Les théories des organisations

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Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la notion d’organisation est probablement une des notions les plus difficiles à cerner et les définitions qui en sont données sont souvent critiquables.

Nous retiendrons la définition suivante:  » les organisations sont des systèmes sociaux créés par des individus, afin de satisfaire, grâce à des actions coordonnées, certains besoins et d’atteindre certains buts ». Cette définition traditionnelle pourra choquer et paraître partiale dans la mesure où elle suppose l’acceptation d’un modèle rationnel souvent contesté; elle a cependant l’avantage d’être cohérente avec la grande majorité des théories des organisations.

Pour cet article, nous avons opté pour une présentation séparée de deux grands ensembles de théories: les théories non économiques qui se rattachent notamment aux recherches en psychologie et en sociologie et les théories économiques.

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Table de matières

Les approches non économiques des organisations

Les approches non économiques des organisations regroupent des théories très disparates qui ont été élaborées par des auteurs dont les démarches et les objectifs étaient très différents. Il serait vain de chercher une quelconque unité aux présentations qui vont suivre et qui se rattachent à des domaines aussi divers que la sociologie, la psychologie des individus et des groupes, ou la théorie de la décision.

Seules seront exposées les approches qui se rattachent au modèle rationnel; elles regroupent la théorie du management scientifique et la théorie administrative, l’école des relations humaines, l’école fonctionnaliste et la théorie contingente. Elles partagent un point commun, à savoir qu’elles s’appuient toutes sur un modèle de rationalité qui suppose que les organisations ou les individus qui les composent sont motivés par la recherche d’objectifs. On assiste actuellement à l’émergence de nouveaux courants de recherche qui rejettent cette hypothèse de rationalité.

Les théories administrative et du management scientifique

Parmi les principaux précurseurs des théories des organisations, apparaissent le français FAYOL et l’américain TAYLOR. Tous deux sont considérés comme les fondateurs de ce qu’on a coutume d’appeler « l’école classique du management » et leurs idées, bien que controversées, en particulier par l’école des relations humaines, ont été largement mises en pratique dans les entreprises.

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FAYOL s’est principalement intéressé aux problèmes de direction de l’entreprise et a jeté les bases de la théorie administrative.

TAYLOR s’est quant à lui, davantage penché sur l’organisation des ateliers de production; il a donné son nom au « taylorisme » ou « gestion scientifique du travail« .

TAYLOR comme FAYOL ne se sont pas préoccupés d’identifier les facteurs qui ont prévalu à l’émergence des différentes structures des organisations, mais de dégager les règles à respecter pour gérer de façon optimale une entreprise. Pour cette raison, leurs discours sont de nature purement normative et leurs « théories » sont en fait un énoncé d’un ensemble de principes.

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Selon FAYOL, les activités de l’entreprise peuvent être classées en six catégories d’activités: techniques, commerciales, financières, comptables, de sécurité et enfin administratives. Ces dernières comprennent: la prévoyance (très voisine de la planification), l’organisation, le commandement, la coordination et le contrôle.

On retrouve dans cette définition des activités administratives, les composantes de ce qu’on nomme aujourd’hui le « management« . Le bon fonctionnement de l’organisation est conditionné par l’observation de principes; FAYOL en énonce quatorze.

Parallèlement, GULICK et URWICK et FOLLETT aux Etats-Unis et WEBER en Allemagne, ont contribué au développement de la théorie administrative en établissant des principes fondamentaux que l’on peut résumer ainsi : spécialisation des tâches, standardisation des opérations, uniformité des procédures, unité de commandement, limitation de l’éventail de supervision ou de contrôle, centralisation de la prise de décision, organisation par département.

Par rapport à FAYOL qui privilégie la hiérarchie, GULICK et URWICK considèrent trois modes de relations: la ligne hiérarchique, la ligne fonctionnelle et le staff composé des conseillers des opérationnels; de plus, ils distinguent quatre types de structure: par objectifs, par opérations, par clientèles et par zones géographiques.

FOLLETT qui se démarque du principe hiérarchique s’intéressera aux relations de pouvoir et d’autorité, ainsi qu’à la gestion des conflits, quant à WEBER, il définit les différents systèmes d’autorité dans l’organisation bureaucratique.

L’autre composante de l’école classique du management est représentée principalement par TAYLOR, mais également par BABBAGE, GANTT et GILBRETH qui ont défendu la théorie de la gestion scientifique du travail. De nouveau, la théorie consiste en une série de principes. On y aborde moins la structure des organisations que la gestion des postes de travail.

Pour ces différents auteurs, l’amélioration de la productivité passe par l’amélioration du rendement de l’ouvrier au travail, ce qui conduit à la mise au point de méthodes fondées sur une analyse scientifique des tâches, réalisée par des spécialistes.

Le personnel est supposé ne pas avoir la capacité et la motivation nécessaires à cette analyse, dans la mesure où l’amélioration de son rendement n’entraîne pas une augmentation de son salaire, qui seule l’intéresse.

C’est ainsi que l’application de ce principe entraînera dans les entreprises, la création de bureaux des méthodes, chargés de trouver des solutions pour améliorer l’efficacité du travail, par l’analyse des gestes des ouvriers, de leur fatigue et de leur temps de récupération et de définir les conditions optimales de réalisation d’une tâche.

Une fois cette analyse du travail effectuée, il convient pour TAYLOR de sélectionner la personne la plus apte à réaliser la tâche, de la former, d’établir un système de rémunération variable selon les quantités produites et de bien séparer « travail et responsabilité du travail »; l’ouvrier n’est qu’un exécutant.

A l’appui de sa théorie qui remportera un vif succès dans les entreprises, TAYLOR cite ses propres expériences, concernant par exemple la manutention des gueuses de fonte et les résultats qu’il a obtenus, en faisant passer le tonnage manipulé par un ouvrier de 16 tonnes à tonnes, tout en augmentant son salaire quotidien de 1,15$ à 1,88$.

Par ailleurs, il abandonne le principe d’unité de commandement prôné par FAYOL et subordonne l’ouvrier à plusieurs chefs, spécialisés chacun dans une fonction spécifique: planning, approvisionnement, méthodes…

Plusieurs critiques ont été adressées aux théories administrative et scientifique du travail. L’une d’entre elles porte sur les limites des théories liées à leur caractère normatif.

Ainsi pour DESREUMEAUX, « les analyses de l’anatomie de l’organisation formelle débouchent sur des séries de principes universels d’organisation, moyens d’atteindre la coordination, sur un modèle idéal dont le respect doit conduire au maximum d’efficience et de productivité: il ne s’agit pas tant de découvrir ce qui fait que les structures sont ce qu’elles sont que de définir la « meilleure façon » de construire et de gérer une organisation (d’où les principes de spécialisation, d’unité de commandement, de hiérarchie verticale, etc., assez généraux pour s’appliquer à toute organisation quelle que soit sa nature ou sa forme). »

Une autre critique qui peut être formulée à l’égard de l’école classique du management est qu’elle ne tient pas compte des interactions entre les individus et l’organisation. Qu’il s’agisse de la théorie administrative ou de la théorie scientifique du travail, tout se passe comme si les hommes qui composent l’organisation, abandonnaient leurs valeurs, leurs croyances en y entrant.

En outre, ces théories qui adoptent une vision très mécaniste des hommes, en faisant abstraction des facteurs humains, adoptent finalement une représentation très partiale de l’homme et voisine de la théorie X de McGregor.

