Cet article se focalise sur l’acquisition d’un état de l’art sur la chaine logistique.
Table de matières
Définitions de la chaine logistique
Le terme « chaîne logistique » vient de l’anglais « Supply Chain » qui signifie littéralement « chaîne d’approvisionnement ». La chaîne logistique est un domaine qui a suscité depuis des années l’intérêt de la communauté scientifique.
Plusieurs définitions ont vu le jour aussi intéressantes les unes que les autres : il n’y a pas une définition universelle de ce terme.
Dans cet article nous proposons un tour d’horizon de quelques-unes des définitions existantes. Ces définitions sont recensées dans le tableau suivant (Tableau 1) :
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Auteurs | Définitions |
[Christopher, 1992] | La chaîne logistique peut être considérée comme le réseau d’entreprises qui participent, en amont et en aval, aux différents processus et activités qui créent de la valeur sous forme de produits et de services apportés au consommateur final. En d’autres termes, une chaîne logistique est composée de plusieurs entreprises, en amont (fourniture de matières et composants) et en aval (distribution), et du client final. |
[Lee et Billington, 1993] | La chaîne logistique est un réseau d’installations qui assure les fonctions d’approvisionnement en matières premières, de transformation de ces matières premières en composants puis en produits finis, et de distribution des produits finis vers le client. |
[La Londe et Masters, 1994] | Une chaîne logistique est un ensemble d’entreprises qui se transmettent des matières. En règle générale, plusieurs acteurs indépendants participent à la fabrication d’un produit et à son acheminement jusqu’à l’utilisateur final – producteurs de matières premières et de composants, assembleurs, grossistes, distributeurs et transporteurs sont tous membres de la chaîne logistique. |
[Greis et Kasarda, 1997] | Un groupe d’entreprises qui sont légalement séparées mais stratégiquement alignées et opérationnellement interdépendantes. Elles s’intéressent aux opportunités spécifiques du marché. |
[Tayur et al, 1999] – [Stadlter et Kilger, 2000] | Une chaine logistique est un ensemble de relations clients/fournisseurs successives intégrant, pour chaque entité, les activités d’approvisionnement, de production et de distribution. |
[Tsay, 1999] | Une chaine logistique est un ensemble de deux ou plusieurs entreprises liées par des flux de marchandises, flux d’informations et flux financiers. |
[Stadlter et Kilger, 2000] | Une chaîne logistique est constituée de deux ou plusieurs organisations indépendantes, liées par des flux physiques, informationnels et financiers. Ces organisations peuvent être des entreprises produisant des composants, des produits intermédiaires et des produits finis, des prestataires de service logistique et même le client final lui-même. |
[Mentzer et al, 2001] | Un groupe d’au moins trois entités directement impliquées dans les flux amont et aval de produits, services, finances et/ou information, qui vont d’une source jusqu’à un client. |
[Rota-Franz et al, 2001] – [Monteiro, 2001] | Un groupe d’entreprises qui sont reliées par des flux de produits (flux bidirectionnel ou flux de sous-traitance) et des flux d’information (flux de données, flux de décision ou les métriques). |
[Govil et Proth, 2002] | Une chaine logistique est un réseau global d’organisations qui coopèrent pour réduire les coûts et augmenter la vitesse des flux de matières et d’informations entre les fournisseurs et les clients. |
[Génin, 2003] | Un réseau d’organisations ou de fonctions géographiquement dispersées sur plusieurs sites qui coopèrent, pour réduire les coûts et augmenter la vitesse des processus et activités entre les fournisseurs et les clients. |
[Lummus et Vokurka, 2004] | Une chaine logistique est toutes les activités impliquées dans la livraison d’un produit depuis le stade de matière première jusqu’au client en incluant l’approvisionnement en matière première et produits semi-finis, la fabrication et l’assemblage, l’entreposage et le suivi des stocks, la saisie et la gestion des ordres de fabrication, la distribution sur tous les canaux, la livraison au client et le système d’information permettant le suivi de toutes ces activités. |
Dans le tableau 1, les définitions proposées sont très variées mais reprennent cependant un certain nombre d’idées communes et évoquent toutes les mêmes éléments clés de la chaîne logistique suivant des visions différentes. Pour notre part, nous considérerons que la chaîne logistique peut ainsi se définir en tant que :
- Un ensemble des acteurs assemblés au sein d’une structure de fonctionnement régulée – Plusieurs définitions identifient l’ensemble des éléments (acteurs) existant au sein d’une chaine logistique. Une chaîne logistique est ainsi vue comme un réseau d’entreprises, d’installations, de sites, … et de client final. Ces acteurs sont, suivant des visions différentes, caractérisés par trois attributs: organisation, géographie et granularité décisionnelle. La structure topographique qui assemble tous ces acteurs peut être orientée selon deux visions : vision centrée « structure / entreprise » et vision centrée « produit / processus » ;
- Ayant un système de communication pour faciliter la circulation de produits et de l’information – De nombreuses définitions mettent l’accent sur le terme « flux ». Les flux sont ainsi vus comme les entités qui mettent en relation tous les acteurs impliqués dans la chaine logistique ;
- Dont le but de répondre à des besoins et d’atteindre des objectifs déterminés – Certaines définitions insistent d’avantage sur la finalité d’une chaîne logistique en introduisant la notion de « performance ». Cette performance étant principalement caractérisée par la satisfaction du client final. Fenies et Gourgand [Fenies et Gourgand, 2004] complètent cette vision de la chaîne logistique en distinguant la performance
collective (optimisation globale du fonctionnement de la supply chain) et la performance individuelle (maximisation du profit d’une entité).
