Face aux nouveaux besoins des entreprises relatifs à la demande de flexibilité, adaptabilité, réactivité et transversalité, les organisations de travail fondées sur une logique de postes stabilisés sont aujourd’hui largement dépassées et ont cédé la place à une gestion axée sur les compétences.
Ainsi, la gestion des compétences est devenue sans aucun doute le maître mot des discours des ressources humaines. C’est une démarche de management qui fait participer le salarié à des actions communes avec l’entreprise, liéés essentiellement à la réussite et à la reconnaissance.
Ainsi, l’un des défis que doit relever toute entreprise est de faire coïncider les compétences de ses salariés à ses besoins actuels et les faire évoluer pour anticiper et répondre aux besoins futurs.
« C’est en plaçant l’homme comme acteur et non comme sujet que la GRH a franchi un stade essentiel dans sa représentation de la complexité. La GRH ne se limite plus à l’ensemble des décisions de DRH, elle se compose de l’ensemble des décisions qui ont une incidence sur la gestion des RH » déclare J. Igalens.
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Ainsi, la Gestion Prévisionnelle des Emplois et Compétences (GPEC) est venue pour prévoir et gérer les difficultés grandissantes dues à la mondialisation, la concurrence internationale et à la rapidité des innovations par une prise de conscience de l’importance du capital humain. Il s’agit d’identifier et d’adapter les compétences internes à l’entreprise.
C. Dejoux qualifie la GPEC de politique GRH incontournable fondée sur la définition et la gestion des compétences des salariés : « La GPEC constitue pour la plupart des entreprises une politique de GRH incontournable qui se fonde sur la définition et sur la gestion des compétences professionnelles des salariés. L’objectif recherché est la flexibilité des ressources en fonction des besoins évolutifs de l’entreprise ».
Ainsi, un grand défi de la gestion contemporaine des ressources humaines consiste à répertorier les compétences détenues par les salariés et les mobiliser. Pour se faire, plusieurs démarches sont utilisées, néanmoins les bilans de compétences restent à notre sens un formidable outil, lorsqu’il est bien maîtrisé puisqu’il présente des avantages considérables.
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Il s’agit d’une démarche faite avec et pour le salarié. Elle permet ainsi à l’entreprise de fructifier son capital compétences et au salarié de « jeter un regard sur le passé et le chemin parcouru dans la perspective d’ouvrir des voies pour l’avenir».
Table de matières
Qu’est ce qu’un bilan de compétences ?
Plusieurs définitions sont citées en littérature pour définir le bilan de compétences. Ainsi, le bilan de compétences :
- est « une opération qui consiste à déterminer l’état des compétences et aptitudes d’un individu »;
- est une « démarche, un processus, qui doit permettre au sujet d’élaborer un projet professionnel à partir de l’analyse de son expérience, de son histoire, de la détection de ses compétences et de son potentiel, en tenant compte de ses goûts, de ses valeurs prioritaires, et de ses choix personnels dans sa vie».
- a pour objet « de permettre au salarié d’analyser ses compétences professionnelles et individuelles ainsi que ses potentialités mobilisables dans le cadre d’un projet professionnel ou d’un projet de formation».
Le bilan de compétences permet donc, de faire le point sur les compétences détenues par un individu en vue de les mobiliser pour des projets futurs (formation, projet de professionnel …).
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Le Bilan de Compétences peut être réalisé aussi bien à l’initiative de l’individu que de son employeur. Ces derniers doivent être informés et consentants sur le but et le déroulement du bilan de compétences auxquels ils vont prendre part.
Dans les deux cas, les avantages du bilan de compétences sont nombreux pour les deux parties.
Retombes du bilan de compétences sur l’employeur / l’entreprise
Les retombées des bilans de compétences sur l’entreprise se situent à plusieurs niveaux. Ainsi, pour l’entreprise, selon M. Joras : « la prestation du bilan de conpétences doit permettre :
- D’orienter les salariés face aux mutations internes et externes ;
- De clarifier la formation continue ;
- De développer avec efficacité et cohérence des stratégies personnelles ;
- De rationaliser la gestion prévisionnelle des emplois et compétences ».
Le bilan de compétences est d’un apport certain aussi bien pour l’individu que pour son entreprise comme l’explique R. Poupard : « Le bilan de compétences est susceptible de rendre de réels services, au bénéficiaire qui saura mieux gérer sa carrière, à l’entreprise qui devrait pouvoir mieux assurer la gestion de ses ressources humaines et aux organismes de formation qui pourront en tirer des éléments d’efficacité »
Malgré tous ces avantages, le bilan de compétences est généralement à l’initiative de l’individu pour accompagner les perpétuels changements, élargir son « capital compétences » et surtout pour améliorer son employabilité dans « un monde en mutation permanente où ses compétences doivent être « mises à jour » « au jour le jour » ».