Pour elles, les individus ne souhaitent pas prendre d’initiatives et fuient les responsabilités; ils sont allergiques au travail et il est nécessaire de les diriger avec fermeté. Leur motivation principale réside dans la satisfaction de leurs seuls besoins économiques, ce qui implique que la seule façon de les motiver est d’accroître leur revenu salarial.

Enfin, une dernière critique adressée à ces théories, provient du fait qu’elles ignorent les interrelations entre l’entreprise et son environnement. Les spécificités sectorielles ne sont pas prises en compte, les problèmes de flexibilité, d’adaptabilité de l’entreprise aux contraintes de l’environnement, en particulier par le biais de sa structure, semblent absents du discours classique. L’entreprise apparaît comme un système clos, fonctionnant selon des règles préétablies.

L’école des relations humaines

Les théories administrative et scientifique du travail, pour importants que soient leurs apports en matière d’organisation, ont ignoré une composante essentielle de cette dernière: l’homme; elles se sont limitées à l’étude de l’organisation technique du travail.

L’école des relations humaines constitue une réaction contre cette orientation. Elle trouve ses fondements dans les travaux réalisés par MAYO qui ont permis de mettre en évidence l’importance des facteurs humains dans la productivité. L’expérience la plus probante fut réalisée par MAYO et son équipe de chercheurs à l’usine HAWTHORNE de la société WESTERN ELECTRIC.

La performance d’un groupe témoin d’ouvriers, travaillant avec un éclairage constant fut comparée à celle d’un autre groupe auquel on fit subir des variations de l’intensité lumineuse.

Des différences de productivité furent constatées entre les deux groupes; en particulier, le groupe soumis aux variations, accroissait sa productivité au fur et à mesure qu’on augmentait l’intensité lumineuse.

Mais, il continuait d’accroître la productivité même quand on diminuait l’intensité, jusqu’à laisser travailler les ouvriers dans la pénombre. On pouvait donc tirer comme conclusion que les conditions de travail ne pouvaient être considérées comme le seul facteur explicatif de la productivité.

Des expériences complémentaires ont ensuite été menées sur un atelier de femmes où on pouvait mesurer les conditions de travail et les quantités produites par chacune d’elles. On faisait varier des facteurs tels que la durée du travail, les temps de repos, le système de rémunération…

A chaque fois, les nouvelles conditions étaient présentées et discutées avec le groupe qui acceptait toutes les modifications. Les résultats étaient conformes à ceux de l’expérience précédente; la production ne cessait d’augmenter même lorsqu’on revenait aux conditions de travail initiales.

On a conclu de ces expériences qui ont été poursuivies, que plus que les conditions matérielles de travail, ce sont les conditions sociales qui influencent la productivité, que la rémunération n’est pas la seule forme de motivation et que la participation, la coopération et la discussion au sein du groupe de travail ont une incidence déterminante sur le comportement.

La contribution de LEWIN aux théories psychologiques des organisations est très importante, notamment grâce à ses études sur les phénomènes de groupe. On lui doit d’ailleurs l’expression « dynamique de groupe ». On ne mentionnera ici que ses travaux portant sur les réactions des groupes aux divers styles de commandement.

L’expérience a été réalisée sur des groupes d’enfants chargés de confectionner des masques et soumis à trois styles de commandement différents: démocratique, autoritaire et laisser-faire; chacun des styles entraînant des attitudes du leader définies avec précaution.

  • Le leader démocratique participait à la vie du groupe, émettait des suggestions et encourageait les enfants.
  • Le leader « laisser-faire » faisait part de ses connaissances, participait peu aux activités du groupe et s’abstenait d’implication émotionnelle.
  • Le leader autoritaire quant à lui dirigeait les travaux du groupe, sous forme d’ordres et devait se tenir à distance.

Selon le style de commandement utilisé, on a noté des différences de comportement du groupe.

  • Le style démocratique conduisait à des relations chaleureuses entre les membres du groupe qui fit preuve d’autonomie après le départ du leader; la qualité du travail fut également jugée supérieure.
  • A l’inverse, le style « laisser-faire » a entraîné des demandes d’information au responsable, une faible coopération entre les membres du groupe, un manque d’indépendance et des travaux de piètre qualité.
  • Enfin, le style autoritaire a conduit soit à des réactions agressives de rébellion pour se faire valoir auprès du leader, soit à la résignation.

LEWIN a conclu de cette expérience à la supériorité du style démocratique en matière de performance et de satisfaction apportée par le travail. Ses travaux ont permis également de mettre en évidence, au delà des groupes formels, la constitution de groupes informels soudés par les mêmes objectifs, à condition de développer des relations entre les membres du groupe.

Les travaux de MAYO et LEWIN ont été prolongés par la suite par des auteurs comme LIKERT, McGregor ou encore ARGYRIS. LIKERT s’est préoccupé développer des interactions entre les membres du groupe.

La participation à la décision, à la définition des objectifs, à la résolution des problèmes au niveau du groupe entraîne une meilleure efficacité, car chacun se sent nécessaire et utile à l’organisation.

Grâce aux enquêtes qu’il a menées, LIKERT a distingué quatre styles de management:

  • Le style autoritaire qui se définit par une communication allant du haut vers le bas, des décisions émanant du sommet sans consultation, une forte centralisation, l’utilisation de la crainte et de la sanction comme moyen d’incitation entraînant un faible esprit d’équipe
  • le style paternaliste où le dirigeant utilise menaces et récompenses comme moyen de motivation; il y a peu de décentralisation sauf pour des décisions d’importance mineure, chacun défend ses intérêts personnels au détriment d’un véritable esprit d’équipe recherchant plutôt à se faire apprécier de la hiérarchie
  • le style consultatif qui se traduit par un faux semblant de participation à la décision; les subordonnés bien que consultés n’ont pas d’influence réelle, cependant le travail en équipe est encouragé, les communications sont à double sens, les employés semblent davantage motivés
  • enfin, le style participatif où le groupe contribue à la prise de décision, à la définition des objectifs, au règlement des conflits; le système de communication joue dans les deux sens, la coopération est forte et l’esprit d’équipe développé.

D’après ses résultats, LIKERT a conclu à la supériorité du style participatif, qui engendre des résultats économiques satisfaisants et une plus grande satisfaction des travailleurs. Un certain nombre de critiques portant sur cette conclusion, lui ont été adressées; elles soutiennent pour l’essentiel que d’une part, la prise de décision peut s’avérer lente, coûteuse et déresponsabilisant et d’autre part, que s’il est vrai que la satisfaction des travailleurs peut s’accroître, il est hasardeux de conclure que la productivité du travail en soit améliorée et que la qualité de la décision soit supérieure à celle proposée par exemple, par un expert.

McGregor s’inspirant du modèle de MASLOW sur les besoins humains, a adressé une critique très vive aux théories administrative et scientifique du travail, qui selon lui reposent sur une vision très particulière de la nature humaine qu’il développe dans sa théorie X.

Selon cette dernière, l’homme éprouverait une aversion pour le travail, serait paresseux et devrait être menacé de sanctions pour accomplir son travail; par ailleurs, il serait dépourvu d’ambition, fuirait les responsabilités, souhaitant être dirigé et préfèrerait la sécurité au changement.

Pour McGregor, ces théories supposent que l’homme n’a qu’un niveau de besoins, ce qui les conduit à considérer que le seul système de motivation est de nature économique, or l’homme a des niveaux de besoins supérieurs que l’organisation doit chercher à satisfaire pour le motiver.

