Le terme « e-logistique » est aujourd’hui un concept en plein développement. Les journaux professionnels en parlent et des entreprises s’orientent sur cette niche en se présentant comme des spécialistes de cette nouvelle discipline. Telle qu’elles se présentent, leurs pratiques opérationnelles encore marginales aujourd’hui feront d’elles les prestataires logistiques de demain.
Nous allons tenter dans cet article de comprendre et de vérifier si cette nouvelle notion n’est que le reflet d’un effet de mode et de distinction commerciale sans réelle valeur ajoutée ou si, au contraire, elle englobe un certain nombre de pratiques et de contraintes qui lui sont spécifiques.
Table de matières
contraintes de la e-logistique
Nous allons dresser dans cette partie une liste des contraintes qui nous semblent propre à la logistique appliqué au e-commerce ; liste qui, bien entendu, n’a pas la prétention d’être exhaustive mais qui, à notre humble avis, est un reflet somme toute fidèle d’un certain nombre de points à ne pas négliger dans l’établissement d’une chaîne dite « e-logistique ».
Dans un soucis de clarté nous partirons de la prise de commande puis déroulerons le processus jusqu’à la livraison au client final.
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Mais auparavant nous nous devons de préciser le caractère particulier que revêtent les relations commerciales existant entre un Web – Marchand et ses clients. En effet, nous pouvons lister à priori plusieurs points qui viennent renforcer les attentes des clients, et ce de manière quasiment inconsciente pour ces derniers:
- Le caractère High-Tech du vecteur de communication
l’internaute passant commande via son ordinateur utilise un mode de communication haut de gamme et attend un service à la mesure. Tant au niveau du service client qui lui sera proposé si il entre en relation téléphonique avec la société marchande, qu’au niveau de l’organisation de la chaîne logistique ou de la qualité de la livraison qui lui sera faite (le terme « livraison en gants blancs » y est d’ailleurs souvent associé).
- Le fait que ce dernier a payé d’avance
le client paye la prestation qui lui sera faite en avance. Bien que généralement le compte bancaire du client ne soit débit que lors de la remise des marchandises au transporteur, celui-ci considère qu’il paye au moment de la passation de commande, c’est-à-dire au moment ou il renseigne ses coordonnées bancaires sur le site.
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Donc, bien que certains sites stipulent qu’un délai de plusieurs jours est nécessaire avant l’expédition, le client, dés la passation de commande effectuée se considère comme propriétaires des marchandises commandées et les attend donc avec la plus grande impatience.
Il arrive même de voir certain clients qui, suspicieux devant le paiement via Internet, préfèrent poster leur règlement par chèque et téléphonent pour réclamer et se plaindre du retard de la marchandise alors qu’ils ont oubliés de poster le chèque (à savoir qu’un web marchand n’expédie la commande qu’en possession d’un moyen de paiement).
Dans ce cas, le simple fait de renseigner la case « paiement par chèque » sur le site les renvoie à l’appropriation anticipée de la commande.
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- Une commande passée à domicile facilement doit être livrée à domicile facilement
ce point peut sembler n’être qu’un agrégat des deux précédents mais intègre pourtant des notions supplémentaires : même si le client a passé plusieurs jours à rechercher un produit puis à comparer les prix entre différents sites marchands, la validation de sa commande ne s’est faite qu’en un seul click. Il entend donc bien que le reste du processus de livraison soit aussi simple que ce petit geste de l’index.
De plus, la commande a été passée depuis son domicile et le client préférera un site marchant lui garantissant une livraison a domicile plutôt qu’un site lui proposant les services d’un relais colis (commerçant de proximité affilié chargé de réceptionner les marchandises ; utilisés parfois de manière systématique par les sites de vente pour éviter la complexité des livraison B to C).
Il conviendra donc au Web – Marchand de n’utiliser les relais colis qu’en cas d’impossibilité de livraison au client (absence de ce dernier par exemple) et de bien en stipuler l’utilisation exceptionnelle sur son site comme une solution de recours.
Une fois ces attentes inconscientes des clients relevées, nous pouvons en lister certaines qui sont quant à elles exprimées très clairement et font partie intégrante de la prestation attendue.
- Des délais courts
tel que nous l’avons vu préalablement, le client a passé sa commande relativement rapidement et s’est déjà approprié les marchandises commandées. Il aura donc tendance à souhaiter recevoir ses produits dans les meilleurs délais.
- Des délais fiables
au delà de la rapidité de livraison souhaitée, le client attendra une grande fiabilité dans les délais annoncés. Il sera préférable pour un site marchand d’annoncer des livraisons sous 5 jours et de réaliser ses livraisons sous 5 jours voir dans un délais inférieur que d’annoncer des livraisons sous 48 heures et de ne pas réussir à s’y tenir.