Acteurs et structure de la chaine logistique
Pour caractériser la structure organisationnelle d’une chaîne logistique, le modèle le plus connu est celui de Lambert et Cooper [Lambert et Cooper, 2000] qui proposent une structuration tridimensionnelle d’un réseau logistique qui seraient « La dimension horizontale, la dimension verticale et la position de l’acteur dans la chaine logistique » :
La dimension horizontale (orientation structure / acteur)
Cette dimension structure la chaine logistique autour de l’entreprise (vue interorganisation) qui peut à son tour, selon une vision intra-organisationnelle, prendre diverses formes organisationnelles [Stadlter et Kilger, 2000] :
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- Structure organisationnelle d’acteur
Cette structure cible l’identité même de chacune des organisations impliquées dans la chaîne logistique. L’entreprise peut être représentée sous plusieurs formes d’organisation qui seraient:
1) L’entreprise traditionnelle est une organisation disposant d’une autonomie (processus d’élaboration complet d’un produit) et ses activités peuvent être décomposées en deux phases distinctes : l’activité productive (création de biens ou services) et l’activité de redistribution des richesses (en contrepartie des biens ou services) [Lexique, 2006].
Lorsque les différentes activités d’une même entreprise sont implantées sur des sites géographiquement distribuées, on parlera ainsi de l’entreprise multi-sites ;
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2) L’entreprise réseau est un ensemble d’entreprises juridiquement indépendantes liées par le cycle de production pour répondre à un besoin précis, chaque entreprise membre participe au processus d’élaboration partiel d’un produit ou un service, en créant alors une dépendance mutuelle avec les partenaires sélectionnés et évoluant autour d’une entreprise pivot [Julien, 1994].
La relation « donneur d’ordre » passe désormais de la hiérarchie traditionnelle à la collaboration en concluant un ensemble des ententes.
La chaine logistique se distingue du concept de l’entreprise réseau car cette dernière n’est pas obligatoirement orientée sur le processus d’élaboration complet d’un produit fini. L’entreprise virtuelle est considérée comme une entreprise réseau ayant une existence temporaire. Elle cherche à exploiter des opportunités volatiles sans superstructure organisationnelle importante ;
3) L’entreprise étendue est un groupe d’entreprises qui sont légalement séparées mais stratégiquement alignées et opérationnellement interdépendantes (en termes de ressources leur permettant d’atteindre les objectifs).
Elles s’intéressent aux opportunités spécifiques du marché [Greis et Kasarda, 1997]. L’entreprise étendue correspond à un très haut niveau de collaboration, il s’agit du stade ultime de l’entreprise réseau.
Les entreprises impliquées partagent un système de gestion (standard commun) permettant l’interopérabilité des différents systèmes de gestion associés à chaque entreprise.
- Structure organisationnelle de la chaine logistique
Selon Mentzer et al. [Mentzer et al., 2001], une chaîne logistique peut prendre trois formes possibles qui seraient:
1) Une chaîne directe, c’est la forme minimale de la chaine logistique, le réseau se limite à l’entreprise productrice, son fournisseur direct et son client final ;
2) Une chaîne étendue, c’est une chaine logistique directe qui inclut trois autres catégories d’acteurs: le fournisseur du fournisseur en amont ainsi que le client du client en aval ;
3) Une chaîne globale, cette forme de réseau tient compte de toutes les organisations impliquées dans la chaîne logistique. Ce type de réseau est très complexe à étudier.
