Comment faire travailler ensemble différents corps de métiers pour construire une maison ? Comment fabriquer les produits dont le public a besoin ? Comment distribuer des biens achetés sur un site marchand ? Comment financer l’achat d’un appartement ?
Toutes les activités de la vie quotidienne, qu’ils s’agissent d’activités professionnelles ou personnelles nécessitent de faire des choix, de regrouper des moyens, de les articuler et de les coordonner, de suivre et de contrôler les résultats des actions entreprises pour atteindre un objectif.
Dès qu’une communauté humaine a dû faire face à des ressources limitées par rapport à ses besoins, à des dangers, dès que les hommes ont dû maîtriser un environnement plus ou moins hostile et inconnu, il a fallu trouver des formes de coopération, donc d’organisation, pour réaliser les actions leur permettant de se nourrir, de se protéger, de survivre, plus généralement de satisfaire leurs besoins.
L’humanité a dû inventer des techniques pour dominer l’environnement et organiser les actions afin de faire « fonctionner » la collectivité et la maintenir en vie de manière acceptable.
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Au fur et à mesure du développement des civilisations, dans toutes les parties du monde, les organisations sont devenues de plus en plus ingénieuses, complexes, diverses, qu’il s’agisse d’organisation éphémère ou durable, individuelle ou collective, locale ou globale. Pour les faire vivre, il faut donc les gérer.
Ainsi, il apparaît que le développement de sla vie des hommes, depuis des milliers d’années, est lié au fait organisationnel. Il s’agit donc de distinguer, de définir et d’analyser ce que sont aujourd’hui les organisations.
Table de matières
Qu’est-ce que l’organisation ?
De manière immédiate et appliquée à la gestion, trois sens peuvent être attribués au mot organisation.
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Sens 1 : l’activité d’organiser, qui consiste notamment à élaborer une structure, des procédures, un ordre propre au système.
Sens 2 : l’organisation est le cadre que représente pour ses membres l’état d’un système après l’acte d’organiser, notamment en termes de structures et de culture.
Sens 3 : l’organisation est une institution sociale en tant que système organisé.
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L’organisation regroupe tout ce qui crée de l’ordre dans un système sociotechnique ou sociétal.
Cet ordre suppose :
- l’orientation du système vers un but, vers des résultats,
- un cadre de référence comportemental,
- une identité spécifique au système,
- un fonctionnement interne propre.
Mais le mot organisation est utilisé dans d’autres domaines que celui de la gestion.
Ainsi pour Edgar Morin :
« Qu’est-ce que l’organisation ? En première définition : l’organisation est l’agencement de relations entre composants ou individus qui produit une unité complexe ou système, dotée de qualités inconnues au niveau des composants ou individus. L’organisation lie de façon inter relationnelle des éléments ou événements ou individus divers qui dès lors deviennent les composants d’un tout. Elle assure solidarité et solidité relative à ces liaisons, donc assure au système, une certaine possibilité de durée en dépit des perturbations aléatoires. L’organisation donc : transforme, produit, maintient ».
Jean-Louis Beaugrand définit l’organisation comme une
« structuration des rapports entre les Hommes, rapports de coopération et d’échange, ou bien encore rapports de subordination et d’autorité. L’organisation du travail c’est unir les forces, répartir les activités, relier les taches entre elles, coordonner l’ensemble et lui donner un sens. L’organisation du travail est un multiplicateur d’efficacité ».
Pour Espinasse (2017), l’organisation, est :
- à la base de l’action collective ;
- c’est un système social organisé pour atteindre des objectifs ;
- Elle se caractérise ainsi par :
- un ensemble d’individus : participants, acteurs ;
- un accord, implicite ou explicite, sur un ou plusieurs objectifs partagés par lesdivers participants ;
- une division du travail, définissant le rôle de chaque participant ;
- une coordination plus ou moins formalisée, qui assure la cohérence des comportements et donc le respect des objectifs communs en dépit de la division du travail.
La nécessité d’organiser toutes les activités
Toute action d’une certaine ampleur ne peut se faire sans un minimum d’organisation, soit parce que les actions à exécuter sont nombreuses et doivent être réalisées dans un certain ordre, soit parce que plusieurs individus (ou plusieurs services) doivent collaborer pour réaliser une même opération.
exemple
Pour effectuer ses livraisons, le chauffeur dresse une liste des clients à servir pour ne pas oublier certaines marchandises et/ou éviter de faire des allers-retours inutiles et coûteux. Préparer une liste de livraison est un acte d’organisation.
