Avec les indicateurs de gestion, on est comme qui dirait dans le prolongement de la comptabilité analytique que nous avions présenté dans cet article. Le but est toujours de décortiquer l’entreprise dans tous les sens pour déterminer où sont les coûts, où se forment les profits…
bref, bien connaître son entreprise pour mieux la gérer. On va commencer par les soldes intermédiaires de gestion.
Table de matières
Les soldes intermédiaires de gestion
Les soldes intermédiaires de gestion (plus de détails ici) sont une série d’indicateurs financiers qui permettent de détailler la formation du résultat dans une entreprise. Il n’est pas obligatoire de les calculer (pas exigés par le fisc notamment) car rappelez-vous que l’on navigue du côté de la comptabilité analytique dans cette partie.
Ils sont principalement construits à partir du compte de résultat et reflètent donc l’activité de l’entreprise sur un exercice.
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Les soldes intermédiaires de gestion se calculent « en cascade », c’est-à-dire que l’on part des soldes les plus larges pour affiner de plus en plus au fur et à mesure jusqu’à arriver au résultat.
Explications.
Pour les entreprises de distribution on commence par calculer la marge commerciale qui se calcule : vente de marchandise – coût d’achat des marchandises vendues (c’est-à-dire le prix des marchandises plus les frais de port éventuels).
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A chaque fois on accompagnera la définition d’un petit exemple en italique pour éviter de le confondre avec le reste :
une entreprise suisse a une activité commerciale. Elle a acheté pour 10 000 au cours de l’exercice et a vendu pour 25 000. Marge commerciale : 25 000 – 10 000 = 15 000
Dans le cas d’une entreprise industrielle il est plus pertinent de commencer par s’intéresser à la production de l’exercice : production vendue + ou – production stockée
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Une production vendue de 100 et un stock qui augmente de 10 indique une production de 110. Logique, car si le stock augmente c’est que l’on a produit plus que l’on a vendu. A l’inverse une production vendue de 100 et un stock qui a baissé de10 signifie que la production n’a été que de 90.
Attention au passage à l’évaluation de cette production, car la production vendue est évaluée au prix de vente alors que la production stockée est évaluée au coût de production, et il peut y avoir une différence entre les deux. Mais on reparlera de ces choses-là (notamment de l’évaluation des stocks) un peu plus tard.
L’entreprise suisse a aussi une activité industrielle en plus de son activité commerciale. Au cours de l’exercice elle a vendue pour 20 000 et son stock a augmenté de 2 000. Production de l’exercice = 22 000
Ensuite on trouve la valeur ajoutée. Très important, la valeur ajoutée. C’est en ajoutant toutes les valeurs ajoutées de toutes les entreprises d’un pays que l’on calcule le fameux PIB (produit intérieur brut) dont la variation nous donne la tout aussi fameuse croissance économique. Où l’on voit que gestion d’entreprise et macro-économie sont moins loin qu’il n’y paraît. La valeur ajoutée, donc, se calcule de la façon suivante : marge commerciale + production de l’exercice – consommation en provenance de tiers (matières premières, électricité, papier pour l’imprimante…).
Dans les activités de services, majoritaires dans l’économie, on peut aborder la valeur ajoutée d’une façon plus parlante en faisant : chiffre d’affaires – valeur des achats faits pour exercer l’activité (marchandises, matières premières, autres services…)
Notre entreprise suisse a consommé pour 1 000 d’électricité, 10 000 de matières premières et 1 000 d’essence.
Valeur ajoutée : 15 000 + 22 000 – 1 000 – 10 000 – 1 000 = 25 000
On continue de dérouler et on arrive à l’EBE (excédent brut d’exploitation), parfois connu sous le doux nom de « marge opérationnelle », qui est parfois assimilé à l’EBITDA, son quasi-équivalent anglais (earnings before taxes, depreciation and amortization).
EBE = Valeur ajoutée – salaires + subventions éventuelles – impôts sur la production (taxes foncières notamment, attention, ce n’est pas l’impôt sur les sociétés).