Il développe alors une seconde théorie, la théorie Y, sur la nature humaine, opposée à la théorie X; selon cette théorie, l’homme n’est pas allergique au travail qui peut devenir source de satisfaction, il peut se diriger lui-même, rechercher les responsabilités, apporter à l’entreprise son potentiel de créativité, à condition que l’organisation mette en place les méthodes et instaure un cadre propices à la satisfaction de ses besoins propres, dans l’accomplissement des objectifs de l’entreprise.

Dans la même orientation, HERZBERG montrera que les facteurs qui contribuent à la satisfaction dans le travail sont ceux qui permettent un développement personnel.

Pour ARGYRIS les principes établis par l’école classique du management: unité de commandement, spécialisation… impliquent que les hommes soient soumis et dépendants, et ce, de plus en plus, lorsqu’on descend dans la hiérarchie.

Ce comportement a pour conséquence l’apparition d’attitudes telles que l’absence, le ralentissement des cadences, la syndicalisation… contraires aux intérêts de l’organisation et à son efficacité; l’organisation ne permet pas à ses membres d’atteindre le « succès psychologique » faute de leur donner la possibilité de développer leur efficacité personnelle dans le travail.

ARGYRIS propose donc un autre système d’organisation que l’organisation pyramidale qui conduit, en dehors de quelques cas très spécifiques à l’inefficacité. Cependant, et se démarquant en cela d’un grand nombre d’auteurs de l’école des relations humaines, il pense que pour être efficace, l’organisation doit aussi s’adapter à l’environnement avec lequel elle est en relation et il insiste sur les liens nécessaires entre l’approche sociologique et psychologique.

Or, parmi les critiques faites aux théories psychologiques, l’une d’entre elles est justement de trop privilégier le facteur humain dans l’organisation, au détriment d’autres facteurs.

D’autres critiques ont été portées à l’école des relations humaines. Certaines critiques sont de nature méthodologique et concerne soit les expériences réalisées, en particulier dans la mesure des variables représentant les satisfactions, le style de commandement, etc, soit encore le fait que la plupart des propositions ne soient pas testables, notamment quand elle revêtent un caractère éthique évident.

D’autres critiques portent sur le fait qu’il n’y a jamais d’étude des processus de conflits dans les organisations et que l’importance des facteurs externes comme explication des comportements individuels au sein des organisations soit occultée; cette dernière critique recouvre notamment celle d’ARGYRIS, déjà évoquée.

Enfin, l’école des relations humaines s’est surtout intéressée aux organisations industrielles et aux niveaux les moins élevés de la hiérarchie, ce qui limite singulièrement ses prétentions à constituer une théorie générale des organisations.

L’approche fonctionnaliste des organisations

L’école fonctionnaliste (ou systémique) trouve son origine dans la tradition sociologique. Elle constitue d’une certaine façon une réaction contre l’école des relations humaines qui a trop privilégié l’étude des individus aux dépens de l’analyse des structures des organisations.

Parmi les principaux auteurs de cette approche, on trouve notamment SELZNICK, PARSONS, ETZIONI, MERTON, BLAU et SCOTT et LITTERER. Bien que chacun de ces auteurs ait porté son attention sur des aspects différents des organisations, il y a une dominante commune dans leurs analyses, l’attention portée aux propriétés des structures organisationnelles et plus particulièrement aux processus formels de fonctionnement des organisations.

L’approche fonctionnaliste étudie la relation entre la structure et les procédures au sein des organisations et la société dans laquelle ces organisations évoluent. C’est notamment l’ambition de PARSONS, dans sa tentative de construction d’une théorie générale des organisations.

Pour lui, le problème consiste à intégrer les différents niveaux de l’analyse: les individus, les groupes et les organisations, avec celui de la société. Le problème central est celui de la survie des systèmes sociaux et les questions les plus intéressantes sont celles qui portent sur les modalités qui permettent aux systèmes sociaux de survivre et de se maintenir.

La problématique utilisée par les fonctionnalistes fait de larges emprunts à la théorie des systèmes physiques et biologiques pour expliquer l’adaptation des systèmes sociaux aux chocs internes ou externes et leur retour vers l’équilibre. Cette approche suscite cependant des critiques.

En particulier, les organisations sont considérées comme des individus et sont censées avoir des besoins et des objectifs propres. Par ailleurs, les fonctionnalistes privilégient l’étude de l’équilibre et du consensus et négligent la notion de conflit social.

Les approches de certains fonctionnalistes comme SELZNICK et PERROW apparaissent plus productives que l’analyse développée par PARSONS. Ils pratiquent une étude systématique des différences entre les divers types d’organisations, afin de rendre compte de leurs caractéristiques distinctives; ils cherchent notamment à répondre aux questions suivantes :

Comment les membres de l’organisation perçoivent-ils leurs tâches? Quel est le degré de contrôle du système? Quelles sont les contraintes liées à l’environnement?

Cette démarche reconnaît l’importance des liens entre les organisations et leur environnement; elle prend même en compte la possibilité pour les organisations d’avoir une action sur leur environnement.

Les théories contingentes des organisations

Contrairement aux théories administrative et scientifique du travail et à l’école des relations humaines, les théories contingentes insistent sur l’incidence des variables liées à l’environnement, sur le comportement des organisations.

Les premiers travaux qui reconnaissent cette incidence sont ceux de BLAUNER et de l’école du TAVISTOCK INSTITUTE avec EMERY et TRIST, qui insistent sur le rôle de la technologie dans la détermination des comportements organisationnels. Le rôle de la technologie est également mis en évidence de façon empirique, par WOODWARD.

Elle explique qu’une entreprise qui construit des prototypes ou qui fabrique des biens en petites séries ne réclame pas la même structure organisationnelle qu’une entreprise fabriquant des grandes séries. Elle définit trois types de technologies de production: unitaires ou par petites séries, grandes séries et production continue. D’après ses conclusions, le type de production influence le nombre de niveaux hiérarchiques et le degré de formalisation des procédures.

Par exemple, elle observe une hiérarchie moins développée pour les productions unitaires ou en petites séries; il y a une collaboration étroite entre le personnel réparti en petits groupes d’ouvriers spécialisés et leurs supérieurs et il existe moins de procédures formelles de contrôle que dans le cas des productions en grande série; on constate en outre, une plus grande initiative laissée aux ouvriers.

Elle insiste également sur l’importance relative des différentes fonctions dans l’entreprise en fonction du type de technologie. Ainsi, c’est la fonction de production qui prime pour la grande série, le marketing pour les productions de type continu et le développement pour les productions unitaires.

L’apport de BURNS et STALKER porte sur le lien entre le type de structure et la nature de l’environnement. Ils distinguent cinq types d’environnement, du plus stable au plus incertain. Le caractère plus ou moins stable s’explique par les changements de la technologie où les évolutions du marché où se situe l’entreprise.

L’observation des comportements des entreprises les conduit à définir deux systèmes d’organisation opposés; d’une part, le système mécanique qui convient pour un environnement stable et se caractérise par une assez forte spécialisation, une structure hiérarchique forte, une centralisation de la prise de décision, des procédures strictes; d’autre part, le système organique dans le cas d’un environnement incertain, qui nécessite une adaptation constante et passe par une organisation beaucoup moins formelle tant en ce qui concerne la répartition et la définition des tâches, les modes de coordination, de communication et de contrôle et par une plus grande décentralisation.

Plus récemment, LAWRENCE et LORSCH ont complété de façon très pertinente les travaux précédents. Ils montrent qu’à des environnements différents devraient correspondre des structures d’organisation différentes.