Dès que l’action comporte une certaine complexité en termes de nombre et de diversité des tâches et/ou des acteurs, deux exigences fondamentales mais contradictoires doivent être satisfaites :
- diviser le travail global en tâches plus élémentaires, ce qui implique de spécifier les tâches et de spécialiser les moyens employés ;
- coordonner les tâches ainsi divisées pour que l’action globale souhaitée se réalise, ce qui implique de donner une finalité commune à l’emploi des moyens.
Organiser, c’est donc diviser et coordonner.
Cette nécessité contradictoire existe pour tout ensemble finalisé : une entreprise, l’armée, une association sans but lucratif, un club sportif, etc.
Tout ensemble finalisé a donc besoin d’une organisation, c’est-à-dire d’un instrument lui offrant un cadre, une structure pour fonctionner, pour vivre. Sur le plan étymologique, « organiser » veut dire « rendre apte à la vie ».
Il ressort bien que la « finalité » (par exemple faire de l’escalade) préexiste à l’organisation (c’est-à-dire ici créer un club d’escalade). À ce titre, le fait de créer une organisation est un acte de direction et non d’organisation.
Dans un atelier, un opérateur perce des trous dans une tôle selon un schéma et une méthode (objets organisationnels) qui font qu’il n’y a aucune incertitude quant à l’adéquation du percement par rapport aux besoins de l’opérateur du poste suivant qui lui va fixer une pièce prévue à cet endroit.
Aujourd’hui, on utilise le terme d’organisation pour designer toute forme d’entité (toute taille, toute forme juridique) aux objectifs variés, qui souhaite coordonner des actions : un hôpital, une université, une entreprise de fabrique de verre, un hôtel, un salon de coiffure, une mairie, une ONG, sont des organisations.
Remarque
Selon des approches spécifiques de l’entreprise, différents termes sont employés : firme, société, entreprise, institution ; afin de répondre aux besoins contemporains du management, la notion d’organisation est aujourd’hui privilégiée.
Les justifications théoriques de l’apparition des organisations
Différentes analyses ont été conduites pour expliquer l’apparition des organisations comme une nécessité pour résoudre différentes problématiques.
- Une explication classique de l’existence des organisations par la technologie (Dobb, Alchian et Demetz) : les contraintes techniques et de coûts de la fonction de production obligent à la constitution de lieux de rassemblement de machines (inséparabilité technologique). Ce sont les contraintes techniques qui obligent à une forme d’organisation dépassant le cadre de groupes sociaux traditionnels.
- Une explication de l’existence des organisations, en tant qu’entreprises, par le goût du risque (Knight) : certains individus sont capables d’assumer la prise de risques et de créer des entreprises dont les activités peuvent dégager des bénéfices. Les formes organisationnelles sont mises en place pour assurer la prise en charge du risque.
- Une explication de l’existence des organisations comme une alternative au marché (thèse de Coase, prix Nobel d’économie en 1993) : l’existence des coûts de transaction inhérents à l’utilisation des marchés pousse à créer des organisations pour réduire ces coûts et pour réduire les incertitudes liées aux transactions (garantie de qualité, tenue des délais, etc.).
L’organisation, en élaborant d’autres mécanismes d’allocation des ressources, est alors analysée comme une solution préférable au marché (dans certains cas) dont le fonctionnement est trop coûteux (et trop incertain) en termes de temps de recherche d’information, de négociation, de surveillance des contrats, par exemple.
- Une explication de l’existence des organisations comme réducteur d’incertitude : dans la lignée des analyses de Coase, l’organisation peut être vue comme un moyen de réduire les incertitudes tant celles nées des transactions sur un marché que celles dues à une absence de coordination des tâches à l’intérieur d’une entité.
Les différentes approches possibles des organisations
Il est possible d’appréhender les entreprises en général sous plusieurs angles différents, chacun se focalisant sur ses aspects particuliers.
L’organisation est un lieu de production
Historiquement, la production est la première fonction à avoir été mise en évidence. Il est possible de considérer l’entreprise comme une unité de fabrication (la localisation peut être répartie sur plusieurs sites nationaux ou extra-territoriaux) de regroupement d’équipements, de procédés et de matériaux qui génèrent des biens divers. Dans une optique micro-économique, l’entité doit déterminer la quantité de produits à fabriquer, le prix de vente et, dans une optique macroéconomique, l’entité est l’acteur économique essentiel qui assure la production nationale.