L’entreprise suisse a payé 12 000 de salaires et reçu 1 000 de subventions
EBE : 25 000 – 12 000 + 1 000 = 14 000
Ensuite on trouve le résultat d’exploitation. Vous avez compris la logique, on part du solde précédent et on ajoute ou soustrait quelque-chose.
Le résultat d’exploitation est donc : EBE – dotation aux amortissements.
Ce qui nous amène à expliquer la notion d’amortissement. L’idée de l’amortissement est de prendre en compte l’usure du matériel. Car, puisque le matériel s’use, il faut passer chaque année une dotation aux amortissements qui est, disons les choses trivialement, de l’argent mis de côté pour racheter du matériel quand celui que l’on utilise sera déglingué.
Si par exemple une machine qui vaut 100 a une durée de vie de 10 ans, on prend en compte une charge de 10 chaque année que l’on appelle dotation aux amortissements. Ainsi, au bout de 10 ans on dispose à nouveau de l’argent nécessaire à l’achat d’une nouvelle machine.
Une autre façon de considérer le résultat d’exploitation est de dire qu’il correspond aux produits d’exploitation – les charges d’exploitation, mais je n’entre pas dans ces détails.
Notre bonne vieille entreprise suisse a passé des dotations aux amortissements à hauteur de 1 000. Résultat d’exploitation = 14 000 – 1000 = 13 000
On commence à voir le bout lorsqu’on arrive au résultat courant avant impôt. Il se compose du résultat d’exploitation + produits financiers – charges financières.
Les produits financiers sont des gains tirés d’éventuels placements financiers et les charges financières sont, vous l’aurez deviné, de l’argent qu’on a payé par exemple sous forme d’intérêts à la banque.
On aurait pu prendre un chemin légèrement détourné en calculant le résultat financier qui correspond aux produits financiers – les charges financières. Ensuite de quoi on aurait plus qu’à faire : résultat courant avant impôt = résultat d’exploitation + résultat financier.
L’entreprise suisse a perçu 1 500 d’intérêts sur des placements et a payé 2 500 d’intérêts à la banque.
Résultat courant avant impôt = 13 000 + 1 500 – 2 500 = 12 000
Puis on arrive au résultat exceptionnel = produits exceptionnels (exemple : vente d’un bâtiment) – charges exceptionnelles (exemple : frais de déménagement)
Ici c’est bien le caractère exceptionnel qui nous intéresse. La définition du terme « exceptionnel » peut être source de bien des prises de tête, mais l’idée est assez intuitive, c’est ce qui ne rentre pas dans l’activité normale de l’entreprise.
La vente d’un bâtiment n’est pas une activité normale, sauf bien sûr si vous êtes une entreprise immobilière. Ce qui permet de voir que l’exceptionnel n’est pas identique pour tout le monde.
Autre exemple : se prendre une amende est une charge exceptionnelle. Et pour tout le monde, car on ne connait toujours pas de secteur (légal) spécialisé dans la fraude et l’infraction.
L’entreprise suisse a subi des charges exceptionnelles à hauteur de 2 000. Résultat exceptionnel (qui serait plutôt dans ce cas une perte exceptionnelle) = -2 000.
Enfin nous bouclons la boucle en arrivant au résultat de l’exercice. On prend le résultat courant avant impôt + le résultat exceptionnel – l’impôt sur les sociétés – participation des salariés et, hop ! on obtient notre résultat.
Pour obtenir le montant d’impôt sur les sociétés on multiplie le résultat courant avant impôt par le taux d’impôt sur les sociétés, à savoir 331/3%. Remarquez la notation : 331/3. Le taux d’impôt sur les sociétés représente un tiers du résultat courant avant impôt, noter 33,33% serait donc inexact puisque 33,33% ne représente pas tout à fait un tiers. C’est pourquoi on dit « trente-trois un tiers », avec cette notation surprenante. La participation des salariés, c’est par exemple les plans d’épargne salariale.
Calculons le résultat de notre entreprise suisse en supposant qu’il n’y ait pas de participation des salariés.