Retombes du bilan de compétences sur l’individu
Le bilan de compétences peut être à l’initiative de l’employeur dans le cadre d’un plan de formation ou encore dans un processus de GPEC, mais il est généralement à l’initiative de l’individu. Ainsi, le salarié a recourt à cette démarche pour diverses raisons :
- pour faire le point sur : son parcours, ses diplômes, sa formation, son expérience, ses centres d’intérêts, ses objectifs ou encore sur ses motivations ;
- pour élaborer un projet : définir ses forces et ses faiblesses afin de déterminer le projet qui s’adapte le mieux à son potentiel ;
- pour envisager une reconversion ou un perfectionnement : faire le point sur ses compétences et redéfinir ses orientations, en vue de préparer un perfectionnement ou une reconversion pour accompagner les perpétuels changements qu’exige le marché de travail,
- tout simplement pour réfléchir : découvrir de nouvelles perspectives.
Bien qu’il permette de faire le point sur le degré d’acquisition des compétences, le bilan de compétences permet de les mobiliser autour d’un projet personnel « il n’évalue pas le « passé » des compétences, mais organise leur mise « en mouvement » dans un dispositif tourné vers l’action, qui vise à résoudre le problème rencontré par le travailleur.
C’est lorsque celui-ci mobilise ses expériences pour agir, dans un nouveau contexte, qu’il réalise un rapport nouveau entre ses compétences –accomplies et inaccomplies- et les possibilités sociales offertes ».
La France est le pays qui a enregistré beaucoup d’avancées dans la pratique des bilans de compétences. En effet, après une première expérimentation, au cours de la seconde moitié des années 1980, l’accord interprofessionnel de juillet 1991 et la loi de décembre de la même année ont instauré le droit au congé individuel du bilan de compétences : « Le congé de bilan de compétences a pour objet de permettre à tout salarié au cours de sa vie professionnelle de participer à une action de bilan de compétences, indépendamment de celles réalisées à l’initiative de l’entreprise ».
Le bilan de compétences, son déroulement, les organes prestataires, le congé de bilan, le financement ainsi que les droits et les devoirs des différents intervenants dans le processus sont régis par un arsenal juridique. L’action de bilan de compétences donne lieu à un document de synthèse destiné à l’usage exclusif du salarié qui n’est même pas tenu de le communiquer à son employeur.
Principales étapes d’un bilan de compétences
Le bilan de compétences qu’il soit à l’initiative de l’employeur ou à celle de l’employé, et indépendamment de l’organisme organisateur, se déroule généralement en trois étapes :
1- Phase préliminaire qui a pour objet :
- de confirmer l’engagement du bénéficiaire dans sa démarche,
- de définir et d’analyser la nature de ses besoins,
- et de l’informer rigoureusement des conditions de déroulement du bilan de compétences, des méthodes et techniques mises en oeuvre, ainsi que des principes d’utilisation des conclusions de la prestation.
Menée de façon individuelle, cette étape de la prestation doit permettre au bénéficiaire de s’engager avec discernement.
2- Une phase d’investigation permettant au bénéficiaire :
- d’analyser ses motivations et intérêts professionnels et personnels,
- d’identifier ses compétences et aptitudes professionnelles et personnelles et, le cas échéant, d’évaluer ses connaissances générales,
- et de déterminer ses possibilités d’évolution professionnelle.
Cette deuxième étape est conçue à partir des éléments repérés lors de l’analyse des besoins de l’intéressé, conduite à partir des objectifs initialement convenus. Elle est évolutive en fonction des événements susceptibles de se produire lors de son déroulement. Pour l’identification des compétences, des tests avec des objectifs fixés et évaluables peuvent être réalisés.
D’habitude réalisée individuellement, cette phase peut cependant comporter des actions collectives sous réserve qu’elle ne porte pas atteinte au respect de la vie privée des bénéficiaires.
3- Une phase de conclusion qui, par la voie d’entretiens personnalisés, permet au bénéficiaire :
- de prendre connaissance des résultats détaillés de la phase d’investigation,
- de recenser les facteurs susceptibles de favoriser ou non la réalisation d’un projet professionnel et, le cas échéant, d’un projet de formation,
- et de prévoir les principales étapes de la mise en oeuvre de ce projet.
Cette phase de conclusion s’achève par la présentation au bénéficiaire d’un document de synthèse.
A l’issue du bilan de compétences, l’intéressé doit avoir clairement identifié ses compétences professionnelles et personnelles susceptibles d’être investies dans des situations professionnelles déterminées.
Pratiques proches des bilans de compétences
Bilan de Compétences Approfondi (BCA)
Il s’agit d’une assistance mise en place par l’Agence Nationale Pour l’Emploi en France (ANPE) au profit des demandeurs d’emploi qui souhaitent reprendre ou occuper un emploi salarié ou qui envisagent de créer leurs propres activités. Ce bilan permet au bénéficiaire de :
- Mieux comprendre des situations vécues dans le travail pour permettre un repositionnement professionnel et élaborer une stratégie visant à une insertion professionnelle satisfaisante,
- Se préparer à une mobilité vers des emplois en supposant un transfert ou une amélioration de ses compétences, pouvant nécessiter une démarche de formation, ou une démarche de validation des acquis de l’expérience
Les principales étapes d’un Bilan de Compétences Approfondi sont les suivantes :
1- L’accueil
Vérification de l’adaptation du Bilan de Compétences Approfondi aux attentes du demandeur et explication des détails
2- L’investigation.
