Disciple de Kurt Lewin, Chris Argyris, psychologue, est né en 1923 aux États-Unis. Professeur d’administration des entreprises à Harvard, il est spécialiste en éducation et en comportement organisationnel. Chercheur et praticien, il est intervenu dans de nombreuses grandes entreprises et organisations gouvernementales.
Chris Argyris lie individu et organisation. Le potentiel de tout individu sera développé ou limité par l’organisation dans laquelle il se trouve. Le développement de son potentiel profitera aussi à l’organisation.
Comme Douglas Mac Gregor, Chris Argyris pense que la « pratique managériale » doit être modifiée afin de favoriser la compétence et l’estime de soi des individus. Si la structure hiérarchique pyramidale n’est pas rejetée, elle doit être assortie de nouvelles formes de relations entre hiérarchies et subordonnés permettant une prise de responsabilité de tous les acteurs.
L’amélioration des structures organisationnelles et leur bon fonctionnement passent par « l’élargissement des tâches » et l’accroissement des responsabilités des individus.
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Pour Argyris, chaque individu a un potentiel qui peut être développé ou infirmé par l’organisation et l’environnement particulier du groupe pour lequel il travaille. Le développement du potentiel de l’individu ne peut se faire qu’au bénéfice mutuel de l’individu et de l’organisation mais les managers manquent souvent de confiance interpersonnelle pour permettre un tel développement.
À partir de l’étude de six sociétés, Argyris conclut que la manière dont sont prises les décisions crée souvent une atmosphère de défiance et d’inflexibilité, alors que les managers concernés considèrent que la confiance et l’innovation sont essentielles pour une prise de décision satisfaisante.
Il préconise donc que les dirigeants s’efforcent de poser les questions importantes, susceptibles de produire des réponses, en période de tranquillité et se remettent en cause à partir d’enregistrements de leurs réunions pour entrer activement dans un processus d’apprentissage de leur comportement et de celui du groupe managé.
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Dans ses recherches, Argyris identifie trois valeurs de base qui affectent les groupes de travail :
- les seuls rapports humains intéressants sont ceux qui ont pour résultat l’accomplissement des objectifs de l’organisation. En d’autres termes, si les cadres concentrent leurs efforts sur l’accomplissement des tâches, c’est souvent pour éviter d’approfondir les facteurs relationnels entre employés et le mécanisme de fonctionnement des groupes entre eux ;
- il faut accentuer la rationalité cognitive, et minimiser les sentiments et les émotions. C’est ainsi que les relations interpersonnelles sont considérées comme hors de propos dans le cadre de l’entreprise et ne concernent pas le travail ;
- les rapports humains sont plus utiles lorsqu’ils sont orientés par un système de direction, de coercition et de contrôle unilatéraux, ainsi que par des primes et des amendes. Argyris constate que l’autorité et le contrôle sont acceptés comme étant inévitables, inhérents et indissociables de la chaîne hiérarchique.
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Le concept de succès psychologique
À partir de ce diagnostic, Argyris réalise une véritable critique de l’efficacité dans les entreprises. Pour la plupart des managers, une organisation efficace concourt à l’atteinte des
objectifs qu’elle s’est fixée.
Cette définition est beaucoup trop restrictive selon lui. Il développe l’idée qu’une organisation efficace doit aussi utiliser toutes les ressources dont elle dispose, en particulier l’énergie humaine.
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Il souligne que l’énergie humaine a pour principale composante l’énergie psychologique qui peut se développer sous la confiance et propose le concept de succès psychologique.
Suivant Argyris, une organisation est efficace si elle permet fondamentalement à tous ses membres d’arriver au succès psychologique. Pour ce faire, elle doit donner à tout un chacun la possibilité de développer son efficacité personnelle.
Cela implique pour l’essentiel deux conditions. D’une part, les individus doivent s’accorder de la valeur et aspirer à un sentiment croissant de compétence notamment en se fixant des défis à relever. D’autre part, l’entreprise doit favoriser la compétence et l’estime de soi ce qui va à l’encontre de cultures organisationnelles favorisant au contraire l’apathie ou le fatalisme.
Le fonctionnement des organisations doit être modifié pour permettre aux individus d’atteindre le succès psychologique.
