Le libre-échange : théorie et critique

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Le libre-échange est la doctrine économique favorable à la libre circulation des marchandises.

Cette libre circulation peut s’étendre aux services, aux capitaux et à la main-d’œuvre. Pour cela, les libre-échangistes préconisent la suppression de toutes les entraves aux échanges.

Voici ce que vous allez apprendre dans cet article :

L’élaboration de la théorie du libre-échange

Les premiers défenseurs de l’abaissement des droits de douane furent des économistes français du XVIII siècle : les physiocrates (François Quesnay). Le contrôleur des finances de Louis XVI, Turgot (1727-1781) supprima les taxes sur les céréales à l’entrée de chaque province française pour assurer la libre circulation des grains. Mal comprise par la population, cette mesure entraîna la « guerre des farines ».

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La théorie des avantages absolus d’Adam Smith

Dans son ouvrage « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations » (1776), Adam Smith reprend l’analyse des physiocrates sur les bienfaits du libre-échange. Il élabore la théorie des avantages absolus.

Chaque pays doit se spécialiser dans les biens et les services qu’il parvient à produire à un coût de production inférieur à celui du reste du monde. Chaque pays doit en contrepartie délaisser la production de biens et de services pour lesquelles il est le moins efficace. Il doit alors importer ces produits du reste du monde.

Exemple contemporain : Prenons le cas de la France et de l’Arabie Saoudite pour deux produits : les voitures et le pétrole.

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La France a un avantage absolu pour les voitures et doit se spécialiser dans cette production. Elle doit délaisser la production de pétrole et l’acheter à l’extérieur.

L’Arabie Saoudite doit se spécialiser, à l’inverse, dans la production de pétrole et importer ses voitures.

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D’un point de vue économique, les deux pays ont intérêt à se spécialiser et à commercer. Il n’y a aucun perdant à l’échange.

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La théorie des avantages comparatifs de David Ricardo (1772-1823)

Dans son ouvrage, « Des principes de l’économie politique et de l’impôt » (1817), Ricardo apporte un complément à la théorie d’Adam Smith. Il existe un cas particulier non étudié par Smith quand un pays n’a aucun avantage absolu sur ses partenaires commerciaux.

Il ne peut donc se spécialiser dans une production pour échanger commercialement avec les autres.

Ricardo élabore la théorie des avantages comparatifs pour remédier à la faille théorique de Smith. Chaque pays doit se spécialiser dans la production dans laquelle son coût de production est le plus faible au détriment de ses autres productions. Là où le pays est le moins mauvais, à défaut d’être le meilleur, il se spécialise.

Ricardo a pris l’exemple désormais fameux de la production de draps et de vin dans deux pays différents : le Royaume-Uni et le Portugal.

On considère que le coût du travail par ouvrier est identique dans les deux pays.

La supériorité du Portugal découle d’une meilleure productivité du travail dans les deux domaines d’activité. Toutefois, en calculant les écarts de prix entre les deux produits, Ricardo remarque que le Portugal a un avantage plus grand pour le vin que pour les draps. On parle d’avantages comparatifs. Dans cette situation, le Portugal a intérêt à se spécialiser dans le vin et à importer ses draps.

Symétriquement, l’infériorité du Royaume-Uni est moindre pour les draps que pour le vin. Le Royaume-Uni doit donc abandonner la production de vin et se spécialiser dans la production de draps. En théorie, les deux pays ont intérêt à commercer en se spécialisant, car ils en tireront tous deux un bénéfice supplémentaire.

Ricardo est donc favorable au libre-échange, quelles que soient les situations des deux partenaires commerciaux. Pour lui, le commerce international est un moyen de dynamiser la croissance économique et d’éviter « l’état stationnaire » (taux de croissance égal à 0 %).

La pensée de Ricardo est donc très actuelle, car la croissance économique depuis 1945 est due, en grande partie, à l’abaissement significatif des droits de douane dans toutes les régions du monde.

Le théorème HOS

Il s’agit d’un théorème élaboré dans la second moitié du XX siècle par trois économistes (Heckscher, Ohlin et Samuelson) et qui se situe dans le prolongement théorique de la pensée ricardienne. Ces économistes expliquent les avantages comparatifs par les différences de dotation en facteurs de production. Ils prennent comme hypothèse le caractère substituable des deux facteurs de production capital et travail.

La dotation des pays en développement comprend une abondance de ressources minérales, une main d’œuvre peu qualifiée et nombreuse et un faible capital technique.

La dotation des pays développés comprend une main-d’œuvre qualifiée, beaucoup de capital technique et peu de ressources minérales.

Le théorème HOS s’énonce ainsi : chaque pays a un avantage comparatif dans l’activité qui utilise intensément le facteur de production dont il est le mieux pourvu.

Pour les libéraux, la théorie du libre-échange, démontrée par Smith et Ricardo, est favorable à la croissance économique mondiale et tous les pays y gagnent quel que soit leur niveau de développement.