On a: 12 000 (résultat courant avant impôt) – 2 000 (résultat exceptionnel) – 4 000 (12 000*0,331/3 soit résultat courant avant impôt multiplié par le taux d’impôt sur les sociétés) = 6 000
Nous voilà arrivé au bout de nos peines. Le résultat de l’entreprise pourra être distribué aux actionnaires sous forme de dividendes ou bien conservé à l’intérieur de l’entreprise. Il est bien évidement des cas où l’entreprise subit des pertes plutôt que de dégager un bénéfice grassouillet, mais ne parlons pas de choses qui fâchent.
Les soldes intermédiaires de gestion, par leur caractère « pas à pas », permettent de voir à quel niveau l’entreprise réalise des gains et/ou des pertes. Et c’est très important car une entreprise peut gagner (ou perdre) de l’argent à des étapes inattendues. Les soldes, seuls, perdent une bonne partie de leur intérêt.
Mais en les comparant à des entreprises semblables ou à la moyenne du secteur on verra mieux où l’on se situe et surtout à quel niveau de notre activité se situent nos forces ou nos faiblesses (information que l’on pourra réutiliser dans la matrice SWOT par exemple). Pour faciliter les comparaisons entre entreprises, on exprime parfois ces différents soldes en pourcentage du chiffre d’affaires.
L’analyse financière
L’analyse financière, disons que ça consiste en l’analyse méthodique de la situation financière d’une entreprise (mais on pourrait faire la même chose pour un Etat, une personne physique ou un projet particulier). Le but de cette analyse est de fournir, à partir de différentes sources d’information, une vision de l’entreprise qui fasse ressortir sa situation financière réelle.
On se situe donc clairement dans le prolongement de la comptabilité analytique, seulement qu’en analyse financière, on va élargir le champ d’étude.
L’analyse financière peut être utile pour tout un tas de choses, par exemple évaluer la solvabilité d’une entreprise (c’est-à-dire sa capacité à rembourser ses dettes), le dirigeant comme le banquier pourront ainsi savoir quelle quantité de dette l’entreprise peut supporter.
On peut aussi l’utiliser pour évaluer la valeur d’une entreprise. Dans le cas d’une introduction en bourse, d’un achat ou d’une vente d’actions par exemple, il faut bien avoir une idée de ce que valent les actions qu’on est en train d’échanger, on en reparlera. Et pour ça, lecteur attentif, il faut se plonger dans l’analyse financière.
Une analyse financière nécessite une étude approfondie de l’entreprise et de son environnement à partir de différentes sources :
Comptable : étude des documents comptables (bilan, compte de résultat), de la comptabilité analytique, en un mot une analyse interne à l’entreprise.
Analyse comparative : comparaison des informations internes à l’entreprise (bilan, compte de résultat, des soldes intermédiaires de gestion…) avec d’autres entreprises comparables pour savoir comment l’entreprise se situe par rapport à la concurrence. Pour évaluer la solvabilité ou la valeur des actions d’une entreprise, il faut bien se demander si elle ne va pas se faire croquer par la
concurrence incessamment sous peu…
Analyse économique : analyse de l’environnement général de l’entreprise, des risques et des menaces potentielles dans le futur. Là, vous l’avez compris, on se rapproche de notre bonne vieille matrice SWOT ; on lève le nez pour voir ce qui se passe ailleurs mais aussi pour essayer de se projeter dans le futur.
L’analyse financière, vous l’aurez compris car on l’a déjà dit mais on le répète car c’est important, ne se contente donc pas d’étudier uniquement l’entreprise et son activité, mais aussi les évolutions possibles de l’environnement qui l’entoure.
Prenons l’exemple d’une entreprise qui fabrique du matériel gériatrique. Ça ne va pas fort et les comptes ne sont pas brillants. Une analyse uniquement comptable, donc tournée vers le passé, conduirait à un diagnostic bien pessimiste. Mais en analyse financière, on va fouiner ailleurs. Et en fouinant, on apprend que la population est en train de vieillir, et même qu’elle va vieillir de plus en plus.
Comme le nombre de personnes âgées va augmenter, le nombre de clients potentiels va augmenter également puisque notre entreprise est spécialisée en gériatrie. L’analyse financière va donc révéler un futur beaucoup moins sombre qu’il n’y parait, et peut-être même qu’il peut se révéler fort judicieux d’investir dans une entreprise qui ne marche pas fort en ce moment mais qui a de belles opportunités de croissance.