Par analogie, on peut considérer qu’une même entreprise ayant plusieurs activités devra adapter la structure de chacune de ses activités à son environnement spécifique. Mais LAWRENCE et système, celui-ci peut être divisé à son tour en sous-systèmes ou départements, par exemple, marketing, production…chacun d’entre eux pouvant être confronté à un sous environnement aux conditions particulières et exigeant alors pour chacun des sous systèmes, une forme d’organisation, elle-même particulière.

par exemple, décentralisation au niveau marketing, centralisation au niveau production. Ils ont mené une étude sur trois groupes d’entreprises appartenant à trois secteurs différents: chimie, emballage et alimentaire, qui présentent des différences sensibles en termes de stabilité et de prédictibilité de l’environnement.

Chaque entreprise ayant été divisée en trois sous systèmes: marketing, production-administration et recherche, ils ont analysé les différences d’organisation de chaque sous-système en fonction de quatre critères.

Ainsi, à sous-environnement semblable, on ne doit pas voir apparaître de différence d’organisation entre les sous-systèmes et inversement. Ayant mesuré le degré d’incertitude auquel était confronté chaque sous-système de chacune des entreprises et observé les structures d’organisation.

LAWRENCE et LORSCH ont pu montrer que les entreprises les plus performantes étaient celles dans lesquelles chaque sous-système avait une organisation conforme aux exigences de son propre environnement; c’est à dire qu’à une plus grande stabilité correspondait une organisation plus formelle et une plus grande orientation sur le court terme, des tâches très spécifiées et inversement.

Par ailleurs, ils ont également mis en évidence que les entreprises les plus performantes étaient celles qui avaient instauré des mécanismes de coordination entre sous-systèmes, permettant ainsi une plus grande intégration.

Les théories contingentes apportent un éclairage nouveau aux théories des organisations en cherchant à comprendre les raisons des correspondances entre le type d’environnement et la forme de la structure et le lien avec la performance. Sur ce dernier point, elles présentent un caractère normatif évident.

Les critiques qui leur sont adressées, portent sur l’absence de prise en compte des comportements des individus qui constituent l’organisation, notamment de la psychologie des dirigeants et de leur style de direction.

On peut aussi arguer que le jugement porté sur l’environnement relève de la perception et qu’à environnement identique, mais à perception différente, correspondraient des organisations elles-mêmes différentes, ce qui expliquerait que des entreprises différentes, opérant dans des mêmes secteurs d’activité puissent présenter des formes d’organisation différentes.

Les théories économiques des organisations

Même si on peut trouver quelques rudiments d’analyse des organisations chez des auteurs tels que Adam SMITH et Karl MARX, la théorie économique a longtemps considéré la firme et les organisations, comme des « boîtes noires ».

Ainsi, dans l’analyse néo-classique traditionnelle, la firme constitue une entité; les actionnaires ne sont pas distingués des dirigeants; l’objectif poursuivi est la maximisation du profit. En fait, la firme n’apparaît pas être un objet d’étude en soi; elle n’est qu’un élément permettant l’étude de l’équilibre du marché et la construction d’une théorie des prix.

L’organisation interne de la firme est supposée n’avoir aucun effet sur la décision; le comportement n’est influencé que par les conditions du marché. En outre, la firme est censée évoluer dans un environnement sans incertitude, où les agents possèdent une information parfaite sur l’état de la demande et sur les coûts.

Cette situation a profondément évolué au cours des trois dernières décennies, et il est difficile à l’heure actuelle d’ignorer les apports de l’analyse économique à la compréhension de l’existence et du fonctionnement des organisations.

Avant de présenter, les principaux courants de l’analyse économique préoccupés par l’analyse des organisations, il convient d’évoquer les premiers travaux qui se sont préoccupés d’expliquer l’existence même des firmes.

Le marché peut être considéré comme un type particulier d’organisation dont la fonction est d’allouer des ressources. Les entreprises et les organisations en général apparaissent alors comme des systèmes faisant concurrence au marché.

KNIGHT , justifie l’existence de la firme comme réponse à un environnement incertain, le rôle de l’entrepreneur étant d’assumer le risque. COASE propose une explication plus générale, en introduisant la notion de coût de transaction pour expliquer l’apparition des entreprises.

Pour COASE, la firme constitue un système d’allocation plus efficace que le marché, car elle permet d’internaliser certaines transactions et d’économiser des coûts de transaction, tels que les coûts de recherche d’information. Son hypothèse sera à l’origine d’une des théories les plus fécondes en matière d’explication des formes organisationnelles.

Par rapport aux théories décrites dans la première partie, les théories économiques présentent une plus grande homogénéité méthodologique, dans la mesure où sauf exception, elles participent de l’individualisme méthodologique.

L’organisation apparaît être un ensemble social d’individus dont les objectifs, les motivations, les ensembles d’informations et les obligations contractuelles diffèrent. Les théories s’opposent cependant quant aux hypothèses de rationalité qu’elles supposent.

Ainsi, si certaines reposent sur la représentation traditionnelle de la rationalité définie comme la maximisation individuelle d’une fonction d’utilité (avec ou sans incertitude), d’autres introduisent une notion différente de la rationalité, la « rationalité limitée » et substituent l’objectif de satisfaction (« satisficing ») à celui de maximisation.

Toutefois, cette divergence dans l’approche de la rationalité, n’est pas le seul critère qui permette de différencier les différentes théories économiques des organisations. L’objet initial de l’analyse peut constituer également un élément de différenciation; ainsi en est-il de la théorie économique de la bureaucratie ou de la théorie économiques du marché politique.

Ces théories, bien que s’étant fixées pour objectifs d’analyser les phénomènes et les institutions politiques et publiques, ont fourni des outils d’analyse utiles à la compréhension du fonctionnement de l’ensemble des organisations.

Les théories peuvent également se distinguer en fonction de l’élément d’analyse qu’elles privilégient; ce peut être la notion de coût de transaction, celle de droit de propriété ou la relation qui unit un mandataire à son mandant, dite relation d’agence.

Bien entendu, ces différentes théories n’évoluent pas de façon totalement indépendante, et il y a des emprunts entre les différents courants. Cependant à des fins de présentation, nous distinguerons cinq courants principaux: les courants managérial et behavioriste, le courant des coûts de transactions, les théories des droits de propriété et de l’agence et l’analyse économique de la bureaucratie.

Le courant managérial trouve son origine dans les analyses de BERLE et MEANS concernant notamment les conséquences de la séparation entre actionnaires (fonction de propriété) et dirigeants (fonction de direction).

La conséquence logique de cette séparation est la reconnaissance du conflit entre propriétaires et dirigeants et la contestation du critère traditionnel de maximisation du profit. Les analyses managériales posent également comme hypothèse, l’existence d’imperfections sur les marchés. Les principaux auteurs qui se rattachent à ce courant sont BAUMOL; MARRIS et WILLIAMSON.

BAUMOL démontre dans un marché de structure oligopolistique et sous certaines hypothèses et observations, notamment quant à la liaison entre le volume des ventes et la rémunération des dirigeants, que ces derniers cherchent à maximiser le chiffre d’affaires sous une contrainte de profit minimal, afin de satisfaire les actionnaires.

L’objectif alternatif proposé par MARRIS s’appuie sur les hypothèses formulées quant à la fonction d’utilité des dirigeants. Les arguments de cette dernière sont le taux de croissance de l’actif de la firme et le ratio d’évaluation (capitaux propres en valeur de marché/capitaux propres comptables).