Il est de plus à noter qu’une livraison en 48 heures retardée à cause de l’absence d’un client restera dans l’esprit de ce dernier comme une livraison manquée sans se souvenir de sa responsabilité dans le retard, tandis qu’une livraison annoncée sous 5 jours réussie en 3 ou 4 lui apportera la plus grande satisfaction et le confortera dans son choix du site marchand.
- La disponibilité des produits
lors d’une passation de commande en Vente Par Correspondance traditionnelle (via un support catalogue), le client admettra une possible indisponibilité des articles liée à une rupture post impression des catalogues. L’identique n’est pas valable sur Internet car le client est conscient du caractère « vivant » du site internet.
Cela dit, il ne mesure pas forcement la complexité de l’actualisation du site et souvent n’imagine pas que le site Internet ne représente que la partie immergée de l’Iceberg. Il ne peut donc être conscient de la difficulté technique qu’il peut y avoir à mettre en lien dynamique le site Internet et les stocks disponibles.
- Des frais de livraison minimum
Le client attend de payer son article sur Internet au même prix voir un petit peu moins cher que via le canal traditionnel. Il aura donc tendance à comparer les prix entre les deux modes de distribution et n’acceptera pas une différence de prix majeure liée aux coûts de livraison.
Prenons l’exemple du vin pour illustrer ce point : Une référence est vendue au prix de 6 euros. Si le coût de transport d’une caisse de 6 bouteille revient a 9 euros, soit 1,5 euro / col (25% du prix d’achat de la bouteille), le client aura forcement des réticences à valider son achat. Plus les articles achetés seront cher (donc plus le coût du transport dilue), moins le coût de transport sera un frein à l’achat.
- Traçabilité
Majoritairement, avoir payé en avance, le client souhaite être informé régulièrement sur la progression de sa livraison. Web marchant doit rassurer son client en lui proposant des outils du contrôle de la prestation. Chaque vendeur propose un type de traçing fonction de ses systèmes d’information.
Souvent il s’agit d’une simple confirmation par e-mail de remise du colis au transporteur, ce qui n’est guère satisfaisant pour le client.
Apres avoir évoqué ces attentes client tant conscientes qu’inconscientes, nous allons maintenant aborder des contraintes plus spécifiquement opérationnelles.
contraintes liées à la préparation
Multiplicité des clients : À la différence des entreprises traditionnelles fonctionnant en Business to Business, les clients sont dans le cas qui nous concerne, des consommateurs finaux. Il n’est donc pas rare d’avoir à gérer des bases de données composées de plusieurs dizaines de milliers de clients différents.
Multiplicité des commandes : De la même manière, si nous traitons un nombre élevé de clients, le nombre de commandes sera donc lui aussi particulièrement grand. En revanche, le nombre de lignes de chacune des commande sera généralement assez faible (1, 2, voir 3 articles différents). Les coûts logistiques fixes lies au traitement d’une commande ne seront donc dilue que dans un petit nombre de lignes par commande.
Foisonnement des cas particuliers (commandes partielles servies / en attentes, stocks réservés…) : A chaque commande client qui ne pourra pas être intégralement servie et donc expédie pour différentes raisons (attentes des produits de la part du fournisseur, erreur de stock etc….) correspondra un cas particulier cite en titre.
Modification des unités traitées (des stocks à la palette / des préparations à l’unité) : A la différence d’un entrepôt et d’une préparation de commande traditionnelle, il faudra ici passer d’unités logistiques à la palette en réception à des préparation et expéditions faites à l’unité la plus fine.
Réactivité : A pour B ou pour C n’importe où sur le territoire : Tel que nous l’avons déjà mentionne, les clients ont plutôt tendance a souhaiter des délais de livraison relativement compresse. Il conviendra donc a l’entreprise d’avoir des procédures permettant une réactivité optimum.
Contraintes liées à la gestion des stocks (2 options)
- soit tous les produits sont présents sur stocks pour compresser les délais de livraisons client au risque d’exploser la valeur des stocks et d’augmenter l’obsolescence et la mise au rebus des invendus
- soit une gestion en « Drop Shipping » : approvisionnement auprès des fournisseurs sur consolidation des commandes client avec risque d’allongement des délais de livraison
Contraintes liées à la distribution
Dispersion géographique des clients : La livraison à domicile est le mode de livraison préfère par un web acheteur. Comme nous l’avons mentionné, aller chercher ses articles à la poste ou chez un relais n’entre pas dans le service qu’il a acheté. La dispersion géographique des clients complique la tâche par le maillage en logistique de livraison qu’il s’agira de mettre en place.