L’analyse financière se divise donc en deux temps : un approfondissement de l’analyse interne de l’entreprise puis une étude de son environnement. L’analyse externe, on en avait déjà parlé dans la partie sur la stratégie, on ne va pas y revenir. Mais approfondissons l’analyse interne.
L’analyse interne
En plus des comptes annuels et des soldes intermédiaires de gestion que nous avons vus dans les pages précédentes, l’entreprise peut calculer d’autres indicateurs pour avoir une meilleure vision de sa situation financière. Voyons-en quelques-uns.
La capacité d’autofinancement
Abrégée en CAF, à ne pas confondre avec la caisse d’allocations familiales…rien à voir !
La CAF est une ressource interne dégagée par l’entreprise. Elle correspond au montant d’argent qui reste dans l’entreprise à la fin de l’exercice. Elle se calcule :
CAF = résultat net + dotations aux amortissements + provisions
Vite, une définition de provisions. Si une entreprise pense qu’elle aura une charge dans le futur, elle doit dès maintenant comptabiliser cette charge et mettre la somme correspondante de côté, c’est ça une provision.
Et cette démarche très petit-écureuil-prévoyant n’a rien de facultatif, c’est une obligation. Petit exemple : un procès est en cours que l’entreprise a de grandes « chances » de perdre l’an prochain et de se ramasser une prune de 100 000 €. Elle doit dès à présent comptabiliser une charge appelée provision et mettre 100 000 € de côté.
Son résultat sera donc diminué desdits100 000€.
La CAF, on l’utilise généralement pour juger de la capacité d’une entreprise à rembourser ses dettes ; autrement dit pour estimer sa solvabilité, apprenons à utiliser le vocabulaire technique. On scrute notamment le ratio dettes/CAF. Un ratio, inutile de le préciser, est un rapport entre deux grandeurs que l’on souhaite comparer en divisant l’une par l’autre.
Exemple : au cours de l’exercice, une entreprise belge a dégagé un résultat net de 100 000€. Vous excuserez au passage mon manque d’imagination, après l’exemple de l’entreprise suisse je n’ai pas trouvé mieux que l’entreprise belge ; dans le prochain exemple l’entreprise s’appellera-t-elle canadienne ?
Le suspense est intenable ! Notre entreprise belge donc a, en plus de son résultat net de 100 000€, comptabilisé des dotations aux amortissements pour 10 000€ et une provision pour 5 000€. Le montant de ses dettes est de 345 000€. Allez, calcule-moi le ratio dette/CAF, et que ça saute !
Tout le monde aura trouvé une CAF de 115 000€ (détail : 100 000 + 10 000 + 5 000 = 115 000) et un ratio dette/CAF de 3 (détail : 345 000 / 115 000 = 3)
Nous avons notre beau chiffre : 3. Il convient désormais de l’interpréter. Rien de plus facile, cela signifie simplement que notre entreprise pourra rembourser ses dettes en 3 ans.
La CAF, on l’aura compris, est très utilisée dès qu’il est question d’endettement. En général, les banques sont prêtes à prêter une somme dont le remboursement annuel représente au maximum la moitié de la CAF. Un petit exemple, vous ne pensiez tout de même pas que vous alliez y couper ? Une entreprise (à laquelle je ne donne pas de nom…) veut emprunter 1 million remboursable en dix ans. Soit un remboursement de 100 000 par an. La banque lui prêtera cette somme si sa CAF est d’au moins 200 000€, pigé ?
Le fondS de roulement
Tout le monde aura remarqué la majuscule finale. Car fonds de roulement, fonds de commerce, Fonds Monétaire International prennent tous un « s ». L’oublier reviendrait à toucher le fond du fond (pardon pour le jeu de mots facile).
Le fonds-avec-un-s de roulement, donc, correspond à la différence entre les ressources stables et les emplois stables. Autrement dit : Fonds de roulement = ressources stables (à plus d’un an) – emplois stables (à plus d’un an). Stable, on l’aura compris, est lié à la longévité.