La maximisation du taux de croissance se justifie car des éléments tels que le salaire, le pouvoir et le prestige sont souvent associés à la taille. L’introduction du ratio d’évaluation est censée représenter la recherche de la sécurité; un ratio satisfaisant permet d’obtenir plus facilement les financements nécessaires et d’éviter les prises de contrôle.

La démarche utilisée par WILLIAMSON est très proche, dans sa description des éléments qui déterminent l’utilité des dirigeants. Il met en exergue l’importance des éléments non-pécuniaires et introduit la notion de « expense preference », c’est à dire la préférence des dirigeants pour les dépenses discrétionnaires.

Comme les dépenses liées au statut du dirigeant dépendent le plus souvent de la taille, l’objectif sera également la recherche de la taille maximale. Toutefois, les dirigeants ne pourront poursuivre cet objectif que sous deux conditions, que la pression des marchés extérieurs ne soit pas trop forte et que les actionnaires soient insuffisamment informés et reçoivent un niveau satisfaisant de profits.

Les théories managériales conduisent donc à substituer d’autres objectifs à l’objectif traditionnel de maximisation du profit. Un tel apport peut paraître limité; cependant, l’intérêt de la démarche managériale dans l’optique de la théorie des organisations est de faire apparaître, d’une part une problématique des conflits entre actionnaires et dirigeants et d’autre part, l’influence des contraintes externes exercées par les marchés, marché des biens et marché des capitaux en particulier.

Toutefois, les déductions que l’on peut tirer de ces approches pour expliquer les structures internes des organisations sont quasiment inexistantes, mis à part les relations entre actionnaires et dirigeants.

La théorie béhavioriste et la rationalité limitée

La théorie béhavioriste élaborée principalement par CYERT et MARCH représente un changement de paradigme par rapport au référentiel néo-classique traditionnel. Il y a en effet rejet simultané du raisonnement hypothético-déductif et de la conception habituelle de la rationalité.

La théorie béhavioriste privilégie la méthode inductive qui s’appuie sur l’observation et sur la description des processus de décision internes aux organisations. Elle recourt en outre à la notion de rationalité limitée telle qu’elle a été formulée par SIMON qui prône également, la substitution de l’objectif de satisfaction (« satisficing ») à celui de maximisation.

La notion de rationalité limitée des individus est liée aux capacités limitées des individus dans la réception, le stockage et le traitement de l’information et dans la communication. La notion de « satisficing » est associée à celle de niveau d’aspiration, empruntée à la psychologie.

La théorie behavioriste représente la firme (et l’organisation) comme une coalition interactive de différents groupes d’individus aux objectifs conflictuels. La notion d’objectif joue un rôle clé au sein de la théorie. Seuls les individus ont des objectifs qu’ils cherchent à réaliser en association avec d’autres individus, dans des groupes organisés.

Les différents groupes se concurrencent afin de tirer le maximum de ressources de l’organisation. La théorie béhavioriste ne recourt donc pas à la réification de la notion d’organisation, mais s’appuie sur une vision de l’organisation comme coalition.

Cette conception lui permet d’insister sur les différences d’objectifs et de préférences entre les différents groupes et de décrire les processus de résolution des conflits, nécessaires à la prise de décision.

Les différents objectifs identifiés par CYERT et MARCH pour une firme sont a) les objectifs de stocks, b) les objectifs de production, c) les objectifs de vente, d) les objectifs de parts de marché et e) les objectifs de profit.

La réalisation de ces objectifs implique une concurrence entre différents groupes et des conflits. La priorité accordée à un objectif particulier dépend en fait du pouvoir du groupe auquel il est associé.

Ainsi, on assiste à une hiérarchie changeante des objectifs en fonction de l’évolution de la distribution du pouvoir et de la structure hiérarchique à l’intérieur de la firme. Le concept de niveau d’aspiration précédemment évoqué est intimement lié à la notion d’objectif, puisqu’il représente en quelque sorte, le niveau à atteindre pour chaque objectif.

Les différents niveaux d’aspiration permettent de déterminer et de réguler le comportement des différentes activités de l’organisation. Ils sont révisés périodiquement en fonction de la performance réalisée au cours des périodes précédentes.

La stabilité de ce type de système très conflictuel est assuré par le « jeu organisationnel »(« organisationnal slack ») qui peut se définir comme l’excédent existant entre les ressources disponibles et les ressources nécessaires au maintien des individus dans l’organisation.

Il s’agit en fait d’une « réserve » de ressources constituée pendant les périodes favorables et qui permet de faire face aux exigences des membres de l’organisation en phase de récession. Le « jeu organisationnel » permet ainsi de résoudre les conflits.

L’analyse de CYERT et MARCH porte également sur les modalités de la prise de décision des dirigeants en situation d’incertitude toujours en s’appuyant sur les travaux de SIMON. En particulier, ils insistent sur les conséquences du caractère séquentiel de la prise de décision et sur le caractère incertain de l’environnement.

Ainsi, la hiérarchisation des objectifs au travers de l’ordre des décisions peut constituer un moyen de résolution des conflits. Par ailleurs, le recours à des règles de choix simples et à des procédures standardisées, accompagné d’ajustements progressifs et ponctuels, peut être analysé comme une méthode de gestion de l’incertitude plus efficace que l’utilisation de règles complexes.

En résumé, les caractéristiques fondamentales de cette approche sont les suivantes: (1) le « satisficing » (2) la rationalité limitée (3) la multiplicité des objectifs (4) la considération séquentielle des objectifs (5) le feed-back (6) les procédures opérationnelles standardisées (7) la résistance au changement (8) la coalition pour résoudre les conflits (9) le jeu organisationnel pour stabiliser la coalition et (10) maintenir la viabilité.

LEIBENSTEIN critique et prolonge l’analyse béhavioriste. Les deux éléments qui lui paraissent essentiels pour analyser le fonctionnement interne des organisations sont le recours aux coalitions pour résoudre les conflits et le jeu organisationnel pour stabiliser les coalitions, mais il critique l’absence de véritables théories de détermination des objectifs et de résolution des conflits entre objectifs.

Il propose alors la théorie de l’efficience X qui s’appuie sur cinq éléments: (1) la rationalité sélective, (2) l’individu comme unité de base de l’analyse (3) l’effort discrétionnaire (4) la zone d’inertie (5) l’entropie organisationnelle.

La rationalité sélective exprime l’idée que les individus choisissent en fonction de leurs valeurs propres et de la contrainte exercée par l’environnement, l’écart par rapport au comportement de maximisation.

La notion « d’effort discrétionnaire » est liée au caractère incomplet des contrats souscrits par les membres d’une organisation, ce qui permet à un membre du personnel par exemple de « mesurer » son effort. La notion de zone d’inertie permet de rendre compte des phénomènes d’inertie dans l’effort fourni par un individu.

Enfin, la notion d’entropie organisationnelle rend compte de la tendance vers la désorganisation entraînée par le fait qu’à terme, l’individu va ajuster son effort au détriment des intérêts de l’organisation.

Les critiques qui ont été portées à l’approche béhavioriste sont nombreuses. Elles portent notamment sur le caractère descriptif du modèle et sur la difficulté de cerner précisément certains concepts, en particulier celui de coalition.

L’approche en outre, manque le plus souvent de rigueur et ne permet pas de prendre en compte des notions évidence des points fondamentaux, tels que le concept de coalition, le problème de fixation des objectifs collectifs et le rôle dominant des individus qui contrôlent le processus de décision.