Exemple
une entreprise belge est un lieu de production avec des machines, des approvisionnements, du personnel, des flux et des stocks à organiser.
L’organisation est un lieu de distribution de revenus
D’un point de vue économique général, toutes les entreprises utilisent et rémunèrent les facteurs de production : versement du salaire en contrepartie d’un travail et distribution de revenus financiers aux apporteurs de capitaux. Une fonction financière macro-économique importante est assurée.
Exemple
l’entreprise Belge rémunère tous ses collaborateurs, distribue une partie de ses résultats, le cas échéant aux propriétaires du capital, paie ses fournisseurs et ses sous-traitants.
L’organisation est un lieu de relations sociales
Il est possible d’insister sur la communauté des individus composant une organisation et de s’intéresser alors aux aspirations et motivations des acteurs, aux relations humaines, individuelles et collectives, aux conflits et aux compromis à gérer pour maintenir la stabilité de l’entité et réaliser les actions quotidiennes.
La dimension humaine, seule vraie richesse des organisations, peut être approfondie en analysant les entreprises comme un lieu de compétences et de coopération.
Exemple
l’entreprise belge a été particulièrement touché par des grèves impliquant une forte proportion de ses salariés en 1936, puis en 1993 alors même que l’entreprise était considérée depuis 1920 comme plutôt en avance pour la protection sociale et un certain paternalisme familial (crèches, écoles, habitations, coopératives mises à la disposition du personnel).
Une organisation est un lieu de décision et d’information
Toute entreprise ou organisation doit faire des choix, doit prendre des décisions qui engagent l’avenir à court ou long terme ; il faut alors analyser les besoins en informations pour aider à prendre les décisions au bon moment et tenir compte des acteurs décideurs.
Exemple
l’entreprise belge a choisi de se diversifier dans l’aéronautique quand l’entreprise a eu des informations sur les potentialités de développement de ce secteur. Michelin a orienté ses activités à l’international quand l’entreprise a eu des informations sur les nouveaux marchés de clients dans les pays émergents.
En combinant ces approches, dans une analyse contemporaine, il ressort que l’organisation est perçue aujourd’hui comme une entité sociale.
L’organisation comme entité sociale
Une des difficultés majeures pour faire évoluer les organisations est leur capacité de résistance aux changements, car l’organisation n’est pas un objet inerte c’est une entité sociale qui a une existence propre.
A. Etzioni définit l’organisation comme une « unité sociale (un groupement humain) délibérément construite pour promouvoir des buts spécifiques et constamment réaménagée pour atteindre ces buts ».
Cette façon de définir l’organisation, reprise sous des formes similaires par divers auteurs, met l’accent sur quatre points importants :
- l’unité sociale : l’organisation existe en tant que telle ; elle a une existence propre distincte de celle de ses membres (Saint-Gobain est une entreprise tricentenaire qui continue d’exister avec un personnel différent tout au long de son histoire). A contrario, certaines entreprises ne sont pas de « vraies » organisations (la disparition de l’artisan boulanger fait parfois disparaître la boulangerie) ; famille et entreprise sont confondues dans une forme inachevée d’organisation ;
- la construction délibérée : l’organisation n’est pas spontanée. Ceci renvoie à l’organisation en tant qu’activité ; il faut maîtriser la construction de l’organisation ;
- la finalisation : une organisation est construite pour faire quelque chose ; des buts sont à atteindre. L’absence de buts est un facteur de crise de l’organisation, notamment quand elle ne vit plus que pour sa propre survie ;
- l’adaptation : l’organisation se heurte à des difficultés, à des changements dans l’environnement, elle s’adapte en modifiant ses moyens et/ou ses buts.
Définir l’organisation comme une entité sociale permet de dépasser la vision du seul outil organisationnel (l’organisation comme objet = la structure) pour prendre en compte deux faits majeurs :
- l’organisation est plus que la somme de ses parties : sa spécificité est plus dans la nature des interrelations entre ses composants que dans la nature de ses composants ;
- l’organisation n’étant pas inerte, le problème de son contrôle se pose d’une manière moins « rationnelle », moins « linéaire » que ne laisse supposer la vision de l’activité organisationnelle en termes d’établissement de procédures. Le problème du pouvoir sur l’entreprise devient le problème du pouvoir dans l’entreprise.
De nombreux courants théoriques ont exploré les diverses implications de la prise en compte de l’organisation en tant qu’entité sociale.
