La théorie des processus de travail est associée aux chercheurs britanniques qui, à la suite de la thèse de Braverman, se sont intéressés à l’évolution des systèmes de production capitaliste et à la question du contrôle et de la déqualification des processus de travail.
Largement influencés par l’économie marxiste capitaliste, ces chercheurs ont surtout mis l’accent sur les transformations du taylorisme, du fordisme et du postfordisme pour comprendre l’évolution des modes de contrôle dans l’organisation.
Suivant la thèse de la McDonaldisation de la société selon laquelle les activités sociales et économiques sont de plus en plus colonisées par des processus de contrôle et des normes d’efficience, ils cherchent à comprendre la nature du pouvoir et des formes de domination qui caractérisent les lieux de travail dans les organisations contemporaines.
Dans les années 1980, la théorie des processus de travail a pris la relève des théories marxistes des organisations. Elle a été au premier plan pour analyser les changements technologiques et les nouvelles stratégies de gestion et de production dans l’entreprise.
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Entre autres, les chercheurs adhérant à cette théorie se sont intéressés à la gestion de la qualité, au juste-à-temps et aux nouvelles techniques de gestion à la japonaise.
Le travail de Barker (1993) sur les formes de contrôle dans les équipes de travail est un bon exemple de l’aboutissement du type de recherche accomplie dans cette voie dans les années 1990.
En 1998, Administrative Science Quarterly consacre un numéro spécial sur l’émergence des nouvelles formes de contrôle dans les organisations vue sous l’angle de la théorie des processus de travail.
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David Knights et Hugh Willmott. En 1990, Knights et Willmott (1990) publient un ouvrage réunissant plusieurs théoriciens des processus de travail. Malgré de nombreuses divergences entre les auteurs, deux constats s’imposent : l’absence du sujet dans les travaux et la difficulté de la théorie à contribuer au projet politique d’émancipation des travailleurs. Les travaux de la décennie qui suit vont mettre l’accent sur les questions de la résistance et de la subjectivité au travail.
Par exemple, Willmott (1997) propose une reconstruction radicale de la théorie des processus de travail en incluant l’analyse de la dimension existentielle des processus de reproduction du capital et illustre son propos en prenant le cas du travail managérial.
Dans la théorie critique classique, le gestionnaire est souvent considéré comme un agent du capital.
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Pour Willmott (1997), même si les gestionnaires poursuivent des stratégies qui visent à rendre l’organisation plus performante, ils partagent aussi la condition d’employé de la majorité de leurs subordonnés.
Il propose donc de définir le travail managérial en tenant compte du fait que le gestionnaire, en même temps qu’il est l’agent du capital, est aussi chosifié par la discipline de l’accumulation du capital.
Le gestionnaire est le sujet et l’objet de processus organisationnels et de contrôle contradictoires. En même temps que le gestionnaire exige des autres un certain rendement dans leur travail, il est habituellement, et parfois même de manière obsessive, aveuglé par son
propre désir de performance.
À tout moment, le gestionnaire est aussi susceptible d’adopter différentes stratégies de résistance pour faire contrepoids aux aléas de la reproduction du capital. Ainsi, le travail quel qu’il soit est un processus subjectif, dans son sens existentiel, ayant des implications sur l’identité de soi.
Selon Willmott (1997), la théorie des processus de travail doit tenir compte de la matérialité du sujet humain, qui est historique et culturelle, pour comprendre les dynamiques inhérentes à la reproduction du capital et du travail.
De leur côté, Ball et Wilson (2000) examinent les répertoires interprétatifs à partir desquels les travailleurs de deux entreprises de services financiers sont soumis à des systèmes de surveillance électronique pour comprendre comment ils construisent leur subjectivité au travail.
Cherchant à faire ressortir les liens entre le discours individuel et le discours institutionnel, ils s’intéressent d’abord et avant tout au sujet discipliné au travail.
Le discours organisationnel agit subjectivement dans la mesure où, en l’utilisant, les travailleurs en viennent à se reconnaître et à se définir à partir de ce discours. De cette façon, ils intègrent subjectivement le système de surveillance de l’organisation. Toutefois, ce processus de subjectivation est loin d’être stable et uniforme.
Les individus se positionnent constamment par rapport aux discours prescrits. La construction de la subjectivité est un processus complexe, dynamique et multiple.
L’examen de deux systèmes de surveillance similaires dans des contextes organisationnels largement comparables montre que les répertoires interprétatifs construits par les utilisateurs sont différents. Ces divergences s’expliquent en partie par le contexte organisationnel, mais aussi par les différences dans les attitudes individuelles.
Enfin, les auteurs considèrent qu’il est important de faire l’examen en profondeur des processus de subjectivation qui accompagnent les technologies de contrôle pour arriver à mieux cerner quels sont les traits communs de la dynamique du pouvoir et de la résistance sur les lieux de travail.
De nombreux efforts seront consacrés à l’étude de la subjectivité au travail dans les années 1990. Toutefois, ils demeurent insuffisants pour faire le tour de la question. Selon Smith et Thompson (1998), cette question de la subjectivité sert plus à promouvoir des carrières académiques qu’à participer à la transformation véritable des rapports de pouvoir au travail.
Ces auteurs considèrent qu’on ne doit pas délaisser l’analyse des relations objectives de pouvoir et des rapports de propriété qui structurent le capitalisme. Une fois de plus, le débat en devient un de positionnement théorique sur l’importance de l’action (subjectivité) sur la structure (relations objectives de travail).
Quant au débat sur l’impact politique de la théorie des processus de travail, il se poursuit. Selon Jaros (2001), la théorie des processus de travail fournit une critique compréhensive du capitalisme et offre une vision du politique dans la sphère de la production qui permet de rendre compte de l’angoisse que provoque le capitalisme global tant chez le travailleur d’usine en Indonésie que chez le professionnel ou le gestionnaire travaillant dans une entreprise technologique. Toutefois, les résultats de ces travaux sont peu mobilisés pour favoriser l’essor d’un nouveau programme politique.
Cela inquiète plusieurs chercheurs. Au-delà des désaccords qui les opposent, les théoriciens des processus de travail se demandent toujours comment orienter leur recherche dans les années futures afin de renouveler et surtout de revitaliser la théorie critique.