Coûts de transactions, marchés et hiérarchies

L’introduction à l’analyse économique des organisations nous a permis de rappeler l’explication proposée par COASE à l’existence de la firme, à savoir que celle ci constitue une organisation plus efficace que le marché en permettant d’économiser des coûts de transaction.

Toutefois, la justification de cet argument et son utilisation pour étudier les organisations sont principalement dues à WILLIAMSON qui a développé une théorie du développement des formes organisationnelles internes.

D’une certaine façon, la démarche de WILLIAMSON occupe une place particulière dans l’approche économique des organisations, car elle constitue la résultante de courants très divers. Ainsi, on trouve à l’origine de ses analyses des auteurs aussi variés que COASE, COMMONS, HAYEK, SIMON, ARROW, BARNARD et CHANDLER.

La notion de coût de transaction qui est au centre de l’analyse de WILLIAMSON, recouvre l’ensemble des dépenses entraînées par le contrat qui définit le transfert de propriété entre individus ou entre organisations.

Ces coûts sont fonction du comportement des individus participant à la transaction et des propriétés objectives du marché. Le comportement est régi par deux principes fondamentaux: la rationalité limitée empruntée à SIMON et l’opportunisme, qui implique la recherche de l’intérêt propre, éventuellement en adoptant une attitude malhonnête.

Les propriétés objectives du marché (« les failles ») qui conduisent dans certains cas à internaliser les activités, sont l’incertitude et des relations d’échange en « petit nombre ».

WILLIAMSON à partir de ce cadre, établit les conditions pour lesquelles les organisations sont plus avantageuses que les marchés et recherche les formes d’organisation les plus efficientes, autrement dit, celles qui permettent de minimiser les coûts. Cette recherche d’une structure optimale de la firme a également été pratiquée sois une forme proche par CHANDLER.

WILLIAMSON distingue deux formes organisationnelles principales- la forme unifiée (forme U) et la forme multidivisionnelle (forme M). Dans la forme U, chaque unité opérationnelle accomplit une fonction spécialisée (ventes, finance, production, personnel…) pour l’ensemble des lignes de produits de la firme.

Au contraire, dans la forme M, la structure est composée de divisions (ou de quasi-firmes) qui accomplissent l’ensemble des fonctions spécialisées pour un produit unique. Chaque division est responsable envers la direction générale qui répartit les ressources entre les différentes divisions.

L’adoption de la forme U pour une entreprise en expansion pose différents problèmes :

Premièrement, le développement entraîne des pertes de contrôle et donc d’efficacité.

Deuxièmement, la croissance implique la création de niveaux hiérarchiques supplémentaires et donc une moins bonne circulation et un contrôle moins efficace de l’information, ce qui provoque une altération du processus de prise de décision stratégique.

Troisièmement, plus la taille s’accroît, plus les décisions tendent à dépendre du pouvoir des directeurs fonctionnels. Il y a des difficultés de plus en plus grandes pour apprécier les performances et les dirigeants ont tendance à négliger les objectifs globaux de la firme au profit de ceux de leur propre fonction.

Enfin, par suite de la complexité et de la lourdeur croissante des tâches, les dirigeants ont tendance à négliger les décisions stratégiques au profit des décisions opérationnelles.

L’ensemble de ces dysfonctionnements conduit à rechercher une structure alternative permettant un contrôle plus efficace.
Cette structure est constituée par la forme multidivisionnelle, organisée en fonction des lignes de produits. Chaque division est responsable d’une ligne de produits et s’organise elle-même de façon fonctionnelle.

Cette organisation permet aux dirigeants de consacrer leur temps aux décisions stratégiques et d’éviter de privilégier une fonction particulière. En outre, les dirigeants qui relèvent de la direction générale sont aidés d’une équipe spécialisée (« staff ») dont la fonction est de contribuer à la préparation des décisions stratégiques.

La forme M permet également de juger plus facilement des performances respectives des différentes divisions en organisant chacune d’entre elles comme un centre de profit.

WILLIAMSON pose par ailleurs, trois principes explicatifs des frontières entre la firme et le marché: principe de spécificité des actifs, principe d’externalité et principe de décomposition hiérarchique.

Les deux premiers principes permettent d’appréhender le partage des activités entre firmes. Le caractère plus ou moins spécifique d’un actif conduit à une intégration verticale plus ou moins accentuée, afin d’éviter la dépendance par exemple, vis-à-vis d’un fournisseur.

Le principe d’externalité considère l’incidence des externalités entraînées par des activités conjointes, où la performance de la firme est conditionnée par l’activité du cocontractant et où il est difficile de répartir de façon satisfaisante les gains ou les coûts entre les partenaires.

L’existence de telles externalités entraîne la mise en place de systèmes contractuels plus contraignants. Enfin, le principe de décomposition hiérarchique concerne la structure interne de la firme et conduit à recommander la mise en place de sous-systèmes opérationnels suffisamment autonomes.

L’apport de WILLIAMSON est important à plusieurs égards. Tout d’abord, il porte l’attention sur la notion de performance relative des différents types d’organisation.

Ensuite, il met en évidence différents paramètres organisationnels essentiels, tels que, l’intéressement des dirigeants, la spécification des contrats, le problème de « décomposabilité » des objectifs et la séparation des décisions stratégiques et opérationnelles. Les principes d’organisation qu’il a dégagés s’appliquent aussi bien aux organisations privées que publiques.

Théorie des droits de propriété et théorie de l’agence

La théorie des droits de propriété a pour but de comprendre le fonctionnement des différentes organisations à partir de la notion de droit de propriété et d’expliquer leur efficacité relative.

Elle trouve son origine principalement dans les travaux de ALCHIAN, DEMSETZ, FURUBOTN et PEJOVICH. Le cadre d’utilité qui comprend d’autres arguments que le profit, dans le cadre de structures qui leur sont imposées; l’information n’est pas parfaite et les coûts de transaction ne sont pas nuls.

La notion de droit de propriété est définie par PEJOVICH « Les droits de propriété ne sont pas des relations entre les hommes et les choses mais des relations codifiées entre les hommes qui ont rapport à l’usage des choses ».

Un droit de propriété n’est complet que s’il remplit deux conditions: l’exclusivité et la transférabilité. L’exclusivité implique une liberté entière dans l’utilisation des actifs possédés, ainsi que leur contrôle total.

La transférabilité se traduit par une possibilité d’échange qui ne dépend que de l’acheteur et du vendeur. Dans la mesure où l’économie de marché est fondée sur la liberté des échanges et respecte pleinement les droits de propriété, elle permet à chaque agent de maximiser son utilité et elle représente un système économique optimal.

L’ensemble des systèmes économiques réels comportent cependant des facteurs qui limitent les droits de propriété, que ce soit sous forme de règles juridiques ou de coûts de transaction.

La théorie des droits de propriété va donc étudier les conséquences de l’atténuation des droits de propriété notamment quant à leur efficacité dans l’allocation des ressources, ce qui conduira certains auteurs à comparer l’efficacité respective des formes organisationnelles suivantes: la firme réglementée, la firme managériale, les mutuelles et les coopératives, la firme publique, la firme socialiste et la firme autogérée.

Ainsi, par exemple dans la firme managériale, il existe une séparation entre les dirigeants et les actionnaires. Les dirigeants peuvent gérer selon des principes contraires aux intérêts des actionnaires, qui ont intérêt à mettre en place des systèmes de contrôle entraînant des coûts. Il y a atteinte à l’exclusivité des droits de propriété, et la firme managériale est censée être moins efficace que la firme néo-classique traditionnelle.

