés aux conditions techniques et concurrentielles qui favorise l’innovation.
En effet, et selon N. Alter « plus une structure est formalisée et plus ses rigidités internes limitent ses capacités d’innovation ». Dans ce même contexte, certaines tendances managériales nord-américaines consiste à réduire à leur minimum les rigidités organisationnelles en faisant appel à des spécialistes extérieurs rémunérés sur les résultats de leur action.
Programmation de l’innovation dans l’organisation
Dans les entreprises innovatrices, il n’existe pas une capacité à programmer directement l’innovation, mais il existe une capacité à l’intégrer dans les schémas organisationnels.
En effet, l’incertitude et la complexité de l’innovation ainsi que la réaction de certains acteurs poussent les entreprises innovatrices à développer l’innovation dans un cadre informelle et indépendant du contrôle de ses concepteurs, et à prendre par la suite des décisions permettant de réintégrer les pratiques des innovateurs dans un cadre formalisé et organisé.
L’incertitude et la complexité de la programmation de l’innovation
L’innovation apparaît comme un processus et non pas comme une simple action ou le résultat
d’une seule action.
L’innovation correspond à un phénomène économique à propos duquel on agit nécessairement en partie à l’« aveuglette », c’est-à-dire qu’au début de ce processus l’entreprise ne dispose pas des informations permettant une décision rationnelle et un choix définitif, ce qui montre le fort degré d’incertitude dans cette étape.
Mais au fur et à mesure de l’avancement dans le processus, l’entreprise peut agir sur les actions de tel sorte que le taux de l’incertitude décroit.
Selon Alter : « on ne dispose initialement pas de l’ensemble des informations permettant d’effectuer un choix définitif, et encore moins rationnel… l’innovation ne peut être bien conçue qu’une fois réalisée ».
L’entreprise innovatrice subie des pressions de nature variées que ce soit de l’intérieur et ou de son environnement (complexité, incertitude au début d’un projet, manque la cohésion du personnel, et l’incertitude relative au marché).
Donc l’innovation apparaît dans un point de rencontre entre l’incertitude et de la complexité (comporte des éléments divers qu’il est difficile de démêler). Elle se développe donc, dans des situations où les problèmes rencontrés n’ont pas de solutions a priori déterminées, et les connaissances sont imparfaites.
De ce fait, selon Alter, l’innovation ne peut pas être programmée car les modalités de l’action ne se découverte qu’en marchant et en avançant dans un projet afin de découvrir les supports humains qui s’y associent et le rendent en fin effectif.
D’autres recherches basant sur l’analyse culturelles et collectives de l’innovation, et de leur organisme avec celle de l’organisation, mettent en évidence que l’incertitude caractérise le fonctionnement et laisse une place considérable au jeu des acteurs.
La réaction des acteurs et la programmation de l’innovation
Toute organisation est le résultat d’une « construction sociale », d’une rencontre entre volontés d’acteurs au moins partiellement contradictoires et donc conflictuelles. C’est ce qu’ont montré « Michel Crozier et Erhard Friedberg » à travers leur analyse stratégique.
Par ailleurs, les recherches des sociologues, dans le cas de l’implantation d’innovation, mettent particulièrement l’accent sur les relations entre les acteurs. Ils observent que ces relations sont souvent conflictuelles, du fait d’objectifs individuels partiellement contradictoires.
Dans le cas de l’implantation d’innovations, Alter (1990,1995) montre que ces conflits existent, mais évoluent au cours du temps.
Selon lui, les représentations des acteurs et leurs comportements se modifient au cours de l’action. Alter propose une structuration des processus d’innovation impliquant trois groupes d’acteurs : « la direction » qui incite à l’innovation, les « innovateurs », qui prennent en charge la mise en œuvre effective de l’innovation, parce qu’ils y trouvent avantage, et les « légalistes » qui incarnent la règle et s’efforcent de respecter l’ordre établi.
Des relations conflictuelles se nouent entre ces groupes d’acteurs, et créent du désordre. Le processus d’innovation se déroule en trois temps :
L’incitation à l’innovation : elle émane généralement de la direction, et se heurte à la résistance
des « innovateurs », qui, à ce moment, n’en voient pas les avantages, et des « légalistes »,
l’appropriation de l’innovation par le groupe des innovateurs qui découvrent les avantages de l’innovation ; ils déforment alors l’innovation suivant leurs propres conceptions, et tentent de développer des réseaux d’alliances, tandis que les légalistes résistent et que les directions laissent faire. Car le développement des innovations repose sur un réseau informel de relation; il ne suit pas une structure de décision hiérarchisée.
Enfin, dans un troisième temps, l’institutionnalisation, les directions reprennent le contrôle de l’action en définissant, avec l’aide des légalistes, de nouvelles règles, réduisant ainsi l’autonomie développée par les innovateurs lors de la seconde phase.
Alter montre ainsi que le résultat d’une innovation n’est pas totalement prévisible, et c’est l’institutionnalisation qui, en définissant des règles – évolutives – ex post, « réduit les incertitudes du cadre de leur [les règles] exercice pour le rendre durable et prévisible. ».
Le processus d’innovation engendre ainsi la création de nouvelles règles d’organisation, qui émergent, selon Alter, non pas « de l’analyse préalable des « besoins », mais selon les réactions du corps social ».
Cette institutionnalisation correspond, selon l’auteur, à un apprentissage.
Alter insiste sur la dualité entre l’organisation, qui consiste à réduire l’incertitude (en définissant des procédures, en planifiant, en standardisant) et l’innovation qui, loin de pouvoir être « programmée », revient à tirer parti des incertitudes, et suppose des capacités à transgresser les règles établies, à identifier de nouveaux programmes d’action non répertoriés par l’entreprise.
Conclusion
l’apparition de nouvelles variables et l’exigence de l’innovation, poussent les entreprises à dépasser les formes classiques des organisations par l’intégration de la notion de l’incertitude dans la dimension organisationnelle.
Cependant cette intégration relève une relation contradictoire entre l’organisation et l’innovation. Chacune agit l’incertitude dans ses contextes.
Pour une entreprise innovatrice, l’objectif est d’octroyer aux acteurs un espace libre non programmé pour qu’ils poussent à innover dans un environnement incertain. A ce stade les acteurs jouent le rôle de moteur ou frein d’un accord concerne le changement de l’organisation suite à l’innovation dans le processus organisationnel.
Après traiter la nature de relation entre l’organisation et l’innovation et la complexité de cette dernière en matière de programmation, une question pertinente qui peut être posée : « comment l’entreprise peut mettre en ouvre la stratégie de l’innovation ? ».