Difficulté d’approche relative à la livraison à domicile : Les prestataires sélectionnes pour la livraison devront avoir une très bonne connaissance de leur zone de livraison (arrondissement, plan des rues, cartes précises pour les livraison en milieu isole) et avoir reçu des informations extrêmement précises (Numéro de Digicode, Etage, Entrée d’immeuble (A, B ou C par ex) etc….)
Fenêtre de livraison restreinte : Bien que l’utilisation de l’Internet se démocratise, il n’en reste pas moins que la majorité des clients reste des actifs qui ont donc des contraintes fortes en terme de disponibilité. Les fenêtres de livraison seront donc situées le matin relativement tôt, le soir après les heures de travail habituelles ou le samedi.
Une multiplication des prestataires : Tel qu’évoqué préalablement, la dispersion géographique des clients entraînera souvent une multiplication de prestataires pour assurer les livraisons ; d’où une gestion parfois délicate en terme de flux d’informations ou de contrôle (facture et délais)
L’Internalisation des processus de livraison : Solution coûteuse de part la flotte de véhicules et de chauffeurs à mettre en place.
Difficulté d’utiliser des expressistes : Pour que le client obtienne sa marchandise à temps, le vendeur crée des liens partenaires avec les transporteurs expressistes.
Ces derniers hésitent a se positionner sur la niche des prestations aux particuliers, car cela entraîne des difficultés et des coûts supplémentaires : personnel qui travaille à des heures indues pour que le client puisse être livré le soir après son travail re-livraisons fréquentes pour cause d’absence du destinataire etc….. Cela, naturellement, coûte plus cher aux expressistes qui préfèrent donc se focaliser sur leur activité traditionnelle de B to B.
Contraintes liées aux systèmes d’information
Multiplicité des commandes : Cela requiert un système d’information qui puisse traiter un grand nombre de commandes. Avec le ‘click’ du client, le système doit passer les ordres à tous les services concernés : service achat (si la marchandise n’est pas sur stock), service logistique pour préparation, tout en en vérifiant la disponibilité des articles et service de l’administration des ventes en approuvant (ou pas) le mode du paiement du client.
Lien front/back office (mise à disposition des informations quant à la disponibilité des produits lors de la passation de la commande client) : La passation de commande par les clients nécessite une système d’information actualisé : l’information sur la disponibilité des produits en stock doit être régulièrement mise a jour en lien avec le back office (gestionnaire du stock/service logistique) sur le site du vendeur pour assurer les meilleurs délais de livraison et fidéliser les clients. Cela permet d’éviter des retards de livraison voir des non-livraison, qui sont mal vu par le client. En cas de rupture de stock le client doit être tenu informé sur les délais de livraison possibles.
Systèmes de tracking : La traçabilité est un moyen de contrôle de la prestation logistique indispensable pour un web acheteur dès l’enregistrement de la vente.
Une fois la commande passée, la traçabilité reste le seul lien entre le client et le vendeur qui permet de suivre chaque étape de la prestation. Cela commence par le traitement administratif : l’enregistrement et la validation de l’achat, choix de mode du paiement et son validation, pour ensuite suivre l’ensemble du processus logistique : la mise en préparation de la commande, son expédition et finalement,
le suivi du transport : départ, étapes de transit, point et date d’arrivée avant livraison finale, dédouanement en cas d’un colis international et enfin confirmation de livraison. En cas de rupture de stock sur certains produits de la commande, le client doit en être informe et des solutions proposées. Soit il accepte que sa commande lui soit livrée partiellement, soit il attendra une livraison complète à une date ultérieure.
Contraintes liées à l’imputation des coûts
Aujourd’hui, le web commerçant ne peut plus se permettre d’exonérer le client du paiement d’une partie des frais logistiques. Nous ne parlons ici que d’une partie car ce dernier a déjà des difficultés à accepter de payer l’intégralité des frais de livraison si ceux-ci lui étaient facturés.
Cela vient du fait que le client n’est pas conscient des frais additionnels qu’il supporte lorsqu’il va faire lui-même ses courses (frais d’essence, temps passé, frais de parking, exécution des opérations de manutention). Dés lors, inconscient de ces surcoûts, il ne peut comprendre qu’un professionnel les lui re-facture.
En conclusion et pour résumer notre travail, nous rappellerons quelques points principaux caractérisant les contraintes liées au e-commerce et à la e-logistique :
- Complexité des systèmes d’information
- Complexité des flux
- Complexité des organisations
- Difficile répercussion des coûts au client
Le schéma de distribution logistique du commerce électronique n’est pas unique, il n’existe pas de « One Best Way » applicable. Les réponses apportées par la e-logistique diffèrent en fonction de la nature des produits vendus et des services annoncés sur son site marchand. En fonction de ce choix, le e-logisticien s’adaptera à la demande de son client.