Cette complexité est due au nombre de maillons présents et à la variété des relations existantes. Cette structure est aussi dénommé « l’étendue de l’intégration », Paché et Spalanzani [Paché et Spalanzani, 2013] proposent cinq niveaux de cette intégration qui seraient « inter-organisationnelle, inter-organisationnelle limitée, interorganisationnelle étendue, multi-chaines et sociétale ».
- Structure topographique de la chaine logistique
Beamon et Chen [Beamon et Chen, 2001] classent les structures topographiques de la chaîne logistique en quatre familles qui seraient « convergents, divergents, conjoints et généraux » (Figure 1).
Pour définir ces structures Cheyroux suit le trajet de matières dans la chaîne [Cheyroux, 2003] : dans une chaine convergente, la matière qui circule entre les sites converge vers un seul et même site qui est logiquement le lieu d’assemblage final. L’industrie navale ou encore aéronautique sont des bons exemples de ce type de chaîne.
Une structure totalement convergente signifie l’absence de réseaux de distribution pour la vente des produits. A l’opposé du cas précédent, dans une chaine divergente, la matière part d’un point unique et se distribue à travers la chaîne. Cela concerne par exemple l’industrie minière.
Une structure purement divergente est incertaine, car cela signifierait que le produit fini ne découle que d’un fournisseur amont. La juxtaposition de ces deux structures (convergente et divergente) forme une chaine conjointe.
Une chaîne générale / mixte n’est ni totalement convergente ni totalement divergente. Généralement, la topologie d’une chaîne logistique est donc de type « réseau » (Figure 2), avec des ramifications plus ou moins grandes [Galasso, 2007].
La dimension verticale (orientation produit / processus)
La dimension verticale structure la chaîne logistique autour d’un produit fini et de ses composants en se focalisant sur les fonctions nécessaires à sa production et à sa distribution vers le client. Ainsi, la chaîne logistique est considérée comme un ensemble des processus clés.
Cooper et al. [Cooper et al., 1997] et Lambert [Lambert, 2006] ont identifié dans leurs ouvrages les processus clés de la chaîne logistique qui peuvent être catégorisés en cinq macro processus « la planification, l’approvisionnement, la production, la distribution et la gestion de retour » :
- La planification – est un processus ayant pour but l’organisation des autres processus de la chaîne logistique. Il porte généralement sur trois activités fondamentales : la prévision de la demande, la gestion du stock et la planification de la production ;
- L’approvisionnement – est défini à travers les activités nécessaires pour récupérer de la matière première afin de fabriquer le produit. Le processus d’approvisionnement regroupe toutes les relations avec les fournisseurs pour assurer les niveaux de stocks en composants nécessaires et suffisants pour la fabrication ;
- La production – représente l’ensemble des activités nécessaires pour réaliser le produit, le fabriquer et le stocker. Il se base essentiellement sur la conception du produit et la gestion de la production et des services. Les méthodes utilisées pour la gestion de la production cherchent à améliorer le flux des produits dans les ateliers de fabrication à travers la planification et l’ordonnancement, etc… ;
- La distribution – englobe toutes les activités prenant en charge les commandes clients et leur livraison. Ce processus reprend les questions d’optimisation des réseaux de distribution : l’organisation et le choix des moyens de transport, le choix du nombre d’étages (ou d’intermédiaires) dans le réseau de distribution ainsi que le positionnement des entrepôts et leur mode de gestion ;
- La vente – mis en œuvre par le service commercial, elle développe les relations envers le client (négociation des prix et des délais, enregistrement des commandes, …) et par extension, recherche une meilleure connaissance du marché. Ce processus est également chargé de définir la demande prévisionnelle pour anticiper l’évolution de ses ventes;
- La gestion des retours (après-vente) – est un processus prenant en compte toutes les activités nécessaires pour gérer le retour du produit défectueux par le client ou par un autre maillon du réseau, leur réparation, voire leur destruction et/ou leur recyclage.
Le positionnement de l’acteur dans la chaine logistique globale
Cette dimension fait référence à la position qu’occupe une entreprise dans la chaîne. Chacun des acteurs peut être assimilé à un centre de décision.
