Comme son nom l’indique, la méthode BBZ, ou budget base zéro, est une démarche de construction des budgets, dont le point de départ est en quelque sorte une page blanche .. : il s’agit d’évaluer les moyens financiers nécessaires aux départements d’une organisation, en faisant abstraction de leurs dépenses passées, comme si le budget était établi pour la première fois.
Dans une entreprise qui n’en est pas à son premier exercice budgétaire, « mener un BBZ », c’est comme faire un audit de ses dépenses : la démarche consiste à faire l’inventaire des besoins dans chacun de ses secteurs, à en questionner l’utilité au regard des priorités de l’entreprise et à réallouer les moyens financiers en fonction de celles-ci.
Cette démarche présente un autre intérêt : en s’intéressant aux activités réalisées dans un service, comme la méthode ABC, elle apporte un éclairage sur l’utilisation des ressources et par là même sur des pistes d’optimisation.
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Table de matières
Principes et intérêts de la méthode BBZ
Faire abstraction des dépenses passées, est le premier principe de la méthode BBZ. Cela ne veut pas dire construire un budget à partir de rien, mais cesser de considérer le budget passé comme un acquis.
L’entreprise est en évolution permanente : elle doit s’adapter à son environnement et doit pouvoir mobiliser ses ressources là où elles sont le plus utiles.
Elle se démarque en cela de l’approche traditionnelle consistant à construire les budgets à partir des dépenses passées, en les incrémentant de l’inflation, du coût des changements à venir, et d’un coefficient d’incertitude, en prévision d’aléas … et surtout des risques de réduction budgétaire.
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La méthode traditionnelle paraît simple,rapide et, comme elle s’appuie sur du réalisé, donne l’impression de cerner l’essentiel. Elle a pourtant un inconvénient majeur : elle n’amè ne pas les responsables budgétaires à s’interroger sur les vrais besoins de leur service, à argumenter pour les obtenir.
À l’échelle de l’entreprise, elle peut conduire à une mauvaise allocation des ressources : à un gaspillage des moyens dans certains secteurs, alors qu’ils se révèlent insuffisants dans d’autres.
La méthode BBZ rétablit, ce qui fait défaut dans cette approche, le lien entre les dépenses budgétées et ce à quoi elles vont servir : les activités, les opérations, et surtout les objectifs qu’elles permettent de réaliser.
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La démarche BBZ va cependant plus loin. Elle incite les responsables à mener une véritable réflexion d’organisation, à évaluer la qualité des opérations de leur service et à questionner leur niveau d’utilité par rapport aux objectifs, ces deux axes permettant ensuite de définir des priorités d’action et d’allouer les moyens en fonction de celles-ci, à l’échelle de chaque service comme de l’entreprise prise dans son ensemble.
Cette démarche est bien celle qui est me née en production ou dans le domaine commercial. Pour d’autres fonctions, le lien entre les moyens mis en œuvre et la contribution apportée aux opérations de l’entreprise et à ses résultats est moins évident, de sorte qu’on en est venu à rassembler leur coût sous le terme générique de «frais généraux », qui résonne comme quelque chose de vague, d’indéfinissable, mais aussi de pesant et d’incontournable et aboutit à lui assigner un seul objectif : les réduire ou tout au moins en limiter la progression !
C’est là l’erreur : restreindre, par exemple, les ressources allouées au service accueil dans une entreprise sans considération de son rôle, c’est potentiellement prendre le risque de répondre de manière moins réactive aux clients ou aux fournisseurs, de dégrader l’image de l’entreprise ou d’entamer sa sécurité.
Les résultats de l’enquête menée par la Cegos sur les fonctions supports1 montrent qu’en 2005 leur coüt représentait en moyenne 18 % du chiffre d’affaires des entreprises et 45 % de leur valeur ajoutée et que ses effectifs pesaient pour 27 % de l’effectif total.
Cela confirme-t-il la nécessité de réduire leur coüt? Pas nécessairement ou, en tout cas, pas sans avoir considéré leur contribution dans l’entreprise, ce qu’on attend d’elles, et sans avoir évalué les moyens nécessaires à la réalisation de leurs objectifs. C’est le sens de la démarche BBZ.
La mise en œuvre d’un budget base zéro
La démarche de remise en question amenée avec un BBZ concerne tous les acteurs d’une entreprise. Elle peut sembler volontariste.
