La théorie de la poubelle, ou autrement appelée le « modèle de la poubelle des prises de décision » d’après le nom original « Garbage can model of decision-making » ou encore modèle du « fourre-tout », est une théorie organisationnelle très particulière car elle est en contradiction avec la plupart des théories de décisions économique classiques.
Table de matières
Caractéristiques du modèle de la poubelle
« Supposons que nous regardions une opportunité de choix comme une poubelle dans laquelle les participants jettent divers problèmes et
diverses solutions. La composition des détritus dans une poubelle dépend de ce que l’on y met, de l’étiquette apposée sur chacune
d’elles, de l’éventail des poubelles disponibles, autant que de la vitesse avec laquelle on ramasse les ordures. »
Le modèle de la poubelle, formulé par J. March, M. Cohen et J. Olsen, considère une décision comme le produit de la rencontre fortuite, lors d’une circonstance particulière (opportunité de choix), de problèmes (en suspens), de solutions (toutes prêtes) et de décideurs plus ou moins concernés (participants).
Les opportunités de choix sont les occasions par lesquelles une organisation est censée produire une ou des décisions (signature de contrats, embauche ou licenciement, réunions budgétaires, comités de planification, etc.).
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Les problèmes sont tout ce qui implique les membres de l’organisation dans et hors l’organisation à un moment donné ; cela dépasse largement les problèmes de gestion, pour inclure les soucis familiaux ou écologiques.
Les solutions sont les réponses en quête de problèmes : elles recherchent une ou des questions pour pouvoir être mises en œuvre –, l’informatique est un bon exemple de « solution » permanente face à de nombreux problèmes possibles.
Les participants sont les acteurs présents lors d’une opportunité de choix. Comme ils ont en général plus de possibilités de participation qu’ils n’ont de temps disponible, leur présence, face à une opportunité donnée, n’est pas garantie, pas plus que leur implication.
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Opportunités, problèmes, solutions et participants constituent autant de flux, relativement indépendants, qui parcourent l’organisation et parfois se rencontrent.
La circulation des flux, et donc leur croisement, est cependant partiellement déterminée, dans l’espace et dans le temps, par la structure organisationnelle (hiérarchie, spécialisation), les systèmes et procédures de gestion, ainsi que les us et coutumes. Ces éléments déterminent en partie :
- la structure de décision, c’est-à-dire la possibilité, pour tel acteur, d’être participant dans telle opportunité de choix (par exemple, les chefs de produits participent à la réunion hebdomadaire du département marketing, mais pas à la nomination d’un nouveau chef de produit) ;
- la structure d’accès, c’est-à-dire la possibilité pour tel problème ou telle solution d’être associé(e) à telle opportunité de choix. L’ordre du jour est un élément explicite de cette structure d’accès ; mais, d’une façon générale, les opportunités de choix sont plus ou moins spécialisées, par exemple, il peut être saugrenu d’évoquer un problème de rémunération lors d’une réunion de planification des investissements ;
- la qualité d’un processus de décision dépend aussi de la manière selon laquelle les flux convergent à travers cette double structure. En transformant le modèle théorique en simulation, les auteurs montrent en particulier l’influence sur la nature même des choix effectués de phénomènes tels que la surcharge (trop de problèmes) ou la fluctuation de la participation.
Comment l’utiliser ?
Remplir la » poubelle « . Mettre en place un outil de travail collaboratif pour partager les informations.
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Laisser » infuser « . Les solutions attendent que les problèmes correspondants émergent, les questions attendent la bonne réponse. L’infusion sera terminée lorsqu’un couple problème/solution peut être créé.
Analyser le contenu de la » poubelle « . La coïncidence entre un problème et une solution se présente à un moment donné, imprévu ou lors de réunions dont le but n’est que d’analyser le contenu de la poubelle. Les décideurs saisissent alors cette opportunité.
Prendre la décision. Celle-ci se prend donc par inadvertance ou en déplaçant un problème pour qu’il coïncide avec une solution, mais rarement au cours d’un processus de résolution de problème planifié et délibéré.
Portée et limites du modèle de la poubelle
Le modèle de la poubelle présente plusieurs traits remarquables :
- il s’écarte résolument du paradigme de la décision comme résolution d’un problème par le choix d’une solution adéquate. En cela, il diffère totalement du modèle rationnel, mais aussi du modèle organisationnel (fondé sur l’idée de procédure pour résoudre les problèmes) et du modèle politique (où le problème et la solution sont négociés) ;
- il suggère des explications pour des phénomènes somme toute fréquents tels que des décisions ne résolvant pas les problèmes visés, qui réapparaissent plus tard ou ailleurs, l’adoption de solutions (par exemple, solutions à la mode) alors que la situation n’était pas problématique, la persistance de problèmes non résolus (serpents de mer), ou l’incapacité d’attribuer une décision (décision prise sans que personne l’ait vraiment voulu) ;
- il remet en cause l’idée intuitive selon laquelle une décision est un phénomène important, indépendant ou circonscrit.
Dans le modèle de la poubelle, une décision donnée ne s’explique que si l’on envisage l’ensemble des problèmes, solutions et participants qui ont ou n’ont pas un rapport objectif (logique, rationnel) avec elle.
Par exemple, telle décision s’explique en partie par l’absence de tel participant absorbé par un problème qu’il a jugé plus important. Ainsi, une décision donnée est prise, en fait, dans un flux de décisions interconnectées. Ce modèle souligne lui aussi, mais indirectement, le rôle capital des éléments de structures, formels et informels, qui régulent les flux.
Le modèle de la poubelle aboutit à la disparition de l’idée même de décision. Cette vision anarchique des organisations a nourri des approches qui mettent l’accent sur l’action plus que sur la décision.
Il semble que l’on surestime volontiers l’importance de la décision dans les entreprises. Plus que des dispositifs destinés à résoudre des problèmes, les organisations sont des générateurs d’action ; une action largement irréfléchie, qui se déploie sous l’influence de règles, programmes, habitudes, croyances, idéologies.
Les décisions sont rares ou représentent des rationalisations a posteriori d’actions déjà engagées, que les managers élaborent afin de se justifier aux yeux de leurs pairs, de leurs supérieurs ou des parties prenantes externes.
Même sans suivre totalement ces conceptions audacieuses, on doit concéder, au terme de ce parcours des principaux modèles de la décision, que le problème des dirigeants d’entreprise ne se borne pas à prendre des décisions stratégiques. Il s’agit plutôt pour eux de contrôler les processus que l’on vient de décrire et, à travers eux, de contrôler la formation de la stratégie.
Dans cette perspective, les processus organisationnels, politiques ou anarchiques ne sont que des éléments d’un processus plus vaste, et un dirigeant habile peut espérer les exploiter à son profit.
Conclusion
Le modèle de la poubelle est celui de l’anarchie organisée. La prise de décision est assimilée à une poubelle ou une marmite dans laquelle les décideurs se déchargent des questions, des solutions et des problèmes au fur et à mesure qu’ils apparaissent. Ils ne sont pas nécessairement reliés les uns aux autres et attendent d’être traités.
C’est un modèle qui privilégie l’opportunisme et une certaine dose d’aléatoire dans le processus de décision.