Une dette avec une maturité inférieure à un an ou un stock de matière première ne sont pas considérés comme stables, on dit qu’ils sont circulants car ils n’ont pas vocation à rester plus d’un an dans l’entreprise. A la différence d’un bâtiment ou d’un camion par exemple, on anticipe qu’ils seront toujours là l’année prochaine.
Reste à décortiquer ces notions d’emploi et de ressource. Ici, on raisonne dans le bilan, d’où l’intérêt d’avoir bien intégré les parties précédentes, l’ordre de progression n’est pas (complètement) aléatoire. Rappelez vous le bilan, on avait l’actif et le passif. Et bien le passif correspond aux ressources, c’est des moyens de financement qui vont permettre à l’entreprise de fonctionner. L’actif c’est le volet emploi, ou comment l’entreprise a employé ses ressources ? Vous comprendrez mieux dans l’exemple qui va suivre.
Mais avant l’exemple, voici une autre façon de considérer le fonds de roulement, identique à la précédente :
Fonds de roulement = (capitaux propres + dettes à plus d’un an) – immobilisations (actif durable comme une usine, une machine, un camion).
Les capitaux propres et les dettes à plus d’un an sont une ressource stable et les immobilisations, ayant une maturité supérieure à un an, sont des emplois stables, on retombe bien sur la formule précédente : ressources stables – emplois stables.
Eclairons tout ceci avec un exemple : une entreprise canadienne a des capitaux propres d’une valeur de 200 000 CAD, des dettes à échéance 5 ans pour 100 000 CAD et des dettes à échéance 6 mois pour 10 000 CAD. Elle possède un hangar pour 80 000 CAD, une machine de 120 000 CAD, un camion de 50 000 CAD et un stock de matières premières nécessaires à la production de 60 000 CAD.
On dresse le bilan de notre entreprise : un peu de révision ne fait jamais de mal.
Actif Passif Actif immobilisé (+ 1 an) :
Hangar 80 000
Machines 120 000
Camion 50 000
Actif circulant (- 1 an) :
Matières premières 60 000
Total : 310 000Capitaux propres : 200 000
Dettes à 5 ans : 100 000
Dettes à 6mois : 10 000
Total : 310 000
On a bien total actif = total passif donc on peut raisonnablement croire qu’on ne s’est pas planté. Dans le cas du fonds de roulement, on va s’intéresser aux emplois et ressources durables, donc ayant une maturité supérieure à un an qui, vous l’avez peut-être remarqué, se situent en haut du bilan. C’est pourquoi on parle d’analyse de haut de bilan. Mais reprenons la formule du fonds de roulement : ressources stables – emplois stables.
Dans notre cas on a : Fonds de roulement = ressources stables (200 000 + 100 000) – emplois stables (80 000 + 120 000 + 50 000) = 50 000 CAD
Un fonds de roulement positif indique que l’entreprise a de manière durable des ressources pour faire face aux dépenses courantes. A l’inverse, un fonds de roulement négatif ou nul indique que l’entreprise doit financer ses dépenses courantes avec des dettes à court terme ou en puissant dans son épargne. C’est une situation dangereuse car l’entreprise peut être mise en difficulté en
cas de dépense imprévue.
Prenons l’exemple d’une jeune entreprise en forte croissance qui investit lourdement. Elle achète plein de nouveau matériel et a tout pour réussir à l’avenir.
Seulement elle a oublié un détail : ses investissements ne génèreront d’importantes rentrées d’argent que dans plusieurs années. D’ici-là, elle a massivement recours à la dette à court terme. Son fonds de roulement est donc clairement négatif et, bien qu’ayant un avenir radieux si l’on regarde le futur sur plusieurs décennies, notre entreprise risque de se retrouver à sec à court terme. On a
vu des entreprises couler pour ne s’être pas suffisamment préoccupé de leur fonds de roulement.
Pour prendre une comparaison un peu cavalière, c’est un peu comme une personne qui s’endetterait jusqu’au cou pour se payer des études très chères de façon à accroitre ses revenus à long terme, mais qui oublierait de se demander comment il va manger et se loger demain.
On peut également penser à la célèbre citation de John Maynard Keynes « à long terme, nous serons tous morts ».