L’apport de la théorie des droits de propriété à la compréhension de la structure et au fonctionnement des organisations apparaît limité dans la mesure où l’essentiel de l’analyse va porter sur les rapports entre propriétaires et dirigeants. La théorie de l’agence peut être interprétée d’une certaine façon, comme une généralisation de la théorie des droits de propriété.

La base de l’analyse n’est pas le droit MECKLING définissent une relation d’agence comme un contrat dans lequel une (ou plusieurs personnes), le principal a recours aux services d’une autre personne, l’agent pour accomplir en son nom une tâche quelconque, ce qui implique une délégation de nature décisionnelle. Ils soulignent cependant que la relation de subordination n’est pas une condition nécessaire et que la définition peut s’appliquer à toute relation de coopération.

La théorie repose sur deux hypothèses comportementales:

D’une part, les individus maximisent leur fonction d’utilité; d’autre part, ils sont capables d’anticiper rationnellement et sans biais l’incidence des relations d’agence sur la valeur de leur patrimoine.

En conséquence, les individus dans leurs activités coopératives vont chercher à profiter des failles des contrats liées à l’incertitude et au non observabilité pour maximiser leur utilité, éventuellement aux dépens des autres agents. Ce comportement opportuniste induit des coûts d’agence (coûts de surveillance, d’obligation et pertes résiduelles) que les agents vont rechercher à minimiser par l’établissement de contrats appropriés.

On peut distinguer de façon un peu caricaturale deux courants à l’intérieur de la théorie de l’agence: le courant normatif et le courant positif.

La théorie normative très formalisée, cherche à partir de modèles fondés sur des hypothèses portant sur les structures de préférences, les structures d’information et la nature de l’incertitude à étudier le partage optimal du risque entre agents, les caractéristiques des contrats optimaux et les propriétés des solutions d’équilibre selon la problématique de l’équilibre général.

Même si le cadre retenu peut souvent être considéré comme simpliste encore qu’il se complique singulièrement dans les développements plus récents, les résultats obtenus par la théorie normative sont très importants pour appréhender les phénomènes de contrôle, de hiérarchie, d’incitation et d’information au sein des organisations.

Les préoccupations et la méthodologie de la théorie normative apparaissent différentes. Elle ne cherche par à définir la forme des contrats optimaux mais plutôt à expliquer le comportement réel des organisations.

Les variables qu’elle privilégie sont les méthodes de contrôle; elle accorde en outre une importance primordiale aux phénomènes de marché. La théorie s’appuie par ailleurs sur une conception particulière de la firme empruntée notamment à ALCHIAN et DEMSETZ; la firme apparaît comme « un marché privé », « un nœud de contrats », une fiction légale servant de lieu de réalisation d’un processus complexe d’équilibre entre les objectifs conflictuels d’individus à l’intérieur d’un cadre de relations contractuelles.

Ce type de représentation conduit à la limite à nier la notion même d’organisation. A partir de cette conception contractuelle des organisations et en ayant recours au principe de sélection naturelle, FAMA et JENSEN (proposent une théorie des formes organisationnelles privées.)

Les formes organisationnelles sont en concurrence et celles qui survivent sont celles qui permettent de minimiser les coûts d’agence. L’analyse s’appuie sur l’étude des contrats considérés comme principaux, c’est à dire les contrats qui spécifient la nature des « créances résiduelles « (les droits au profit) et l’allocation des étapes du processus de décision entre agents.

Cette problématique permet de comprendre l’existence et le fonctionnement d’un ensemble de formes organisationnelles: firme individuelle, firmes managériale, sociétés de profession libérales, mutuelles, associations à but non lucratif…

Elle permet également de confirmer les conclusions issues du courant de la théorie des droits de propriété, dans la comparaison de l’efficacité des organisations privées et publiques.

Les perspectives apportées par la théorie positive de l’agence sont particulièrement importantes dans le domaine de la compréhension des formes juridiques des organisations et des systèmes de contrôle des dirigeants.

Cependant, les principaux résultats actuels concernent essentiellement les rapports propriétaires/dirigeants; les apports restent faibles dans la compréhension du fonctionnement interne des organisations, où les analyses du courant normatif sont plus productives, notamment dans la compréhension des phénomènes hiérarchiques.

L’analyse économique de la bureaucratie

Les organisations bureaucratiques ont attiré très tôt l’attention des théoriciens des organisations, en particulier des sociologues, le développement de l’analyse économique étant plus récente.

Avant de présenter les principaux apports de la théorie économique de la bureaucratie, il convient de préciser le sens du terme bureaucratie.

On retiendra une définition très générale du terme: « une bureaucratie est un type d’organisation formelle, caractérisée par une hiérarchie administrative complexe, une spécialisation des compétences et des tâches, des limites discrétionnaires établies par un ensemble de règles et un comportement impersonnel vis à vis des consommateurs ».

Cette définition peut s’appliquer aussi bien aux bureaucraties privées qu’aux bureaucraties publiques qui constituent cependant l’objet d’étude privilégié de l’analyse de la bureaucratie. Précisons en outre, que l’apport de cette branche de l’économie est de deux ordres.

Premièrement, l’Etat et les organisations publiques constituent des formes d’organisation particulièrement développées dans les économies actuelles; une théorie des organisations qui les ignorerait, se disqualifierait d’elle-même.

Deuxièmement, les services rendus par l’Etat sont le plus souvent de nature collective et sont non marchands; il est intéressant d’examiner le problème de la nature des organisations publiques en liaison avec cette nature de services.

Enfin, les approches élaborées par les économistes de la bureaucratie permettent d’apporter des éclairages enrichissants pour l’analyse des organisations privées, notamment des bureaucraties.

L’origine des analyses de la bureaucratie est sociologique et se situe chez Max WEBER qui a proposé un modèle de la bureaucratie dont les composantes étaient les suivantes: la hiérarchie, la division du travail, la présence de règles, la présence de procédures, le caractère impersonnel et la compétence technique.

L’approche de WEBER est normative, il a cherché à définir un ensemble de principes permettant de définir le type « idéal » de l’organisation efficace.

Les premiers économistes qui se sont penchés sur l’analyse de la bureaucratie ont considéré les bureaucraties étatiques et ont adopté une attitude critique. Adam SMITH, explique l’inefficacité des fonctionnaires en s’appuyant sur deux idées: la recherche l’administration. Cette condamnation sera reprise par Karl MARX.

Cependant la première analyse économique approfondie de la bureaucratie se situe chez Von MISES, dont la critique repose sur le fait que les services rendus par les bureaucrates échappant à la sanction du marché, ne sont pas soumis à un contrôle efficace. Cette absence de contrôle conduit d’une part à un gaspillage, et d’autre part à une perte de liberté des consommateurs, dans la mesure où les activités publiques s’étendent.

La critique initiée par Von MISES sera reprise de façon plus scientifique par le courant du « Public Choice » dont les principaux membres sont BUCHANAN, TULLOCK, NISKANEN, BRETON…et dont l’objectif a été de démontrer qu’il n’y avait pas de situation où la gestion de l’Etat soit supérieure à la gestion privée.

En conséquence, il fallait rejeter toute intervention de l’Etat. L’hypothèse première de l’analyse est que les individus recherchent la maximisation de leurs intérêts privés. La démarche pour l’essentiel s’articule autour de deux propositions.

Premièrement, la demande de services publics n’est pas fondée sur l’intérêt général et a tendance à être gonflée. Cette proposition trouve sa justification dans le fait que les services publics sont financés par l’impôt payé par l’ensemble des citoyens, alors que les bénéficiaires constituent des groupes particuliers.