Le modèle d’organisation suggéré par Argyris s’appuie ainsi sur plusieurs principes d’actions :
- les interrelations entre les composantes de l’organisation peuvent favoriser sa direction ;
- il doit exister une conscience globale de l’organisation ;
- les objectifs réalisés doivent être ceux de l’ensemble de l’organisation.
Argyris ajoute l’idée qu’il doit exister au sein des organisations une capacité de modifier les activités internes (restructurer les emplois, les services, etc.) et les activités externes (s’adapter à de nouvelles demandes, à de nouveaux clients, etc.).
Enfin, il propose une vision élargie de l’avenir des organisations puisqu’il insiste sur l’idée que les dirigeants et les managers doivent avoir une vision prospective et chercher à anticiper les grandes évolutions.
Le mode de management préconisé pour accroître les chances de développement du succès psychologique repose sur les principes suivants :
- l’élargissement et l’enrichissement du travail par une participation au processus de prise de décision, une participation à la conception du travail et des informations sur les résultats atteints ;
- le changement de valeurs et de comportements des managers davantage orienté vers la confiance et un management relationnel ;
- la décentralisation du contrôle de gestion et la sensibilisation des salariés aux aspects économiques de leur activité ;
- l’évolution des systèmes de rémunération et d’évaluation des employés. Ces derniers doivent être davantage orientés vers l’encouragement à une contribution au maintien du système d’organisation interne et à l’adaptation à l’environnement de l’entreprise. Ces systèmes doivent chercher à favoriser le développement du potentiel des individus en accordant plus d’attention aux facteurs émotionnels et à la compétence interpersonnelle pour se rapprocher des valeurs fondamentales de l’organisation
La théorie de l’apprentissage organisationnel
Les recherches de C. Argyris insistent particulièrement sur l’idée que les organisations efficaces du futur seront celles qui sauront capables de développer leur faculté d’adaptation
grâce à leur capacité d’apprentissage.
Le développement d’organisations apprenantes semble être une nécessité pour les sociétés modernes. Selon l’auteur, il est indispensable que les routines défensives faisant obstacles au changement et à l’apprentissage soient maîtrisées.
Pour Argyris et Schön, les possibilités d’apprentissage sont en réalité nombreuses : elles existent chaque fois que les individus perçoivent un décalage entre les résultats des actions qu’ils entreprennent et les objectifs préalablement fixés.
L’apprentissage peut se réaliser en « simple boucle » (voir schéma ci-dessous), c’est-à-dire que les individus vont modifier et adapter leur comportement sans remettre en cause les principes fondant leur action (Argyris dit qu’ils ne modifient pas le « programme-maître », à savoir les principes et valeurs qui orientent leurs stratégies d’action). Les erreurs sont corrigées par simple modification du comportement des individus.
L’apprentissage en simple boucle est donc un processus comportemental d’adaptation/ réponse ou de correction d’erreurs dans des schémas organisationnels établis et qui ne sont pas remis en cause.
L’autre modalité d’apprentissage (en « double-boucle », voir schéma) remet en question les schémas mentaux fondant les actions : c’est un processus cognitif qui, au-delà de la correction des erreurs, contribue à infléchir les manières de penser, de travailler, par incorporation de modes opératoires nouveaux et de nouvelles méthodes de résolution des problèmes.
L’apprentissage en double boucle conduit donc à l’adoption et la production de nouveaux schémas de connaissance de pensée et d’action. Si le management favorise ces situations, la culture organisationnelle peut évoluer, amoindrir ainsi les routines et produire ce qu’Argyris appelle du savoir « actionnable », c’est-à-dire un savoir susceptible d’être mis en action.
Et c’est lorsqu’elle réalise durablement des apprentissages en double boucle que l’individu apprend, apprend à apprendre : l’organisation devient « apprenante ».
Dans l’approche d’Argyris et Schön, on a bien une confirmation que les styles participatifs de management favorisent les apprentissages organisationnels dans la mesure où ils constituent une incitation à remettre en cause les valeurs directrices qui sont source des routines défensives.
En ouvrant des espaces à la discussion, le participatif donne la possibilité aux individus de reconfigurer les modes de pensée et d’agir face aux problèmes qu’ils ont à affronter : on apprend des autres plus que de sa propre expérience.
Cette approche séduisante a inspiré de nombreux travaux dans le champ de la gestion des ressources humaines et en particulier des réflexions sur les qualifications et les compétences. Elle a cependant été critiquée pour son caractère faiblement opératoire.