En un mot, ne jamais oublier les besoins financiers de court terme ; ne pas oublier le fonds de roulement.
Le besoin en fonds de roulement
Puisqu’on en est au fonds de roulement, autant faire un pas de plus pour arriver au besoin en fonds de roulement (ou BFR). Le besoin en fonds de roulement correspond à la différence entre les besoins et les ressources engendrées par le cycle d’exploitation.
Prenons l’exemple d’une entreprise française qui fabrique des stylos qu’elle vend à Carrefour qui la paie à 3 mois (c’est-à-dire trois mois après la livraison), pratique courante qui fait régulièrement râler les entreprises industrielles mais là n’est pas la question. Pour produire, l’entreprise a dû engager des dépenses (salaires, matières premières…), il y a donc un décalage temporel entre le moment où l’entreprise dépense de l’argent et le moment où elle en gagne : c’est le besoin en fonds de roulement.
Besoin en fonds de roulement = créances client – dettes fournisseur
Une créance c’est quand on nous doit de l’argent, l’inverse d’une dette en quelque sorte. Notre entreprise a donc des créances sur ses clients (puisqu’on a dit que Carrefour lui doit de l’argent qui lui sera payé dans 3 mois) et des dettes fournisseurs puisque l’entreprise de stylo va elle aussi demander à ses fournisseurs des délais de paiement.
Si on met des chiffres sur notre exemple, on peut dire qu’aujourd’hui l’entreprise de stylos précédente a fabriqué et vendu pour 100 000€ à Carrefour qui lui seront payés dans trois mois et a payé ses fournisseurs le jour même.
Besoin en fonds de roulement = 100 000 – 0 = 100 000€
L’entreprise a pendant trois mois un « trou » de 100 000€ à combler.
Reprenons le même exemple mais en supposant désormais que l’entreprise paye ses fournisseurs pour une montant de 50 000€ à trois mois.
BFR = 100 000 – 50 000 = 50 000
Dans ce cas le besoin en fonds de roulement est plus faible puisque, lorsque l’entreprise sera payée par Carrefour, elle paiera directement ses fournisseurs. Il n’y a donc moins de décalage, de « trou » entre ses entrées et ses sorties d’argent.
Dans la plupart des cas, les entreprises présentent un besoin en fonds de roulement ; Elles doivent l’anticiper et se préoccuper de savoir comment elles le financeront. Il peut être comblé à l’aide du fonds de roulement, de crédits bancaires ou de la trésorerie de l’entreprise.
ROA et ROE
ROA (return on assets) et ROE (returns on equity), soit la rentabilité des actifs et la rentabilité des capitaux propres, donnent des indications sur l’efficacité avec laquelle une entreprise utilise ses actifs et ses capitaux propres pour générer du résultat.
Commençons, par le ROA, quoique l’ordre n’ait pas d’importance. Il se calcule :
ROA = résultat net / total actif
Pour avoir un résultat en pourcentage, on fait souvent :
ROA = (résultat net / total actif) × 100
Le résultat net, on en a déjà parlé, c’est celui que l’on trouve dans le compte de résultat et à la fin des soldes intermédiaires de gestion. Et le total des actifs correspond à la colonne de gauche du bilan qui, rappelons-le, est égale à la colonne de droite (passif).
En moyenne, on considère que le ROA commence à être élevé à partir de 10%, c’est-à-dire qu’avec 100 € d’actif on parvient à générer 10 € de résultat. Ce chiffre peut cependant varier fortement selon les secteurs, car certains secteurs nécessitent plus d’investissements que d’autres, affectant le total de l’actif et donc le ROA.
Le ROE est assez proche du ROA à ceci près qu’il se concentre sur les capitaux propres :
ROE = (résultat net / capitaux propres) × 100
Les capitaux propres correspondent à l’argent apporté par les actionnaires. On se demande donc avec quelle efficacité les capitaux investis permettent de générer du résultat. En moyenne (car là aussi il faudrait distinguer selon les secteurs) le ROE commence à être élevé à partir de 15%.
En comparant leur ROA et ROE avec la moyenne de leur secteur d’activité, les entreprises pourront estimer leur efficacité à utiliser leurs actifs et leurs capitaux propres.
