Les comptes des secteurs institutionnels font partie des comptes nationaux qui couvrent un large éventail de statistiques décrivant une économie de différentes manières, par exemple par le biais d’agrégats tels que le PIB, les secteurs institutionnels, les finances publiques, les tableaux ressources-emplois ou entrées-sorties.
Table de matières
Définition des secteurs institutionnels
Les différents acteurs de la vie économique sont regroupés dans des ensembles considérés comme pertinents. Les unités, dites institutionnelles, constituent les unités de base de la comptabilité nationale : ce sont des unités susceptibles de posséder elles-mêmes des actifs, de souscrire des engagements, de s’engager dans des activités économiques et de réaliser des opérations avec d’autres unités.
Les secteurs institutionnels regroupent les unités institutionnelles ayant des comportements économiques similaires caractérisés par leur fonction principale et la nature de leur activité.
On distingue cinq secteurs institutionnels résidents :
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- les sociétés non financières (SNF) ;
- les sociétés financières (SF) ;
- les administrations publiques (APU) ;
- les ménages ;
- les institutions sans but lucratif au service des ménages (ISBLSM).
L’ensemble des unités non-résidentes, dans la mesure où elles entretiennent des relations économiques avec des unités résidentes, sont regroupées dans le reste du monde.
Les trois séries de comptes institutionnels
La comptabilité nationale présente l’ensemble des informations collectées sur les différentes opérations dans un cadre comptable qui s’efforce de reproduire la logique de fonctionnement d’une économie moderne. On distingue trois séries de comptes.
- Les comptes courants
Les comptes courants décrivent la formation et la redistribution du revenu entre les agents au cours d’une année donnée. Ils se soldent, pour chaque secteur institutionnel, par une épargne plus ou moins importante (éventuellement négative si leurs dépenses courantes, c’est-à-dire hors investissement, ont été supérieures à leurs ressources).
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- Les comptes d’accumulation
Les comptes d’accumulation décrivent la variation de la richesse accumulée par les agents au cours d’une année donnée. L’épargne issue des opérations courantes peut servir à accumuler des biens durables en vue de produire mieux ou davantage au cours des années suivantes: c’est l’investissement, décrit au compte de capital.
Elle peut aussi servir à accumuler une richesse financière (monnaie, actions, etc.) dont la variation est décrite par le compte financier. Certains agents décident d’accumuler plus de biens d’investissement que ne le permet leur épargne : ils ont un besoin de financement qui apparaît au compte de capital et qu’ils comblent par un endettement supplémentaire qui apparaît au compte financier.
D’autres agents ont au contraire plus d’épargne que de besoins d’investissement; ils ont une capacité de financement qui leur permet d’accumuler une richesse financière (notamment en accumulant des créances sur les agents dont ils comblent le besoin de financement).
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- Les comptes de patrimoine
Les comptes de patrimoine décrivent la composition de l’ensemble des avoirs et des dettes des différents agents au 31 décembre. Ils présentent en quelque sorte le bilan (actif-passif) de chaque secteur institutionnel.
La séquence des comptes des secteurs institutionnels
Les comptes ci-après enregistrent, à droite, les valeurs qui augmentent les ressources des agents, à gauche, les emplois qu’ils font de leurs ressources.
La différence entre les ressources et les emplois donne le solde du compte qui est ajouté en emplois, à la dernière ligne (en gras), de façon à ce que le total des ressources et le total des emplois (solde inclus) soient toujours égaux.
Il s’agit de comptes de flux, c’est-à-dire qu’ils décrivent la variation des ressources et des emplois durant l’année civile, mais ne donnent aucune information sur le stock total d’actifs (biens, monnaie, titres…) ou encore le patrimoine dont disposent les agents.
Pour des raisons explicitées plus loin (B. ci-après), le compte financier (le dernier compte) fait l’objet d’une présentation spécifique (variations d’actifs et variation de passifs au lieu de ressources-emplois).
Chaque solde peut être présenté brut ou net selon que, dans les consommations intermédiaires à déduire de la valeur ajoutée, on exclut ou inclut la consommation de capital fixe (CCF) : le solde brut inclut la CCF; le solde net est égal au solde brut moins la CCF. Le SEC 95 recommande la présentation de soldes nets, mais la comptabilité nationale française continue pour le moment à présenter des soldes bruts.