Nous espérons, au travers de cet article, vous avoir sensibilisé au fait que la e-logistique est une organisation spécifique à laquelle ne peuvent être appliquées les règles logistiques usuelles.
Une entreprise traditionnelle désireuse de se tourner vers le e-commerce devra donc structurer son organisation autour de ces contraintes et construire ses circuits de flux en dehors de ses processus habituels.
La logistique est-elle un enjeu stratégique pour le e-commerce ?
La e-logistique, on l’a vu, présente ses spécificités propres et s’avère être d’une grande complexité. On peut alors se demander quelle est la nécessité de mettre en place de tels systèmes. Autrement dit est ce que la logistique est réellement un axe stratégique du business plan dans le e-commerce et par conséquent est il dangereux de la négliger ?
Pour répondre à cette question nous nous appuierons sur un constat historique.
En 1998, le facteur logistique est en onzième position des conditions favorisantes le développement du commerce électronique. En 2000, la situation s’est inversée puisque toutes les entreprises insistent sur l’importance du facteur logistique.
Les jeunes pousses, « Start Up », sont de plus en plus nombreuses à étudier le volet logistique en amont de leur projet, juste après les questions d’architecture informatique et les problématiques de paiement sécurisé. Aujourd’hui, de nombreux sites marchands mettent en avant leur offre logistique au même niveau que leur offre produit.
Comment expliquer cet intérêt de plus en plus grand pour la e-logistique. N’est-ce pas l’illustration d’une prise de conscience de la part des acteurs de ce marché ?
Le marché est devenu plus mature et a tiré les leçons de l’échec des nombreuses entreprises qui ont sombrées à la fin des années 90. Tout comme le fait que la logistique soit l’objet d’une réflexion approfondie depuis les années 70 aux Etats-Unis et depuis les années 90 en Europe, le jeune marché du commerce électronique a appris à ses dépends qu’il ne pouvait négliger plus longtemps le paramètre de la stratégie logistique et ce pour plusieurs raisons.
D’abord, puisqu’il s’agit d’achats immatériels, le client n’a pas de contact direct avec un vendeur, un magasin ou le produit physique. Le client se fait une idée de la qualité de service seulement par la qualité de la livraison (respect des délais, intégrité de la marchandise, prix de la prestation…). Un client insatisfait de la livraison lors de son premier achat, ne renouvellera pas une passation de commande sur le même site. La logistique mise en place est donc essentielle en terme de fidélisation du client.
Elle peut aussi devenir un argument d’attractivité par les délais proposés ou par le prix répercuté au client. Grâce à l’Internet il est possible au client de comparer très facilement les prestations. De plus le paradoxe engendré par l’acte d’achat sur l’Internet est que si l’achat est immédiat, il y a un délai très long pour la livraison.
C’est pourquoi, les compagnies engagées dans le e-commerce B to C mettent en avant des délais de livraisons de plus en plus court ou des tarifs dégressifs ou nuls pour les frais de ports. La logistique mise en place derrière ces contraintes permet d’avoir un avantage concurrentiel à produit égal par rapport à ces concurrents.
Enfin, le site Web étant la vitrine ou « front office » virtuel, la notion de magasin devient obsolète (économies de coûts en locaux, personnel, charges).Il est alors possible de proposer une très large gamme de produits. Ce large choix fait parti d’une stratégie logistique.
Elle est vecteur de la différenciation stratégique marketing mais aussi logistique. Elle implique la gestion d’un nombre plus élevé de référence dont le taux de disponibilité est garant de la qualité de la prestation offerte au client.
Pour toutes ces raisons, on peut dire que dans le e-commerce au même titre, voire peut-être plus que dans n’importe quelle industrie, la logistique est un axe stratégique majeur.
Conclusion
La e-logistique liées au commerce B to C présent donc des particularités qui n’ont pas forcément été prises en compte au début du développent de ce type de business.
Malgré cela, les entreprises qui ont résistées à l’explosion de la « bulle » spéculative attachée à cette activité ont su s’adapter et prendre en compte les spécificités de la e-logistique dues au caractère de la prise de commande, de la complexité de la livraison individuelle, de la gestion du lien front et back office etc….
La logistique est donc maintenant intégrée au niveau stratégique très en amont dans la construction du business plan comme facteur déterminant permettant de répondre aux attentes élevées des clients.
Elle permet de limiter la volatilité de la clientèle et est partie intégrante des politiques de fidélisation des sites marchands. Elle agit donc directement sur la part de marché de l’entreprise.
La logistique est donc devenue un facteur de différenciation concurrentiel pour les acteurs du e-commerce.