Attardons-nous un peu sur la différence entre ROA et ROE. Tous deux considèrent le résultat net au numérateur, mais les différences apparaissent au dénominateur. Le ROA se base sur l’actif, alors que le ROE s’intéresse uniquement aux capitaux propres. La différence entre les deux est la dette. Rappelons en effet la structure simplifiée du bilan :
L’actif est égal au passif, qui se divise entre capitaux propres et dette. Il est logique que le ROA soit inférieur au ROE puisque dans un cas (ROA) le dénominateur inclus les dettes, ce qui n’est pas le cas du ROE.
La différence entre ROA et ROE peut être représentée par l’effet de levier, c’est-à-dire l’utilisation par une entreprise de la dette pour dégager du résultat.
Effet de levier = actif total / capitaux propres
On peut dire que ROE = ROA × effet de levier
En effet, on peut réécrire cette équation bien proprement :
En supprimant l’actif total, dans la partie droite de l’équation (car on a une multiplication et que l’actif total est une fois au numérateur et une fois au dénominateur), on trouve :
Résultat net / capitaux propres = résultat net / capitaux propres
On retombe bien sur nos pieds ! Tout ça pour montrer que la différence entre ROA et ROE réside dans l’endettement. Une différence importante entre ROA et ROE indique un fort recours à l’effet de levier, donc une dette élevée, et les risques qui vont avec.
Il est intéressant de regarder les évolutions dans le temps de ces rapports, s’ils s’écartent de plus en plus, cela indique un
endettement croissant, ce qui doit mettre la puce à l’oreille.
Les charges
On a déjà croisé ce terme de charge, mais on n’a pas pris le temps de le décortiquer plus en détail.
Remédions rapidement à cet oubli. Une charge est une diminution du résultat de l’entreprise et donc un appauvrissement de son patrimoine. Le contraire d’un produit, en somme. Une autre façon de dire les choses est qu’une charge correspond à une somme versée par l’entreprise.
Et la différence entre une charge et un coût ? Et bien un coût est plus général, il englobe plusieurs charges.
Par exemple le coût de la production représente l’ensemble des charges supportées par l’entreprise (salaires, approvisionnements, fournitures…).
Nous avons déjà vu les charges d’exploitation, financières et exceptionnelles. Voyons à présent les charges opérationnelles et de structure.
- Charge opérationnelle (ou charge variable) : charge dont le montant varie en fonction du volume d’activité.
- Charge de structure (ou charge fixe) : charge qui ne varie pas en fonction du volume d’activité.
Vous voyez la différence, la charge variable varie en fonction du volume de production. La charge fixe reste fixe quel que soit le montant produit ; facile, hein ? Pour faire la différence il faut se demander : si l’entreprise produit une unité de plus de façon exceptionnelle, cette production entrainera-t-elle des charges supplémentaires ?
Si oui, c’est une charge variable, si non, c’est une charge fixe.
Petit exemple pour finir. L’achat d’une machine est une charge fixe, car il faudra la payer qu’on l’utilise ou non. Vous allez me dire que si on produit beaucoup plus il faudra acheter une nouvelle machine, donc c’est une charge variable. Et bien non car la différence entre charge fixe et variable se fait à la marge : si je produis une unité supplémentaire à titre exceptionnel, est-ce que mes charges augmentent ? Et on ne rachète pas une nouvelle machine pour une seule unité, donc charge fixe. Par contre, l’électricité pour faire tourner la machine en question est, elle, une charge variable car il faudra augmenter la consommation d’énergie pour produire une nouvelle unité ; pas d’alternative à ça.
Les marges
Une marge est un écart entre des produits et des charges. Très utiles, les marges, car c’est elles qui permettent de savoir ce qui vous reste dans la poche après avoir produit. Il en existe beaucoup parmi lesquelles la marge commerciale qui correspond, pour un distributeur, à l’écart entre le prix de vente et le prix d’achat des marchandises vendues. La marge brute représente, pour une activité industrielle, l’écart entre le prix de vente et le coût de fabrication.