Les tableaux qui suivent décrivent la séquence des comptes en recensant l’ensemble des postes qui peuvent apparaître mais n’apparaissent pas nécessairement dans les comptes de chaque secteur institutionnel particulier.
Par exemple, le poste « consommation finale » n’a pas lieu d’être dans les comptes des sociétés. Par ailleurs, certains postes peuvent apparaître ci-dessous dans différents comptes parce qu’ils concernent des secteurs différents dans des comptes différents.
Par exemple, la rémunération des salariés est un emploi du compte d’exploitation (pour tous les secteurs contribuant à la production), mais il s’agit aussi d’une ressource du compte d’affectation du revenu primaire des ménages.
La séquence des comptes des secteurs institutionnels
La signification économique des comptes
Le compte de production
Le compte de production décrit simplement la création de valeur ajoutée par un secteur institutionnel. Il enregistre donc la production en ressources, et, après déduction de la consommation intermédiaire en emplois, on obtient le solde du compte : la valeur ajoutée brute/nette.
Cette valeur ajoutée montre donc les ressources que le secteur retire de son activité de production de biens et services. Ces ressources vont ensuite faire l’objet d’une répartition entre tous les agents, répartition qui est décrite dans les trois comptes suivants.
Le compte d’exploitation
Les emplois du compte d’exploitation décrivent la répartition de la valeur ajoutée qui s’opère à l’occasion du processus de production entre le facteur travail (rémunération des salariés), l’État (impôts sur la production et les importations) et le facteur capital (excédent brut d’exploitation).
L’excédent brut d’exploitation (EBE), solde du compte, mesure donc le revenu brut qui reste aux producteurs une fois payés les consommations intermédiaires, les taxes sur la production et le travail. On l’appelle aussi couramment « marge brute » et on calcule le taux de marge en faisant le rapport EBE/valeur ajoutée brute.
Ce dernier peut être interprété comme un taux de profit brut retiré de l’activité productive, et à ce titre comme un indicateur de rentabilité de l’activité productive.
On traite à part le solde du compte d’exploitation des entreprises individuelles: il s’agit du « revenu mixte », ainsi dénommé pour indiquer que le revenu de l’entrepreneur individuel rémunère à la fois son travail et ses apports en capital.
On appelle souvent la répartition du revenu décrite dans le compte d’exploitation « répartition primaire de la valeur ajoutée » ; « primaire » pour la distinguer de la redistribution (ou répartition secondaire) du revenu qui intervient ensuite (du fait des impôts, prestations sociales, transferts entre agents, etc.) et qui n’est pas liée à la production.
En ce qui concerne les impôts liés à la production, il ne faut compter que les sommes effectivement versées par les agents, c’est-à-dire nettes des subventions qu’ils ont éventuellement reçues des administrations publiques à l’occasion de leur activité productive. C’est la raison pour laquelle, juste en dessous de ces impôts (en emplois), on déduit les subventions d’exploitation reçues.
Le compte d’affectation des revenus primaires
Ce compte décrit la formation des revenus primaires des différents agents.
On entend par « revenus primaires » les revenus de la propriété et les revenus tirés de la contribution à la production, avant toute redistribution et avant tous prélèvements fiscaux ou sociaux.
On a donc en ressources l’excédent brut d’exploitation (revenu primaire issu de l’activité productive), auquel on ajoute la rémunération du travail pour les ménages, les impôts sur la production et les importations, nets des subventions, pour les administrations, et les revenus de la propriété (pour tous les secteurs).
Il reste à déduire en emplois les revenus de la propriété versés à d’autres agents pour obtenir le solde brut/net des revenus primaires qui reviennent effectivement au secteur avant la redistribution fiscale et sociale du revenu qui est décrite dans le compte suivant.
Le compte de distribution secondaire du revenu
Ce compte montre la formation du revenu disponible des agents. Le revenu disponible est égal au revenu primaire, augmenté de tous les transferts dont le secteur a bénéficié, et diminué des transferts qu’il a dû effectuer au profit d’autres secteurs.