Ces derniers ont donc tout intérêt à s’organiser pour profiter au maximum des services publics; inversement, comme l’impôt est payé par l’ensemble de la collectivité, la résistance au développement des dépenses publiques sera faible.

Deuxièmement, l’offre de services publics est au service d’intérêts particuliers et tend également à être gonflée. Les bureaucrates ont tout intérêt à accroître l’offre de services publics (accroissement des ressources contrôlées) ce qui sera d’autant plus aisé que les contrôles sont peu efficaces.

La conclusion est que la production de services publics est déterminée par la poursuite de l’intérêt privé, par des groupes aux objectifs divergents et que cela entraîne un gaspillage social.

Bien entendu, l’analyse économique de la bureaucratie est intimement liée à l’analyse du marché politique dans la mesure où le contrôle des bureaucrates, les choix économiques de l’Etat et l’impôt dépendent des hommes politiques.

Afin d’appréhender l’apport de l’analyse économique de la bureaucratie à la théorie des organisations, il convient de faire un bref tour d’horizon des principaux modèles.

Le modèle de NISKANEN s’appuie sur une vision extrême du bureaucrate, qui profitant du laxisme des procédures de contrôle publiques, est considéré comme détenant un monopole, tant du point de vue des produits ou des services offerts, que de l’information.

Ce modèle conduit à conclure à une surproduction bureaucratique et dans certaines conditions de demande à des dépenses improductives. Pour NISKANEN, la conclusion est que seule la concurrence entre bureaux peut atténuer les effets nocifs de la bureaucratie.

La démarche proposée par BRETON se distingue sur deux points du modèle précédent.

Premièrement elle introduit le marché politique et les rapports entre électeurs et élus. Les électeurs cherchent à maximiser leur utilité par d’autres voies que le marché traditionnel; quant aux politiciens, ils cherchent également à maximiser leur fonction d’utilité qui comporte deux arguments principaux, la probabilité de se faire réélire et les avantages liées à la fonction: revenu, prestige, etc.

Les politiciens ont pour rôle de déterminer la quantité de services publics offerts, et les budgets, mais ils se heurtent aux objectifs propres des bureaucrates, qui disposent d’un accès privilégié à l’information et qui peuvent aisément manipuler l’information transmise à l’échelon politique.

Pour remédier à la perte et à la déformation de l’information, les politiciens peuvent mettre les bureaux en concurrence où rémunérer les bureaucrates de façon à obtenir l’information correcte; ces mesures entraînent des coûts et l’optimum organisationnel résultera d’un arbitrage entre les gains et les coûts. BRETON analyse les relations entre les électeurs, les politiciens et les bureaucrates.

Selon l’importance des coûts de participation, les rapports de force sont différents et le pouvoir des bureaucrates dépend de la répartition du pouvoir entre les trois partis; il apparaît cependant plus faible que dans l’hypothèse du monopole. Les modèles de la bureaucratie mettent en évidence un ensemble d’effets pervers responsables de la mauvaise efficacité du secteur public:

surproduction, caractère discrétionnaire du système budgétaire, surutilisation du facteur travail, clientélisme politique et tendance à l’autodéveloppement.

Les analyses précédentes confirment l’importance de différents points déjà évoqués dans l’analyse des organisations. On retrouve les problèmes liés aux droits de propriété, les problèmes d’agence (entre électeurs et politiciens, entre politiciens et bureaucrates…), d’asymétrie d’information et de contrôle.

Cependant, les conclusions qu’on peut tirer quant aux implications de l’analyse pour la compréhension des structures internes des bureaucraties et de leur fonctionnement restent très superficielles et il convient de rapporter les analyses plus récentes de BRETON et WINTROBE.

Les travaux de WINTROBE portent sur la structure formelle des bureaucraties (publiques et privées). Il démontre que le degré d’efficacité d’une bureaucratie est fonction des variables suivantes: coût du contrôle, salaires des employés, organisation du travail et taille. Il parvient en outre à la conclusion que chaque fois que des subordonnés disposent d’un pouvoir discrétionnaire, ils le mettent à profit soit pour poursuivre leur intérêt propre aux dépens de ceux de leurs supérieurs, soit pour concourir à la réalisation des objectifs des supérieurs (en vue d’une récompense).

Cependant, dans ce modèle, les éléments de contrôle et d’incitation dont disposent la hiérarchie restent attachés à la structure formelle. Les études de BRETON et WINTROBE vont au delà de cette première approche en intégrant dans l’analyse la structure informelle.

Le modèle de comportement bureaucratique auquel ils parviennent s’appuie sur deux principes fondamentaux: la concurrence interne et la loyauté (ou la confiance).

La concurrence à l’intérieur de la bureaucratie concerne soit les bureaux dans leur lutte pour obtenir des ressources, soit les bureaucrates dans leur rivalité pour accéder à des postes ou obtenir le droit d’être membre de certains réseaux.

La loyauté intervient pour permettre à l’organisation de fonctionner correctement, pour « mettre de l’huile dans les rouages ». En son absence, le fonctionnement serait troublé par des phénomènes courants tels que les faux bruits, la mauvaise volonté, le manque de flexibilité, etc.

Le phénomène de loyauté s’explique par le fait de l’existence de transactions informelles entre les supérieurs et les subordonnés. Les supérieurs « achètent » les services informels que peuvent leur rendre les subordonnés, en leur promettant par exemple une promotion plus rapide ou divers avantages non-pécuniaires.

Ce marché des transactions informelles ne fonctionne que grâce à la loyauté ou à la confiance entre les membres de l’organisation. Les relations de confiance existent également entre subordonnés de même niveau hiérarchique et on est conduit à distinguer deux types de réseaux de confiance: les réseaux de confiance verticaux (entre supérieurs et subordonnés) et les réseaux de confiance horizontaux (entre subordonnés).

La thèse de BRETON et WINTROBE consiste alors à démontrer que les réseaux verticaux renforcent l’efficacité de l’organisation, alors que celle des réseaux horizontaux la diminue.

Par ailleurs, ils supposent que les réseaux verticaux offrent des gains de productivité marginale décroissants, au contraire des réseaux horizontaux qui entraîneraient des pertes de productivité marginale croissantes. Une telle hypothèse impliquerait à terme une tendance irrémédiable au déclin pour les organisations. Le lien avec l’étude de la structure de l’organisation se fait par l’intermédiaire des réseaux verticaux et horizontaux.

Les organisations ont tout intérêt à inciter les subordonnés à investir dans les réseaux de confiance verticaux (systèmes de promotion, attributions d’avantages non pécuniaires,…) et à les dissuader de constituer des réseaux horizontaux (politique de mutations, réorganisations,…) BRETON et WINTROBE appliquent leur analyse à l’étude de différents types d’organisation tels que la firme japonaise, ou le système soviétique.

Conclusion

A la suite de ces différents développements, il est difficile de ne pas ressentir un malaise devant la diversité méthodologique des différentes approches et le caractère hétéroclite des conclusions établies. Certaines théories apparaissent purement normatives, d’autres ont une vocation scientifique beaucoup plus affirmée.

Les organisations sont considérées soit comme des agrégats d’individus aux objectifs conflictuels, soit comme des entités ayant leurs propres buts.

Même si nous avons nos propres préférences, nous ne trancherons pas entre ces différentes approches, nous réfugiant dans un pluralisme méthodologique de façade, en considérant que chaque théorie peut contribuer de façon productive à une meilleure compréhension du comportement et du fonctionnement des organisations.

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