Mais une marge exprimée brute de décoffrage en euros n’est pas très parlante. Calculer de taux de marge est plus intéressant. Ce taux de marge peut être appréhendé sous plusieurs angles, il nous faut préciser.
En comptabilité on considère le taux de marge comme étant l’excédent brut d’exploitation (EBE) divisé par la valeur ajoutée (VA).
Retour en arrière pour ceux qui ont oublié ce que signifient ces termes barbares. Donc :
Taux de marge = (EBE/VA) × 100
On obtient ainsi le partage de la valeur ajoutée puisque, pour trouver l’EBE on a retiré les salaires et impôts sur la production. Il est cependant différent du taux de profit puisqu’on n’a pas encore retiré l’amortissement, les intérêts et l’impôt sur les sociétés.
En gestion, on considère plutôt le taux de marge comme étant le pourcentage que l’entreprise garde dans sa poche sur une activité commerciale. On a :
Taux de marge = (Marge commerciale/Prix d’achat des marchandises vendues) × 100
Petit exemple d’une entreprise qui achète une marchandise 8 pour la revendre 10. Son taux de marge est : [(10-8) / 8] × 100 = 25%, tout le monde avait trouvé le bon résultat ?
Ce taux de marge est beaucoup plus intéressant que la seule marge commerciale de 2€, car il est comparable avec d’autres entreprises et d’autres secteurs. On peut donc, chiffres à l’appui, réclamer à grands cris des avantages fiscaux sur les plateaux télé sous prétexte que la marge de notre secteur se réduit comme peau de chagrin et menace des milliers d’emplois, etc, etc…
Seuil de rentabilité et point-mort
Seuil de rentabilité et point mort recouvrent la même idée : à partir de quel seuil une entreprise devient-elle rentable ? Des questions capitales pour que l’entreprise puisse décider de son volume de production.
Le seuil de rentabilité correspond au volume d’activité minimum à partir duquel une entreprise commence à dégager un bénéfice. Le point mort est le volume d’activité pour lequel l’entreprise réalise un profit nul, c’est-à-dire que l’ensemble des charges = ensemble des produits.
On peut exprimer le seuil de rentabilité et le point mort en volume de production (unité, kg, euros…) mais aussi en année : quel est le nombre d’années d’activité à partir duquel l’entreprise commence à réaliser un profit ?
Vous commencez à saisir la logique, on va développer un petit exemple. Un petit exemple un peu matheux, ça nous changera de la prose. Ne partez pas en courant tout de suite, ce sera tout au plus des maths de collégien.
On a donc une entreprise dont la fonction de résultat peut s’exprimer par :
Résultat = 3x – 2x – 5
Avec 3x les produits, 2x les charges variables, 5 les charges fixes et x la quantité produite.
On cherche, vous l’aurez compris, à déterminer le point mort. C’est-à-dire qu’on cherche à savoir pour quel volume de production le résultat est nul, autrement dit pour quelle valeur de x notre fonction est égale à 0.
En langage plus matheux on cherche à résoudre l’équation :
3x – 2x – 5 = 0
Que l’on peut réécrire x – 5 = 0 puisque 3x – 2x = x.
Ensuite on se souvient de l’âge des culotes courtes. On cherche à avoir x égal un chiffre. Si j’ajoute 5 des deux côtés du signe égal j’obtiens : x -5 +5 = 0 + 5
Soit x = 5
Le point mort est atteint quand x = 5, donc quand elle produit 5 l’entreprise réalise un profit nul. Pour un volume de production inférieur à 5, l’entreprise réalise une perte, pour une production supérieure à 5 elle réalise un profit qui va toujours croissant car ma fonction de résultat est très simpliste.
Aller, petite question, quel est le résultat pour une production de 10 ?
On reprend notre fonction de résultat 3x – 2x – 5 et on remplace x par 10, ce qui nous donne : 3×10 – 2×10 – 5 = 30 – 20 – 5 = 5
Donc si l’entreprise produit (et vend) 10 unités elle réalise un profit de 5.
Si on avait voulu s’amuser un peu plus, on aurait pu représenter la fonction dans un graphique et observer le point mort et le seuil de rentabilité par lecture graphique (voir cet article).