Ce qui apparaît donc ici est la redistribution du revenu qui s’opère principalement par les prélèvements fiscaux ou sociaux et par les prestations sociales dont bénéficient les ménages.
Au terme de cette redistribution, il reste à chaque agent un revenu « disponible », c’est-à-dire dont l’agent peut disposer librement pour constituer une épargne, financer des investissements (pour tous les agents) ou consommer (pour les ménages et les administrations uniquement). Ce choix entre épargne et consommation est décrit ci-après, dans le compte d’utilisation du revenu disponible.
Le compte de distribution du revenu en nature (pour les ménages et les administrations uniquement)
Pour les secteurs institutionnels autres que les ménages et les administrations, la séquence des comptes se poursuit par le compte d’utilisation du revenu disponible (voir ci-dessous).
Pour les ménages et les administrations, le SEC 1995 a introduit une innovation importante. On a vu plus haut que les ménages avaient deux types de consommation finale : la dépense de consommation et leur consommation de services individuels non marchands fournis par les administrations (enregistrée au poste D63 : Transferts sociaux en nature).
Les ménages ne peuvent dépenser que leur revenu disponible. S’ils ont une consommation effective supérieure à leur dépense, on peut considérer qu’ils disposent en fait d’un revenu effectif supérieur à leur revenu disponible. Ce supplément de revenu est équivalent aux transferts en nature (santé, éducation principalement) dont ils bénéficient.
On dénomme leur revenu effectif total, ajusté pour tenir compte de ces prestations en nature, le revenu disponible brut/net ajusté.
Le compte de distribution du revenu en nature décrit simplement cette convention. Dans le compte des ménages, on augmente leur revenu disponible des transferts en nature (en ressources), ce qui fait apparaître en emplois leur revenu disponible ajusté (supérieur à leur revenu disponible).
Dans le compte des administrations, on porte en emplois les transferts en nature effectués au profit des ménages, et la différence entre leur revenu disponible en ressources et ces transferts donne leur revenu disponible ajusté (inférieur à leur revenu disponible).
Le compte d’utilisation du revenu disponible ajusté (pour les ménages et les administrations uniquement)
Le compte d’utilisation du revenu disponible décrit simplement la répartition du revenu disponible ajusté entre la consommation finale effective et l’épargne : le revenu disponible ajusté (en ressources), moins la consommation effective (en emplois), donne l’épargne.
Notons que les transferts en nature viennent augmenter à la fois le revenu disponible et la consommation; ils ne modifient donc pas le montant de l’épargne par rapport à un compte qui négligerait les transferts en nature (variante du compte d’utilisation du revenu présenté ci-après).
Le compte d’utilisation du revenu disponible
Le compte d’utilisation du revenu disponible décrit la répartition du revenu disponible entre la dépense de consommation finale et l’épargne. Il n’a donc d’intérêt réel que pour les secteurs qui ont une consommation finale (les ménages et les administrations publiques). Pour les autres secteurs institutionnels, il ne fait que constater l’identité entre l’épargne et le revenu disponible.
Le compte de capital
Le compte de capital montre comment l’épargne est utilisée pour financer l’investissement.
Le SEC 95 prévoyait de décomposer ce compte en deux :
1°) Compte de la variation de la valeur nette due à l’épargne et aux transferts en capital;
2°) Compte des acquisitions d’actifs non financiers. Le premier compte décrirait la formation de l’épargne nette effectivement disponible pour le secteur, en ajoutant à l’épargne issue du compte de capital les transferts en capital reçus et en en retranchant les transferts en capital versés; le second décrirait ensuite les différents investissements auxquels a été employée l’épargne.
Pour le moment, la comptabilité nationale française, comme par le passé, réunit ces deux comptes en un seul : le compte de capital. On y trouve, en ressources, l’épargne brute/nette, plus les transferts en capital qui augmentent l’épargne disponible de l’agent (aides à l’investissement, primes d’épargne, remises de dettes, etc.), moins les transferts en capital qu’il effectue au profit d’autres secteurs institutionnels.