Le fait de mettre à plat le fonctionnement de chaque service génère inévitablement des peurs de ce qui va être mis au jour (dysfonctionnements, activités sans réelle valeur ajoutée, sous-activité) et, plus tard, de ce qui va être bousculé (définitions de fonctions, habitudes, méthodes de travail. .. ).
Pour autant, elle ne justifie pas que ceux qui accompagnent son déploiement avancent de manière plus ou moins masquée, car la pertinence de ses conclusions est étroitement liée à la qualité des informations recueillies.
Communiquer sur les objectifs du projet, même quand ils sont ambitieux, est impératif pour obtenir l’implication des collaborateurs dans le projet. Structurer la démarche également : c’est le rôle du contrôleur de gestion.
État des lieux
La première étape d’une démarche BBZ consiste à identifier :
les principales activités réalisées dans un service (et avec elles les prestations rendues) ; des indicateurs de volumes d’activité sur une période donnée, nombre d’appels téléphoniques, de factures traitées, de tableaux de bord produits … ;
les moyens dédiés et leur coût, suivant la même logique que dans la méthode ABC.
Elle permet de matérialiser le lien entre les dépenses et ce à quoi elles servent, donc d’élargir la réflexion budgétaire bien au-delà des coûts, vers le mode d’organisation des opérations.
Diagnostic du fonctionnement en place
La qualité des prestations rendues
Pour dimensionner les ressources, la première question d’un responsable budgétaire est de savoir si les prestations sont en adéquation avec les attentes de ses clients, en d’autres termes si la qualité est satisfaisante.
Si elle ne l’est pas, il doit travailler à l’améliorer et envisager, si nécessaire, une augmentation des moyens qui lui sont consacrés.
En pratique
Pour une prestation d’entretien, il peut être nécessaire d’accroître la fréquence des interventions dons les locaux d’accueil ou dons ceux de la production, plus critiques pour l’image de l’entreprise par rapport aux bureaux administratifs .. . en augmentant le volume d’heures de prestations, en le réollouont ou en formant mieux les personnes à Io réalisation de certaines prestations.
Si la qualité des prestations est satisfaisante, le responsable doit néanmoins se demander dans quelle mesure il n’est pas possible de réduire les ressources dédiées, sans porter atteinte à la satisfaction des clients.
La surqualité peut s’installer dans les entreprises, sans qu’on y prête attention. C’est pourquoi il faut comparer le niveau de service rendu avec celui qui est effectivement attendu.
Cette réflexion et les coûts associés peuvent prendre la forme d’un budget modulaire, qui va aider à réaliser les arbitrages.
En pratique
Budget modulaire d’un service administration des ventes
L’ajout de la prestation d’archivage répond aux obligations légales de l’entreprise ou peut faciliter certaines analyses, mais ne modifie pas significativement le service rendu au client.
L’utilité des activités
La deuxième question d’une telle démarche est celle de l’utilité des activités réalisées.
Cette question peut paraître incongrue à tout collaborateur, tant chacun est convaincu de ne faire au quotidien que des choses utiles. La mise en évidence d’activités redondantes entre deux services, par exemple, peut remettre en cause de telles certitudes. Cette question n’attend pas une réponse binaire du type utile/ inutile ; elle a pour but de classer les différentes activités en fonction de leur degré d’utilité et de définir des priorités dans l’allocation des ressources.
Dans un contexte où les ressources disponibles sont limitées, définir si les activités d’un service sont indispensables, utiles ou souhaitables prépare le responsable budgétaire à réaliser lui-même ces arbitrages.
En pratique
Dans un service administration des ventes, les activités correspondantes pourraient être:
- traiter les commandes (indispensable) ;
- mettre à jour le fichier clients (utile) ;
- archiver les factures (souhaitable). Pour cette dernière activité, il est plus facile d’en réduire la fréquence ou de la différer, si les ressources ne sont pas disponibles.
À l’échelle de l’entreprise, l’utilité se définit aussi par rapport aux priorités stratégiques du moment et constitue le critère principal pour allouer les ressources entre les différents services.
En pratique
En l’an 2000 ou lors du passage à l’euro, la priorité a dû être donnée aux activités consacrées à l’adaptation des systèmes d’information et aux ressources qui leur étaient consacrées.