Cette étape qui est la plus longue, permet de :
- mettre en relief les compétences acquises au fil des ans en les ordonnant ;
- découvrir les particularités des emplois et des métiers existant, de mettre en relief les points forts et, éventuellement, les points faibles ou les difficultés rencontrées par rapport au marché du travail ;
- et identifier les pistes professionnelles.
3- L’adéquation des pistes professionnelles au marché du travail.
Cette phase consiste à vérifier la cohérence entre ce que veut faire le candidat et la réalité du marché du travail (petites annonces, état du marché, situation de tel ou tel secteur d’activités, pratiques de recrutement des employeurs).
4- Formalisation du projet professionnel
Cette phase permet de dresser le bilan du travail accompli, de choisir un projet professionnel prioritaire, de définir un parcours de retour à l’emploi.
Evaluation des Compétences et des Acquis Professionnels (ECAP)
L’Evaluation des Compétences et des Acquis Professionnels ne permet pas d’analyser les compétences professionnelles et personnelles mais plutôt de positionner une personne expérimentée (employé ou demandeur d’emploi) par rapport aux exigences d’une fonction de travail, par une évaluation de ses activités professionnelles antérieures. Les résultats de l’ECAP ne sont pas propriétés du demandeur tout seul, mais servent de positionner la personne et d’élaborer son parcours individuel de formation.
A- But de l’ Evaluation des Compétences et des Acquis Professionnels
L’objectif principal de l’ECAP est l’élaboration du parcours de formation individualisé avec la définition de ses étapes pour toute personne expérimentée avant d’entamer un cycle de formation diplômant ou certifiant.
En effet, la prise en compte dans le cadre du positionnement des compétences et des acquis professionnels a pour rôle l’adaptation et le raccourci du parcours de formation.
Le référentiel de formation décliné à partir du référentiel d’emploi est la base de l’ECAP qui est, par conséquent, propre à une filière de formation ou à un métier bien déterminé.
B- Principales étapes de l’Evaluation des Compétences et des Acquis Professionnels
Les différentes étapes de ce processus sont :
L’accueil
Cette première phase importante permet :
- la prise de contact ;
- La connaissance du candidat ;
- L’information sensibilisation;
Des explications sont données sur la procédure et les objectifs de l’ECAP en signalant qu’il ne s’agit pas d’examen, et que de la sincérité des réponses du participant dépendrait la réussite de cette évaluation et par la suite la pertinence du parcours de formation qui en résulterait.
L’Auto positionnement
L’intéressé est amené à identifier les compétences professionnelles qu’il pense maîtriser sur un livret d’auto positionnement.
Entretien
L’entretien organisé avec le formateur qui pilote l’action permet d’aider au positionnement et construire les évaluations qui suivront.
Evaluation des connaissances théoriques
L’intéressé répond à une série de questions en relation directe avec la spécialité concernée.
Exemple : Pour la spécialité de « Cuisine », les questions s’articulent sur des thèmes tels que :
- Connaissance du milieu professionnel ;
- Connaissance des formages, vins, mets … ;
- Hygiène et sécurité.
Un entretien avec la personne responsable permet de préparer et d’ajuster les exercices pratiques et la mise en situation en fonction des acquis supposés du candidat.
Mise en situation/exercices pratiques
Les tests sont réalisés dans des conditions proches de l’exercice réel du métier.
Exemple : Pour la spécialité « Agent de service », le candidat est menu d’une tenue adaptée au métier et même la présence de clients est souhaitable.
Synthèse et élaboration du parcours individualisé de formation
Une synthèse est réalisée à l’issue des différentes étapes et la restitution des résultats au candidat est faite sous forme d’entretien individuel afin de lui présenter les éléments observés.
Cette étape doit permettre l’adhésion du candidat aux résultats et aboutir à l’élaboration d’un parcours de formation avec :
- les séquences de formation et les modules à suivre ;
- la durée prévisionnelle du parcours ;
- les modalités de reconnaissance et de validation des acquis
Conclusion
La démarche « Bilan de Compétences » est devenue de plus en plus incontournable pour tout style de management des ressources humaines qui prône la gestion par les compétences. Elle est surtout « Maillon de la gestion prévisionnelle et préventive des emplois et compétences ».
L’identification des compétences individuelles et collectives de toute structure est une nécessite pour mieux s’adapter et anticiper les mutations économiques, sociales et techniques, permanentes et imprévisibles.
Cette démarche s’inscrit dans un concept de management moderne qui repose sur l’implication et la participation de l’intéressé pour déceler, évaluer et faire surgir ses potentialités et ses faiblesses.
Le bilan de compétences permet à la personne d’analyser ses compétences et ses expériences, mais aussi de repérer ses potentialités afin de se fixer de nouvelles perspectives. Les actions mises en œuvre doivent permettre l’analyse des compétences professionnelles et personnelles de l’intéressé ainsi que ses aptitudes et motivations.