Ainsi, l’approche socio-technique, de F.E. Emery et E.L. Trist, insiste sur le fait que l’efficacité de l’organisation (son aptitude à atteindre ses buts) ne dépend ni totalement des procédures (notamment dans le domaine technologique), ni totalement des comportements individuels, mais d’une interrelation complexe entre les deux.
Dans une autre perspective d’analyse, M. Crozier et E. Friedberg, dans leur ouvrage L’Acteur et le système, soulignent que l’organisation, cadre d’action du décideur, est un système social qui n’est pas entièrement régulé, pas entièrement contrôlé par la « direction » car chaque participant essaie de gagner une certaine autonomie en jouant avec les règles de l’organisation (le « système »). La gestion de l’organisation implique de prendre en compte les jeux de pouvoir des différents acteurs.
L’entreprise, unité sociale, est difficile à contrôler : l’approche procédurale rationnelle est insuffisante. Un problème de pouvoir se pose.
Les différentes formes et types d’organisation
Formes des organisations
La question des formes d’organisation fait habituellement référence à deux domaines : les structures et le droit.
- Les formes structurelles d’agencement des moyens correspondent aux différentes configurations que peut prendre une organisation : structure hiérarchique, structure fonctionnelle, structure hiérarchico-fonctionnelle, etc. Ces différentes configurations structurelles sont étudiées en détail ici.
- Les formes juridiques prises par l’organisation dépendent des coquilles juridiques disponibles en fonction des besoins des acteurs : société en nom collectif, société à responsabilité limitée, société anonyme, etc. Ces formes juridiques sont assez différentes d’un pays à l’autre et peuvent évoluer fortement dans le temps. L’étude de ces formes juridiques relève globalement du droit, et notamment du droit des sociétés même si le choix d’une forme juridique est un choix de management.
Typologies des organisations
Les analystes des organisations ont été amenés à créer des typologies permettant de regrouper les organisations en classes. A ce jour on dispose de multiples essais typologiques, utiles, mais pas d’une forme finale et aboutie de classement des organisations, c’est-à-dire d’une taxonomie des organisations.
Les typologies les plus marquantes privilégient les relations de l’organisation avec son environnement ou bien les relations sociales internes à l’organisation.
Quelques typologies croisent ces deux aspects.
a) Exemple de typologie selon la nature des outputs de l’organisation (T. Parsons, Structure and Process in Modern Societies, Free Press, 1960)
L’approche est fonctionnaliste. La nature de toute organisation trouve son explication dans la contribution qu’elle apporte au fonctionnement de la société ; les organisations sont conçues comme des systèmes ouverts recevant des ressources et réagissant à des problèmes provenant d’autres systèmes. Cette typologie distingue quatre types d’organisation selon la fonction remplie au bénéfice de la société :
- Organisations de maintien des modèles culturels : elles contribuent par les systèmes de valeurs à la pérennité de la société ; ce sont les organismes de formation, d’éducation, de recherche, les organisations culturelles, artistiques, religieuses…
- Organisations d’intégration : leur fonction principale consiste à définir les obligations de loyalisme envers la collectivité et à éliminer ou réduire les sources de perturbations ; ce sont les organisations qui assurent le contrôle social : police, justice ; elles visent à travers le respect des normes, traduites en règles et lois, l’inclusion des individus dans collectivité.
- Organisations politiques : leur fonction consiste à augmenter la capacité de la société, ou de certains membres, en assurant l’allocation des ressources.
- Organisations de production : ce sont essentiellement des entreprises qui assument une tâche de fabrication et de distribution de biens ou de services ;
b) Exemple de typologie selon la nature des bénéficiaires principaux des outputs ( P. Blau & W. R. Scott, Formal Organizations, Chandler, 1962)
- Les associations de bénéfice mutuel : les bénéficiaires principaux sont les membres de l’organisation eux-mêmes ; cette catégorie regroupe les organisations dont la propriété est bien spécifiée et qui profitent à leurs membres ; c’est le cas des clubs, des associations de bénévoles, des ordres religieux, des associations professionnelles.
- Les entreprises commerciales : les bénéficiaires principaux sont leurs propriétaires qui tirent avantage du profit réalisé. Il faut néanmoins, pour que la pérennité de l’entreprise soit assurée, veiller à composer avec d’autres participants : les salariés et les clients notamment.
- Les organisations d’intérêt public : le principal bénéficiaire est le public en général, et les avantages sont extrinsèques ; il s’agit d’organisation comme les services de lutte contre les incendies, l’armée, la police.