Les solutions alternatives
La dernière question qui se pose quand il s’agit d’optimiser l’utilisation des ressources est celle des solutions alternatives : pour améliorer le niveau du service rendu, être plus efficace dans sa réalisation et/ou en réduire le coût.
Elle se pose en priorité pour les activités, pour lesquelles l’équation « coût, qualité, délai » n’est pas complètement satisfaisante.
Réfléchir à d’autres alternatives consiste à s’interroger notamment sur l’intérêt de:
- faire ou faire faire ? Réaliser en interne ou sous-traiter à un prestataire le traitement de la paye, par exemple ?
- centraliser ou décentraliser ? Par exemple, partager ou non la préparation des provisions de fin de mois entre la comptabilité et les services opérationnels ;
- traiter manuellement ou informatiser? Cela peut consister en l’évaluation du processus achat : peut-il se satisfaire de documents papier et l’e-mails, ou bien faut-il intégrer le traitement des commandes dans un module du progiciel de gestion intégré de l’entreprise (PGI, ou ERP le sigle anglais) ?
- spécialiser ou déspécialiser ? On pourra se demander si toutes les prestations de maintenance nécessitent le recours systématique au service concerné, en interne ou en externe, ou si elles peuvent être effectuées jusqu’à un certain point par les opérationnels.
L’évaluation des alternatives passe par leur comparaison avec la situation existante, en termes de coût, de qualité et de délai. Pour faciliter la discussion avec le management et orienter son choix, elle doit mettre en évidence les avantages et les inconvénients (ou les risques) propres à chaque solution et le degré de faisabilité opérationnelle.
En pratique
Une étude d’alternatives pour l’organisation des déplacements
L’apport de l’assistante accueil dans l’organisation des déplacements peut être considéré comme de faible valeur ajoutée, compte tenu de la facilité d’accès aux systèmes de réserva tion sur Internet. Toutefois, il ne faut pas négliger son rôle en termes de contrôle du processus. La première alternative est intéressante pour les mêmes raisons, mais d’autres dispositifs de contrôle doivent être mis en place pour prévenir les dérives, liées aux préférences individuelles !
Consolidation des résultats des différents services et arbitrage
La consolidation des résultats de l’étude BBZ consiste à classer, à l’échelle de chaque direction ou pôle d’activité, puis de l’entreprise dans son ensemble, les activités et leurs coûts associés en fonction de leur degré d’utilité.
L’analyse de la direction, pour être pertinente, doit ensuite s’appuyer sur les éléments de diagnostic produits par les différents services, qui vont l’aider à :
- décider des activités qui peuvent être supprimées sans porter atteinte à la qualité des prestations rendues par l’entreprise ;
- réduire les coûts associés à ces activités ou réallouer les ressources vers des activités plus prioritaires ;
- choisir les alternatives à mettre en place à court ou à moyen terme et décider des études à mener pour évaluer la pertinence des alternatives qui se rélèvent plus complexes à arbitrer.
Le budget qui découle de ces arbitrages est le budget en base zéro. Compte tenu des ressources qu’elle mobilise à l’échelle d’une entreprise, il n’est pas envisageable de renouveler l’opératio n tous les ans. En revanche, elle peut être bénéfique sur une échéance de trois à cinq ans, surtout quand les collaborateurs de l’entreprise sont familiarisés avec ses objectifs et sa mécanique.
Ce qui fait l’intérêt du BBZ, au-delà de l’effet « grand nettoyage « , c’est l’état d’esprit qu’il insuffle dans la construction des budgets : en invitant les responsables budgétaires à mener une véritable réflexion, au-delà des coûts, sur l’organisation de leur service, sur leurs objectifs, leurs priorités et leurs méthodes de travail.
Ils apprécieront certainement aussi, dans les fonctions supports notamment, de mettre en perspective le budget qu’ils viennent négocier avec la valeur ajoutée apportée par leur service.
La productivité reste un maître mot dans les entreprises, surtout dans un contexte de crise, avec des ressources plus que jamais limitées. Ce n’est plus tout à fait un » gros mot .. si les arbitrages portent sur les prestations rendues, leur fréquence, leur niveau de qualité, leur degré de priorité et sur la manière de travailler, avant de s’intéresser au coût des ressources utilisées.
En pratique
Exemple de consolidation des résultats d’un BBZ