En emplois, on déduit bien entendu les impôts en capital et autres transferts qui diminuent l’épargne effectivement disponible, et l’on enregistre les quatre formes d’investissement possibles: FBCF, variation des stocks, acquisitions nettes d’objets de valeur, acquisitions nettes d’actifs non produits.
Si les ressources sont supérieures aux emplois, le solde du compte est positif: il s’agit d’une capacité de financement. Dans le cas inverse, si l’agent effectue des investissements supérieurs à son épargne, le solde est négatif: l’agent a un besoin de financement. Le signe du solde indique donc s’il s’agit d’une capacité (signe “+”) ou d’un besoin (signe “–”) de financement.
On montrera ci-après que le solde du compte de capital doit théoriquement être identique à celui du compte financier. Or un décalage entre les données employées pour l’établissement de ces deux comptes entraîne toujours un écart qu’il convient de corriger.
Cette correction est opérée en comptabilisant cet écart à la ligne « B0. Ajustement », au bas du compte de capital. En ajoutant la capacité
ou le besoin de financement et l’ajustement on obtient un chiffre équivalent au solde du compte financier. Comment est employée une capacité de financement?
Comment le secteur satisfait-il un besoin de financement? La réponse à ces questions est donnée par le compte financier.
Le compte financier
La présentation du compte financier ne se fait pas en ressources-emplois, mais en variations d’actifs (colonne de gauche) et variations de passifs (colonne de droite).
Comme nous l’avons déjà précisé, les opérations financières entraînent une variation des actifs financiers (créances) et des passifs financiers (dettes) des agents. Or la représentation de telles opérations dans un tableau ressources-emplois conduirait à confondre dans une même colonne des opérations d’essence très différente.
En effet, une « ressource » en moyens financiers peut provenir d’un endettement (émission de titres, emprunt bancaire), mais aussi de la cession d’un actif (vente d’un titre), du recouvrement d’une créance (l’agent se fait rembourser un prêt qu’il a consenti), ou encore d’un prélèvement dans les avoirs monétaires ou sur les comptes d’épargne.
Autrement dit, les ressources financières correspondent soit à une augmentation de l’endettement (variation positive du passif), soit à une diminution des avoirs et créances détenus par l’agent (variation négative de l’actif).
Aussi, une présentation en deux colonnes variations de passifs et variations d’actifs, plutôt qu’en deux colonnes ressources et emplois, permet de faire apparaître distinctement ces deux modalités de financement très différentes.
De façon symétrique, du côté des emplois, des moyens financiers peuvent être employés à accumuler des actifs nouveaux (avoirs monétaires, achats de titres, etc.) ou à rembourser des dettes. Là encore, une présentation en deux colonnes variations d’actifs et variations de passifs a le mérite de distinguer ces deux types d’emplois.
Le solde du compte financier, porté dans la colonne de droite, est nécessairement identique au solde du compte de capital. En effet, un agent qui dispose d’une capacité de financement a forcément augmenté son stock net d’actifs financiers (stock de créances net des dettes) pour un montant équivalent, sous des formes diverses: accumulation de monnaie, achats de titres, placements divers, désendettement, etc.
Inversement, un agent qui a un besoin de financement (dont la dépense totale a été supérieure aux ressources) a nécessairement vu son passif net (son endettement net) augmenter d’un montant équivalent.
Ainsi, une capacité de financement (solde positif) inscrite en colonne de gauche au compte de capital correspond à un excédent des variations d’actifs sur les variations de passifs, et donc à une capacité de financement (solde positif), inscrite en colonne de droite du compte financier.
On pourrait tout aussi bien inscrire la capacité de financement à gauche du compte financier, du côté des variations d’actifs, mais il faudrait alors lui donner un signe négatif pour équilibrer les deux colonnes.
C’est donc par convention et pour éviter de faire apparaître le même solde avec des signes différents que l’on porte le solde du compte financier à droite et non à gauche, comme pour les autres comptes.
Le lecteur vérifiera que, dans le cas d’un besoin de financement (solde négatif du compte de capital), il est également nécessaire de le placer à droite du compte financier pour lui conserver le même signe négatif.