La monnaie est le seul actif dans une économie qui présente un pouvoir libératoire général. Elle est l’institution qui rend les relations marchandes possibles et qui permet d’instituer le marché.
Pour autant, la confiance que les agents lui accordent n’est ni spontanée, ni autoréalisatrice. Elle n’est pas une simple croyance collective dans la stabilité de la monnaie.
L’histoire est parsemée de crises qui montrent que les systèmes monétaires peuvent conduire à des ruptures de confiance dont les conséquences économiques et humaines sont souvent considérables (la faillite bancaire de John Law en 1720 mais aussi, par exemple, la crise du peso argentin de 2002).
Lire Aussi: La fiscalité des entreprises familiales en France
La confiance que la communauté de paiement construit dans la monnaie s’inscrit dans le temps long et repose sur la qualité du cadre institutionnel relatif au système monétaire. L’État et la banque centrale en sont les deux représentants essentiels.
Toutefois, les fondements de la confiance dans la monnaie reposent sur des bases différentes selon que le cadre institutionnel est celui de la contrainte métallique ou celui de la contrainte institutionnelle.
Table de matières
Confiance dans la monnaie et contrainte métallique
Jusqu’à la décision politique de la démonétisation de l’or qui survient dans les premières décennies du XXe siècle, la contrainte monétaire, c’est-à-dire le dispositif qui valide la contrepartie de la monnaie en circulation, est un actif réel (l’argent ou l’or).
Lire Aussi: Comprendre les droits de succession en France
On distingue typiquement le cas où la contrainte monétaire se traduit par une circulation directe de la monnaie métallique et le cas où elle se traduit par une circulation de monnaie de crédit adossée à un métal.
Dans les économies marchandes qui n’ont pas encore expérimenté la monnaie de crédit ou bien qui ont subi des crises monétaires, la confiance dans la monnaie repose directement sur le métal précieux qui circule comme moyen de paiement au sein du territoire concerné.
Cette confiance est validée par la puissance publique (le sceau royal sur un Louis d’or) et par une banque centrale qui en organise la circulation. Dans ce cas, la contrainte est essentiellement métallique même si comme l’affirme F. Simiand : « l’or est la première des monnaies fiduciaires ».
Lire Aussi: La théorie de la firme : Pourquoi les entreprises existent
Dans les économies marchandes qui instituent la monnaie de crédit tout en conservant la contrainte métallique, la confiance dans la monnaie repose sur la maîtrise par les institutions de la convertibilité-or. Le cas du Bank charter act adopté au Royaume uni en 1844 qui distingue, au sein de la Banque centrale d’Angleterre, un département d’émission et un département du crédit est un bon exemple de construction institutionnelle de confiance qui articule la monnaie de crédit avec la contrainte métallique.
Confiance dans la monnaie et contrainte institutionnelle
Avec l’abandon de la convertibilité-or, la confiance dans la monnaie change de nature. La contrepartie de la monnaie en circulation n’est plus fondée sur un actif réel mais sur la qualité des créances monétisées. Cette contrepartie est validée par l’État et la banque centrale d’une part, mais aussi rendue possible par les banques de second rang qui, dans les systèmes monétaires modernes, assurent l’essentiel de la création monétaire.
La confiance dans la monnaie dépend en premier lieu de la crédibilité de la banque centrale et de sa capacité à assurer la stabilité monétaire. Celle-ci se traduit notamment par la lutte contre l’inflation et par la prévention et la sortie rapide des crises bancaires et monétaires (lutte contre la déflation).
Cette crédibilité se construit sur le temps long historique et constitue le socle de la confiance hiérarchique dans la monnaie au sens de M. Aglietta et A. Orléan. Cette crédibilité dépend aussi de l’efficacité de l’articulation entre la gouvernance conduite par la banque centrale et celle conduite par l’État.
Si, dans les économies actuelles, un certain degré d’indépendance des banques centrales semble acquis, la question de leur légitimité démocratique pour asseoir la confiance éthique dans la monnaie reste posée (exemple du débat sur la faible responsabilité démocratique de la Banque centrale européenne).
La confiance dans la monnaie découle aussi de l’efficacité du dispositif de concurrence entre les banques de second rang. Ce sont elles qui monétisent l’essentiel des créances vers l’économie réelle et qui alimentent la masse monétaire.
À ce titre, la confiance dans la monnaie est fonction de la dynamique de l’économie réelle à laquelle les banques répondent mais aussi de l’articulation entre les banques de second rang et la banque centrale qui assure ex post la régulation du système monétaire.
À ce titre, les crises de liquidité et/ou de solvabilité des banques affaiblissent la confiance dans la monnaie (la monnaie est un bien collectif). Aujourd’hui, la régulation bancaire est un des enjeux de la confiance dans la monnaie (exemple de l’Union bancaire européenne).