Les critiques adressées à la théorie du libre-échange

1° La théorie du libre-échange ne peut pas interpréter le commerce intrabranche entre deux pays industrialisés.

Par exemple, la France et l’Allemagne échangent des voitures.

Par exemple, le Japon et les Etats-Unis échangent du matériel informatique.

Ce commerce intrabranche entre pays industrialisés a beaucoup progressé depuis 1945. Il explique en grande partie la croissance économique mondiale depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

2° La théorie du libre-échange justifie la domination politique et économique des PDEM sur les PED.

Les économistes, d’inspiration marxisante, montrent que les pays les plus développés ont intérêt à promouvoir le libre-échange, car cela renforce leur domination sur le reste du monde.

Les historiens de l’économie prennent souvent comme exemple le Royaume-Uni et l’Inde à la fin du XIX siècle. Le Royaume-Uni, puissance coloniale, s’était spécialisé dans les produits manufacturés, en particulier dans le textile.

L’Inde a dû abandonner sa propre production textile et se spécialiser dans la production de produits agricoles tropicaux : coton, jute, indigo.

Par l’échange commercial imposé par la logique de l’économie coloniale, l’Inde s’est progressivement désindustrialisée à la fin du XIX siècle en se spécialisant dans des produits agricoles non alimentaires.

Encore aujourd’hui, les PED vendent essentiellement des produits de base (hydrocarbures, minerais, produits agricoles) et achètent des produits industriels. Le choix de la spécialisation n’est pas neutre politiquement. Il peut y avoir une dégradation des termes de l’échange pour les pays en développement, qui se sont spécialisés dans des productions où le prix a tendance à baisser sur les marchés mondiaux.

Exemple : Le Mali s’est spécialisé dans le coton. Si le prix du coton baisse, le pays importe moins de produits industriels et son développement est compromis.

On calcule l’indice des termes de l’échange de la manière suivante.

Indice des termes de l’échange = Indice des prix des exportations / Indice des prix des importations

Prenons l’exemple de la Côte-d’Ivoire qui exporte surtout du cacao et importe l’essentiel de ses biens manufacturés. On peut calculer l’indice des termes de l’échange en 1995 et en 2008.

On observe alors s’il y a eu, entre ces deux dates, une amélioration ou dégradation des termes de l’échange pour la Côte-d’Ivoire.

Malheureusement pour ce pays en développement, il y a eu dégradation.

L’indice des prix des exportations peut brutalement diminuer en cas de baisse du cours du cacao, alors que l’indice des prix des importations reste stable ou augmente pour les produits manufacturés. Cet « effet de ciseaux » explique, en partie, la guerre civile larvée dans ce pays africain.

Le développement de la Côte-d’Ivoire a été freiné par la baisse tendancielle du cours du cacao sur les marchés mondiaux (Offre supérieure à la Demande).

Cette théorie de la détérioration des termes de l’échange, très en vogue dans les années 1970 à 1990 pour expliquer les difficultés de développement des PED, a perdu dernièrement un peu de son acuité.

D’une part, elle est incapable d’expliquer le développement rapide des NPIA depuis 1970.

D’autre part, on observe que le prix des minerais (or, argent, bauxite, manganèse, cuivre…) et des hydrocarbures a tendance à fortement augmenter depuis 2000. Cela améliore les termes de l’échange pour les PED spécialisés dans la production de ces ressources.

Les prix de ces produits de base sont soutenus par le développement rapide de la Chine et de l’Inde (Demande
mondiale supérieure à l’Offre mondiale).

Pour les produits agricoles alimentaires, on observe récemment le même phénomène d’augmentation des cours mondiaux, qui sont soutenus par la forte croissance démographique dans les PED (Asie, Afrique et Amérique latine).

Le prix des céréales et de la viande augmente désormais tendanciellement. Par exemple, avec le développement de leur pays, les Chinois cherche leurs habitudes alimentaires et consomment davantage de viande.

En 2007, on a même assisté à « des émeutes de faim » dans certains pays pauvres (Haïti, Bangladesh…). La population réagissait violemment à l’augmentation des denrées alimentaires de base comme le riz. Comme l’affirmait le président français Jacques Chirac (1995-2007), pour défendre la Politique Agricole Commune, l’agriculture est un secteur économique d’avenir.

Les prix des produits agricoles seront soutenus par l’expansion démographique des pays du Sud. Une telle évolution pourrait avantager certains pays d’Amérique latine comme le Brésil et l’Argentine.

Se pose pourtant encore aujourd’hui le problème de la détérioration des termes de l’échange pour certains produits agricoles non indispensables comme le coton, le cacao et le café.

Enfin, certains PMA, surtout en Afrique noire, n’ont malheureusement pas pour le moment de produits exportables, ce qui empêche leur développement par le commerce international.

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