Chaque centre de décision a la capacité de prendre ses propres décisions, en réponse ou non à des événements extérieurs qui influent sur l’environnement ou ils évoluent.
Pour les grands réseaux, Lambert et Cooper [Lambert et Cooper, 2000] et Min et Zhou [Min et Zhou, 2002] proposent de classer les acteurs de la chaîne en deux catégories :
1) Les membres essentiels (acteurs industriels majeurs contribuant à l’élaboration du produit) ;
2) Les membres secondaires (consultants, banques, partenaires de recherche, …).
La granularité décisionnelle d’un acteur dépend aussi de l’organisation décisionnelle des entités qui le composent :
1) L’organisation fragmentée est archaïque et n’a pas pour vocation une quelconque coordination entre les entités qui la composent ;
2) L’organisation centralisée est caractérisée par le contrôle d’une entité de l’ensemble de l’organisation, la coordination entre les entités se fait par l’intervention de l’entité de contrôle ;
3) L’organisation hiérarchisée est caractérisée par une structure dans laquelle les niveaux supérieurs définissent les contraintes et les objectifs à atteindre ;
4) L’organisation centralisée / hiérarchisée se caractérise par le fait que toute entité possède un centre de décision qui soit autonome dans ses prises de décisions à condition de respecter des contraintes globales fournies par le système de décision coordinateur.
Dans ces organisations, l’inconvénient réside dans le fait que ce type d’organisation est mal adapte à l’environnement actuel des entreprises.
Cela est dû à la difficulté ou à l’impossibilité de réunir l’ensemble des acteurs dans de telles structures en raison de leur appartenance à des organismes partenaires voire concurrents ;
5) L’organisation distribuée (organisation en réseau) se caractérise par le fait que chacun des centres de décision, qui représente un partenaire, est totalement autonome dans ses prises de décisions. Il n’existe pas de structure dirigeante de l’ensemble de l’organisation. Dans ce type d’organisation, il est difficile de mesurer la cohérence et l’influence que peuvent avoir les décisions prises localement sur le reste du système.
Flux dans la chaine logistique
Selon Rota-Frantz et al. [Rota-Frantz et al., 2001] et Monteiro [Monteiro, 2001], les entreprises appartenant à une même chaîne logistique sont reliées par des flux de produits et des flux d’informations :
Le flux de produits correspond au flux de matières (produit final, matière première, des composants d’assemblage, etc…) qui circulent au niveau de la chaine logistique de l’amont vers l’aval afin de fournir de la valeur ajoutée au client final.
L’écoulement du flux physique résulte de la mise en œuvre des diverses activités de manutention et de transformation des produits quel que soit leur état. Le flux physique est généralement considéré comme étant le plus lent des deux flux ;
Le flux d’information représente l’ensemble des transferts ou échanges de données entre les différents acteurs de la chaîne logistique. Il peut être partitionné en un flux de données, un flux de décisions et les métriques [Jihene, 2011] :
1) Les données informationnelles sont les données de gestion et les données informatiques;
2) Les données décisionnelles sont les données qui caractérisent une décision prise par l’ensemble des acteurs de la chaîne à long, moyen et court terme;
3) Les métriques sont les indicateurs et les mesures qui permettent de piloter la chaîne logistique et de mesurer sa performance à long, moyen et court terme. Traditionnellement, les flux de la chaine logistique étaient agencés séquentiellement, suivant un tracé linéaire de ses fonctions (Figure 3).
Mais grâce aux progrès des TIC (Technologies de l’Information et de la Communication), elle est devenue rapide, ce qui a produit un changement au niveau de l’organisation des flux de la chaîne logistique Monteiro, 2001.
Conclusion
Cet article, nous a permis de faire un tour d’horizon sur les différentes visions adoptées par la communauté scientifique dans la conceptualisation de la chaine logistique.
Ainsi, nous pouvons dire que le terme « chaîne logistique » reflète l’image statique d’un ensemble d’entreprises assemblés au sein d’une structure de fonctionnement régulée, ayant un système de communication pour faciliter la circulation de produits et de l’information dont le but est de répondre à des besoins et d’atteindre des objectifs déterminés ceci étant principalement caractérisé par la satisfaction du client.
En conclusion, l’émergence de la chaîne logistique a fait naître des besoins en matière d’intégration d’entreprises et de coordination des flux de matière et des flux d’information. C’est la gestion de la chaîne logistique qui englobe les approches, les méthodes et les outils permettant de répondre à ces besoins.